Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021, sous le n° 21LY00270, le préfet du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 novembre 2020, en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. B... ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait refuser de faire droit à la demande de regroupement familial, au motif que l'acte de mariage des époux B... n'était pas conforme aux lois françaises et n'avait pas été transcrit en France ;
- dès lors qu'il était de bonne foi, il n'était pas équitable de mettre à sa charge une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 26 février 2021, M. A... B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II) Par une requête enregistrée le 26 janvier 2021, sous le n° 21LY00271, le préfet du Rhône demande à la cour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 26 novembre 2020, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne pouvait refuser de faire droit à la demande de regroupement familial, au motif que l'acte de mariage des époux B... n'était pas conforme aux lois françaises et n'avait pas été transcrit en France.
Par un mémoire enregistré le 26 février 2021, M. A... B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. B... ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré, présentée pour M. B..., enregistrée le 29 avril 2021 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant iranien né en 1981, réside en France sous couvert d'une carte de résident qui lui a été délivrée en qualité de réfugié, en mai 2012. Le 31 octobre 2018, il a sollicité le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse. Il a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Rhône sur sa demande. En cours d'instance, le préfet du Rhône a rejeté sa demande par une décision du 27 octobre 2020. Par jugement du 26 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a regardé les conclusions de la demande comme dirigées contre la décision du 27 octobre 2020 et a annulé cette décision. Il a également enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation de regroupement familial au bénéfice de l'épouse de M. B... et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de la demande de M. B.... Le préfet du Rhône demande l'annulation et le sursis à l'exécution de ce jugement.
2. Ces deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes relatives à la situation administrative d'un même étranger. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 21LY00270 :
3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 de ce code alors en vigueur : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : 1° Les pièces justificatives de l'état civil des membres de la famille : l'acte de mariage (...) ".
4. Aux termes du 1 de l'article 12 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " Le statut personnel de tout réfugié sera régi par la loi du pays de son domicile ou, à défaut de son domicile, par la loi du pays de sa résidence. (...) ". Aux termes de l'article 171-5 du code civil : " Pour être opposable aux tiers en France, l'acte de mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère doit être transcrit sur les registres de l'état civil français. En l'absence de transcription, le mariage d'un Français, valablement célébré par une autorité étrangère, produit ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants. "
5. Il ressort des pièces du dossier que le mariage du requérant avec une compatriote a été célébré le 8 avril 2018 à Téhéran, après que M. B... a mandaté le père de son épouse pour le représenter, par procuration émise par l'ambassade de la république islamique d'Iran à Paris le 9 mars 2018. Pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. B... au profit de son épouse, le préfet du Rhône s'est fondé sur l'absence de transcription sur les registres de l'état-civil français de cet acte de mariage, et sur le fait que ce dernier ayant été célébré en contradiction avec les règles françaises, il ne pourrait figurer en marge des actes reconstitués par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. M. B... ayant la qualité de réfugié, ce qui fait obstacle à ce qu'il prenne contact avec les autorités de son pays, son statut personnel est régi par la loi française, en vertu des stipulations de l'article 12 de la convention de Genève citées au point précédent. Dans ces conditions, et faute d'avoir été transcrit sur les registres de l'état-civil, son acte de mariage, célébré à l'étranger, est inopposable aux tiers. C'est par suite à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet du Rhône ne pouvait rejeter la demande de regroupement familial au motif que l'acte de mariage qui avait été produit n'était pas opposable.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. B....
7. La demande de M. B... ayant été rejetée au motif qu'elle n'entrait pas dans le champ du regroupement familial, faute de transcription sur les registres d'état-civil de l'acte de mariage de l'intéressé, le préfet pouvait rejeter la demande sans saisir le maire d'une demande tendant à la vérification des conditions de logement et de ressources du demandeur. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que préfet du Rhône est fondé à demander, outre l'annulation du jugement qu'il attaque, le rejet de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la requête n° 21LY00271 :
9. Le présent arrêt ayant statué sur la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement du 26 novembre 2020, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande M. B... au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 26 novembre 2020 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon aux fins d'annulation de la décision de rejet de sa demande de regroupement familial, d'injonction et de mise à la charge de l'Etat d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions qu'il présente en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21LY00271.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2021 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme D... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mai 2021.
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N° 21LY00270-21LY00271