Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mai 2021 et le 4 juin 2021, M. B..., représenté par Me Guerault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 19 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire d'avoir à mettre fin à toute mesure de contrôle prise à son encontre de manière immédiate à compter de la notification de l'arrêt et d'avoir à saisir les services ayant procédé à son signalement de non-admission en vue de la mise à jour du fichier dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à son conseil, au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- les deux décisions méconnaissent le droit d'être entendu ;
- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée ;
- la décision portant interdiction de retour méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire, qui n'a pas produit de mémoire.
Par une décision du 28 avril 2021, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... à l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité arménienne, né le 25 avril 1979, est entré en France à la date déclarée du 13 novembre 2017. Le préfet de Saône-et-Loire a pris un arrêté le 19 août 2020 par lequel il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a pris le même jour un arrêté l'assignant à résidence. M. B... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon du 25 février 2021 qui a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité des arrêtés du 19 août 2020 :
2. Si M. B... soutient qu'il n'a pas été mis en mesure par l'autorité préfectorale de présenter ses observations préalablement à l'édiction des décisions litigieuses, en violation de son droit d'être entendu, il ressort des pièces du dossier qu'il a eu la possibilité, notamment à la suite de la décision non exécutée du 4 septembre 2019 l'obligeant à quitter le territoire français alors qu'il avait demandé par ailleurs un titre de séjour en qualité de salarié qui lui a été refusé le 22 juin 2020 sans faire état à l'occasion de cette demande de circonstances particulières, de faire valoir les observations de nature à influer sur les décisions prises à son encontre. Le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu résultant du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration doit, dès lors, être écarté.
3. M. B... réitère en appel son moyen de première instance selon lequel la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée. Cet arrêté précise, après avoir visé la décision d'obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours du préfet de la Saône-et-Loire régulièrement notifié, et après avoir rappelé l'existence d'une adresse fiable à Chalon-sur-Saône, que le requérant " présente ainsi des garanties effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement dont il fait l'objet, dans l'attente de son exécution effective et qu'au regard de la suspension exceptionnelle des échanges aériens et terrestres avec l'Arménie, en raison de nécessités sanitaires impérieuses, l'impossibilité temporaire de regagner son pays d'origine... ". La décision indique par ailleurs qu'il y a lieu d'aménager la mesure d'assignation à résidence afin de permettre à ses trois enfants de poursuivre leur scolarité et fixe en conséquence une mesure d'assignation pour une période de six mois renouvelable. Ainsi, en prenant en compte l'ensemble de ces éléments et notamment la présence d'enfants scolarisés, le préfet a suffisamment motivé sa décision y compris concernant sa durée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. B..., entré sur le territoire français le 13 novembre 2017, soutient que son épouse et ses trois enfants ont fixé le centre de leurs intérêts matériels et familiaux depuis plusieurs années en France. Il ajoute qu'il a créé des attaches sociales et s'est intégré à Chalon-sur-Saône par des activités bénévoles. Il fait valoir que ses trois enfants sont nés en 2007, 2009 et 2020 et que les deux ainés sont scolarisés. Cependant, l'intéressé a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans dans son pays d'origine où il a conservé des attaches privées et familiales. Il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 4 septembre 2019 et d'un refus de délivrance de titre de séjour en qualité de salarié le 22 juin 2020. Alors que sa famille ne demeure en France que depuis moins de trois ans à la date de l'arrêté attaqué et qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière, sa seule présence récente sur le territoire français et la circonstance qu'il y ait noué des liens sociaux ne suffisent pas à faire regarder l'arrêté attaqué comme portant au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris.
6. Le requérant soutient que l'arrêté méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants scolarisés ne pourraient poursuivre une scolarité en Arménie. M. B... ne fait état d'aucune circonstance particulière empêchant ses trois enfants de retourner dans leur pays d'origine accompagnés de leurs parents de même nationalité faisant tous deux l'objet de mesures d'éloignement. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant sera écarté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions dirigées contre les arrêtés du 19 août 2020, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire d'avoir à mettre fin à toute mesure de contrôle prise à son encontre de manière immédiate à compter de la notification de l'arrêt et d'avoir à saisir les services ayant procédé à son signalement de non-admission en vue de la mise à jour du fichier ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Danièle Déal, présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.
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N° 21LY01599