Par une requête enregistrée le 6 juillet 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 14 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
3°) d'enjoindre au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de procéder au réexamen de sa situation, dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant rwandais né le 1er janvier 1992 à Kigali (Rwanda), est entré en France le 28 septembre 2015, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa long séjour " étudiant ". Il a bénéficié tout d'abord d'un titre de séjour en qualité d'étudiant puis a déposé, le 22 mai 2018, une demande d'asile. Par une décision du 14 septembre 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a refusé de lui accorder le bénéfice des conditions matérielles d'accueil au motif qu'il s'était maintenu sur le territoire français durant plus de cent vingt jours sans présenter de demande d'asile, sans motif légitime. M. B... relève appel du jugement du 28 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... soutient que les premiers juges, en ne se prononçant sur le fait que le dépôt de sa demande d'asile en dehors du délai de cent vingt jours courant à compter de son entrée en France, était imputable à la circonstance, qu'il présentait comme constitutive d'un motif légitime, que son père avait été assassiné pour des motifs politiques après son entrée ne France, ont entaché le jugement attaqué d'une insuffisance de motivation. Toutefois, dans ses écritures en première instance, le requérant, qui n'indiquait pas la date du décès de son père, ne tirait de cet argument aucune justification du dépôt tardif de sa demande d'asile mais le rapportait simplement aux risques qu'il encourrait, selon ses déclarations, en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le tribunal administratif de Rouen, qui a indiqué au point 9 du jugement attaqué, que l'intéressé ne pouvait utilement se prévaloir de ces considérations à l'encontre de la décision attaquée, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de répondre expressément à cet argument pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 723-2, L. 744-8 et D. 744-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision contestée :
3. Aux termes du 2. de l'article 20 de la directive 2013/33/CE du 26 juin 2013 : " Les Etats membres peuvent aussi limiter les conditions matérielles d'accueil lorsqu'ils peuvent attester que le demandeur, sans raison valable, n'a pas introduit de demande de protection internationale dès qu'il pouvait raisonnablement le faire après son arrivée dans l'Etat membre ". Dans sa rédaction applicable au présent litige, l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, portant transposition de l'article 20 de la directive 2013/33/CE du 26 juin 2013, dispose : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / (...) / 3° Refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile ou s'il n'a pas sollicité l'asile, sans motif légitime, dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 (...) ". Aux termes du III de l'article L. 723-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige: " L'office statue également en procédure accélérée lorsque l'autorité administrative chargée de l'enregistrement de la demande d'asile constate que : / (...) / 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France ; / (...) ". Aux termes de l'article D. 744-37 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le bénéfice de l'allocation pour demandeur d'asile peut être refusé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration : / (...) / 2° Si le demandeur, sans motif légitime, n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai prévu au 3° du III de l'article L. 723-2 ; / (...) ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'Office français de l'immigration et de l'intégration, pour refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. B..., s'est fondé sur le fait qu'il n'avait pas déposé sa demande d'asile dans le délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France, ce délai étant applicable par renvoi aux dispositions précitées du III de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le requérant soutient que ce délai ne lui était pas, en l'espèce, opposable.
5. D'une part, la circonstance que M. B... est entré régulièrement en France, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa " étudiant ", ne faisait pas obstacle à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration lui oppose le dépôt tardif de sa demande d'asile, dès lors que les dispositions du 3° de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent le refus du bénéfice des conditions matérielles d'accueil en cas de dépôt d'une demande d'asile au-delà d'un délai de cent vingt jours à compter de son entrée en France, sans que le séjour régulier de l'étranger ne puisse faire obstacle à un tel refus. Les dispositions précitées de l'article 20 de la directive 2013/33/CE du 26 juin 2013, dont l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile assure la transposition, ne se réfèrent pas aux conditions d'entrée en France du demandeur d'asile mais fixent comme critère d'attribution des conditions matérielles d'accueil celui du délai raisonnable de présentation de la demande de protection internationale. Il s'ensuit que le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce qu'il est entré régulièrement en France et qu'il s'y est maintenu régulièrement jusqu'au dépôt de sa demande d'asile le 22 mai 2018, soit au-delà du délai imparti pour l'attribution des conditions matérielles d'accueil.
6. D'autre part, M. B... soutient que l'assassinat de son père survenu après son entrée en France constituait un motif légitime pour demander tardivement l'asile. Toutefois, il ne produit aucun élément au soutien de cette assertion, alors, d'ailleurs, qu'il n'a pas indiqué devant les premiers juges, et ne le fait davantage en cause d'appel, la date de ce décès.
7. En second lieu, le requérant soutient que sa situation de vulnérabilité n'a pas été prise en considération par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour de étrangers. Toutefois, il ne produit, en appel, aucun élément nouveau, de fait ou de droit, de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ce moyen. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus, à bon droit, par les premiers juges au point 7 du jugement attaqué.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision attaquée. Par suite, sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles aux fins d'injonctions sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me C....
N°20DA00946 4