Par un jugement n° 1722569 du 19 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 19 février 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 30 novembre 2021, la société Verdis, M. B... C..., M. K... C..., M. G... C..., M. E... C..., Mme I... F..., M. J... D..., Mme L... H... et M. A... H..., représentés par la Selarlu Cartusis, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 décembre 2019 ;
2°) de condamner la commune d'Apremont à verser la somme de 50 000 euros à la SARL Verdis et la somme globale de 1 292 730,04 euros aux autres requérants, ainsi que la somme de 20 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Apremont la somme de 3 500 euros à verser à la SARL Verdis et la somme de 3 500 euros à verser aux autres requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'illégalité du classement des parcelles où ils avaient projeté une opération de lotissement dans la modification du plan local d'urbanisme adoptée le 6 juillet 2009 constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Apremont ;
- l'arrêt de l'opération pendant une période de cinq années a porté atteinte à l'image de la SARL Verdis et lui a occasionné un préjudice qui peut être évalué à la somme de 50 000 euros, alors au demeurant que la possibilité de réaliser un nouveau projet n'est pas établi ;
- les autres demandeurs ont subi un préjudice qui s'élève à la somme de 6 228 euros au titre des frais supplémentaires liés à la nécessité de déposer une nouvelle demande de permis d'aménager, une somme de 107 112,78 euros au titre de la réactualisation des frais concernant les travaux de viabilisation, une somme de 1 179 389,26 euros en réparation de leur manque à gagner et une somme de 20 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2021, et un mémoire en réplique enregistré le 5 janvier 2022, qui n'a pas été communiqué, la commune d'Apremont, représentée par Me Cognat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel, qui reprend les écritures de première instance, n'est pas motivée et est irrecevable ;
- la société Verdis n'a subi aucun préjudice, les travaux qu'elle a réalisés s'étant achevés avant la reconnaissance d'illégalité de la modification du plan d'occupation des sols, et le différé des travaux de finition ayant également été décidé avant cette date ; le permis d'aménager obtenu en 2018 ne fait que régulariser les travaux antérieurs, sans en modifier la consistance ; la réalité de l'atteinte à l'image n'est pas établie ;
- le préjudice lié à la nécessité de déposer un nouveau permis d'aménager n'est pas établi ; ce dépôt est sans lien avec les modifications qui ont été apportées au plan local d'urbanisme, mais résulte de l'évolution du projet souhaité par les demandeurs ; il n'est pas justifié de la réalité de ces frais ;
- le lien entre la faute et le préjudice lié à l'indemnisation de la société Guintoli n'est pas justifié ;
- le manque à gagner est purement éventuel et ne peut être indemnisé ;
- le préjudice moral n'est pas établi ;
- le retard dans les travaux résulte des délais mis par les requérants pour mener à bien les travaux, notamment en saucissonnant l'opération pour échapper à l'obligation de construire des logements sociaux.
La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 janvier 2022, par une ordonnance en date du 3 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Cognat pour la commune d'Apremont ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., M. K... C..., M. G... C..., M. E... C..., Mme I... F..., M. J... D..., Mme L... H... et M. A... H..., requérants dans la présente instance, sont propriétaires de parcelles d'un tènement situé dans le secteur de la Serraz, classé en zone Uds suite à la modification du plan d'occupation des sols adopté par délibération du 6 juillet 2009. Le 23 septembre 2013, le maire d'Apremont leur a délivré un permis d'aménager et les intéressés ont confié la réalisation de l'opération de lotissement à la société Verdis. A l'occasion d'un recours contre d'autres autorisations d'urbanisme délivrées sur des parcelles voisines, le tribunal administratif de Grenoble, par des jugements du 4 novembre 2014, puis la cour administrative d'appel de Lyon par des arrêts du 14 juin 2016, ont retenu, par la voie de l'exception, l'illégalité de ce zonage Uds, comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation faute notamment de desserte du secteur par les réseaux d'eau potable, d'électricité et des eaux pluviales. Les trois permis de construire qui avaient été délivrés en mai et juin 2016 ont été retirés en juillet suivant, à la demande du préfet de la Savoie, en raison de l'illégalité du classement en zone constructible de ces terrains. Dans l'attente de l'adoption du nouveau plan local d'urbanisme, le 30 octobre 2017, classant ces terrains en zone constructible et soumettant le secteur à une orientation d'aménagement et de programmation, les requérants ont saisi la commune d'Apremont, le 3 janvier 2017, d'une demande indemnitaire. Ils relèvent appel du jugement du 19 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon rejetant leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Apremont à les indemniser du préjudice résultant de l'illégalité du classement de leurs parcelles en zone constructible, par la délibération du 6 juillet 2009.
