Par un jugement n° 1809327 - 1809331 du 8 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a joint ces deux demandes et les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 juin 2019, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Ain du 21 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de délivrer à chacun d'eux un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent que :
- la décision les obligeant à quitter le territoire a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. C... a été diagnostiqué d'une grave maladie au cours de l'année 2018 et que son traitement n'est pas disponible en Albanie ;
- la décision, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ainsi que d'un défaut d'examen particulier de leur situation compte tenu de sa rédaction stéréotypée ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ainsi que d'un défaut d'examen particulier s'agissant des risques qu'ils encourent en cas de retour en Albanie.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2019, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 2011 pris pour son application ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... H..., première conseillère,
- et les observations de Me B... pour M. et Mme C... ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 25 octobre 2019, produite par le préfet de l'Ain ;
1. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande d'annulation dirigée contre l'arrêté du 21 novembre 2018 du préfet de l'Ain qui leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement d'office.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 novembre 2018 :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C..., ressortissants albanais nés respectivement en 1972 et 1982, sont entrés en France le 8 septembre 2017. Leur demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 27 avril 2018 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 18 octobre 2018. Ils font valoir qu'eu égard aux risques auxquels ils sont exposés en cas de retour en Albanie, la poursuite de leur vie privée et familiale dans ce pays est impossible et se prévalent de la présence en France du frère du requérant, M. E... C... qui, de même que son épouse, a obtenu la protection subsidiaire et y séjourne régulièrement. Toutefois, par les pièces produites les requérants n' établissent pas l'impossibilité de retourner s'établir en Albanie et d'y poursuivre leur existence sans encourir personnellement les risques allégués. Ainsi et eu égard aux conditions d'entrée et à la brièveté du séjour des requérants en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale des requérants.
4. En deuxième lieu, les requérants qui ont fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire après que leur demande d'asile ait été définitivement rejetée, ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; ". Il ressort des pièces du dossier que M. C... est atteint du syndrome myasthénique de Lambert-Eaton. Sa pathologie ayant été identifiée en décembre 2018, il fait depuis l'objet d'une surveillance médicale et d'un traitement médicamenteux permettant d'atténuer les symptômes de faiblesse musculaire. Si l'intéressé fait valoir qu'il ne peut se faire soigner en Albanie, il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier qu'il ne pourrait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé, ni qu'il ne pourrait voyager sans risque vers ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît les dispositions précitées doit être écarté.
6. En quatrième lieu, la seule circonstance que le préfet de l'Ain n'a pas mentionné l'ensemble des témoignages et des autres pièces versées au dossier n'est pas de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de leur situation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. et Mme C... soutiennent encourir des risques de vendetta en cas de retour en Albanie. Ils font valoir que leur départ en 2014 de l'Albanie pour la Suède où ils ont été déboutés d'une demande d'asile puis pour le Kosovo et enfin pour la France en 2017 témoigne de leur impossibilité de demeurer en Albanie. Ils indiquent également que le frère cadet de M. C... a obtenu en 2017 la protection subsidiaire en France, qu'un autre frère est en attente du traitement de sa demande d'asile et que ses autres frères sont devenus citoyens belges et résident dans ce pays. Toutefois, les attestations produites, qui évoquent le contexte de vendetta depuis la fin des années 1990 entre deux familles dont l'une liée à des membres de la famille C..., ne permettent pas de caractériser une menace dont ils seraient personnellement les cibles. De plus M. C... a pu demeurer en Albanie pendant une quinzaine d'années où il a pu exercer sa profession de gérant d'un commerce de lavage de voitures. Ainsi les requérants dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale d'asile ne démontrent pas l'existence d'un risque actuel, personnel et direct de traitements contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Albanie, ni que les autorités albanaises ne seraient pas à même d'assurer leur protection. Dans ces circonstances, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. Leurs conclusions tendant à l'application, au bénéfice de leur avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... F... épouse C..., à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme J..., présidente de chambre ;
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme I... H..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2019.
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N° 19LY02388
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