Sur les conclusions indemnitaires :
2. L'illégalité entachant le plan d'occupation des sols modifié le 6 juillet 2009, sur le secteur de la Serraz, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune d'Apremont à l'égard des requérants. Toutefois, ces derniers ne sont fondés à obtenir réparation qu'à la condition qu'il existe un lien direct et certain entre cette illégalité et les préjudices allégués, qui doivent au demeurant être établis.
En ce qui concerne le préjudice de la SARL Verdis :
3. Il ressort des pièces du dossier que les travaux d'aménagement autorisés par le permis d'aménager délivré le 23 septembre 2013, réalisés par la société Verdis, ont donné lieu à une déclaration du 2 décembre 2015 attestant de l'achèvement et la conformité des travaux autorisés, à l'exception de travaux de finition. Si la commercialisation des lots n'a pu se faire, suite aux décisions intervenues en juillet 2016, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que cette circonstance, qui ne peut d'ailleurs être imputée à la société en charge des travaux d'aménagement, ait pu avoir pour conséquence de préjudicier à son image. Par suite, le préjudice n'étant pas établi, la demande d'indemnisation qu'elle présente à ce titre doit être rejetée.
En ce qui concerne le préjudice des autres requérants :
4. En premier lieu, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le classement des parcelles en litige en zone constructible par la modification du plan d'occupation des sols adopté en 2009 était entaché d'illégalité, du fait notamment de l'insuffisance des réseaux, les requérants ne pouvaient prétendre légalement y réaliser une opération de construction. Par suite, ils ne sauraient demander l'indemnisation d'un prétendu manque à gagner né de l'absence de réalisation de l'opération. Au surplus, les terrains étant classés en zone constructible dans le nouveau plan local d'urbanisme, le préjudice allégué, sans que cette demande soit d'ailleurs assortie des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, est, en l'état, purement éventuel.
5. En deuxième lieu, les requérants ne pouvant prétendre avoir légalement commencé les travaux d'aménagement avant l'adoption du nouveau PLU, en 2017, ils ne peuvent solliciter le versement d'une somme au titre de l'actualisation des prix entre le démarrage effectif des travaux d'aménagements et l'achèvement des travaux de finition, qui seraient réalisés après 2017.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que les travaux d'aménagement autorisés par le permis d'aménager de 2013 étaient achevés en 2015, à l'exception des travaux de finition. Si les requérants font valoir qu'ils ont déposé une nouvelle demande de permis d'aménager en 2018, ils ne produisent aucun élément de nature à établir que celle-ci était la conséquence directe de l'illégalité fautive du plan d'occupation des sols adopté en 2009. Par suite, et alors au demeurant qu'ils ne justifient pas des sommes ainsi versées, leur demande ne peut qu'être rejetée.
7. En quatrième lieu, les requérants soutiennent avoir dû indemniser la société en charge des travaux de lotissement des frais d'immobilisation exposés en raison de l'arrêt du chantier, après juillet 2016. Toutefois, les requérants se bornent à produire une facture adressée à la SARL Verdis, sans fournir d'explications complémentaires sur le lien entre le fait générateur et les frais en cause ni d'éléments justifiant qu'ils ont effectivement acquitté ces sommes, facturées à l'aménageur. Dans ces conditions, ils ne peuvent être indemnisés de ce préjudice.
8. En dernier lieu, et alors qu'à la date d'interruption des travaux, le nouveau PLU de la commune d'Apremont en cours d'élaboration prévoyait le classement des terrains en litige en zone constructible, et qu'il ressort des pièces du dossier que la commune d'Apremont a associé les requérants à cette élaboration, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient subi un préjudice moral, qu'ils ne précisent d'ailleurs pas, en raison de l'illégalité du classement de leurs terrains en 2009.
9. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les requérants tendant à la mise à la charge de la commune d'Apremont, qui n'est pas partie perdante, des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Apremont au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Verdis et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Apremont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Verdis, pour les requérants, et à la commune d'Apremont.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
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N° 20LY00691