Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 mai 2020, M. B...-C... et Mme I... G..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 février 2020 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 14 mars 2019 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Chevry et de la SNC Serenis-1 la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il mentionne de manière inexacte que les observations à l'audience ont été présentées pour la seule Mme G... ;
- le jugement est irrégulier, au regard des exigences de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, en l'absence de signature ;
- le tribunal a insuffisamment répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des articles UB 3 et UB 11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU) ;
- le dossier de demande était insuffisant au regard des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, s'agissant de la mention des plantations existantes, ce qui a été de nature à induire en erreur le service instructeur ;
- la demande de permis était entachée de fraude, au regard des dispositions de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, dès lors que le pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer une demande de permis de construire sur ce terrain ;
- le permis méconnaît l'article UB 3 du règlement du PLU ;
- le permis méconnaît l'article UB 11 du règlement du PLU ;
- le permis méconnaît l'article UB 13 du règlement du PLU.
Par un mémoire enregistré le 18 juin 2020, la SNC Serenis-1, représentée par la SELAS Adamas Affaires Publiques, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 3 septembre 2020, la commune de Chevry, représentée par la SELARL cabinet d'avocats Philippe D... et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé.
La clôture de l'instruction a été fixée au 3 décembre 2020, par une ordonnance en date du 3 novembre 2020.
Par lettres du 13 janvier 2021, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la possibilité pour la cour de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, afin de permettre l'intervention d'une mesure de régularisation.
Par un mémoire enregistré le 18 janvier 2021, qui n'a pas été communiqué, la SNC Serenis-1 a présenté ses observations en réponse au moyen.
Par un mémoire enregistré le 22 janvier 2021, qui n'a pas été communiqué, la commune de Chevry a présenté ses observations en réponse au moyen.
Par un mémoire enregistré le 28 janvier 2021, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme G... ont présenté leurs observations en réponse au moyen.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me H..., substituant Me E..., pour M. et Mme G..., celles de Me L..., substituant Me D..., pour la commune de Chevry, ainsi que celles de Me M... pour la SNC Serenis-1 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 14 mars 2019, le maire de Chevry a délivré à la SNC Serenis-1 un permis de construire valant division en vue de la réalisation de douze maisons individuelles, dont trois logements sociaux. M. et Mme G..., relèvent appel du jugement du 18 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision rejetant leur recours gracieux.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. (...) Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. "
3. Le jugement mentionne que le conseil de Mme G... a été entendu lors de l'audience publique. Si ce dernier représentait également M. G..., les époux étant tous deux demandeurs en première instance, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité du jugement, alors que les observations présentées pour Mme G... ont été valablement présentées pour les deux requérants. Par suite, le moyen doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. "
5. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux époux G... ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité du jugement.
6. Enfin, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par les requérants à l'appui de leurs moyens, ont suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles ils ont considéré que le permis ne méconnaît pas les dispositions de l'article UB 11 du règlement du PLU, compte tenu des caractéristiques du terrain qu'ils avaient décrit, et celles de l'article UB 3 du même règlement, quand bien même ils n'ont pas spécifiquement fait état de l'aire de retournement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 14 mars 2019 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-35 du même code : " (...) La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. (...) ".
8. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le demandeur qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 4315 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées à l'article R. 4231 du même code pour déposer une demande de permis de construire doit être regardé comme ayant qualité pour présenter cette demande. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une telle déclaration ou d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 4231 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.
9. Il ressort des pièces du dossier que la société bénéficiaire du permis de construire litigieux a attesté remplir les conditions prévues à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme. Si les requérants font valoir que sa qualité pour déposer la demande de permis de construire n'est pas démontrée, et que la déclaration préalable en vue de diviser le terrain dont est issu le lot avait été présentée par une autre personne, il ne ressort ni de cette circonstance ni d'aucune pièce du dossier que le maire de Chevry disposait d'éléments lui permettant de penser, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que la SNC Serenis-1 n'avait pas qualité pour déposer la demande ou que celle-ci avait un caractère frauduleux.
10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / (...) ".
11. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
12. Il ressort des pièces du dossier que la notice du projet architectural indique que le terrain d'assiette est planté d'arbustes et d'une vingtaine d'arbres d'ornement d'essences non locales pour nombre d'entre eux. Concernant le projet, elle indique que les haies existantes situées en limite seront conservées, mais qu'en revanche les arbres de moyenne importance, à savoir les résineux et divers feuillus à moyenne tige, dont beaucoup sont des végétaux d'ornement d'essences non locales, seront supprimés pour être remplacés par des arbres de moyenne tige de variétés locales. Par ailleurs, les arbres existants apparaissent sur le plan parcellaire et le plan masse montre l'implantation des dix-neuf arbres de moyenne tige devant être plantés. Si le dossier de demande ne fait pas apparaître le nombre d'arbustes présents sur le terrain ni le nombre d'arbres de haute tige, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation du service instructeur, qui disposait par ailleurs de photographies et des plans joints au dossier, aurait été faussée de ce fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande doit être écarté.
13. En troisième lieu, aux termes de l'article UB 3 du règlement du PLU : " Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies nouvelles doivent être adaptées aux usages qu'elles supportent ou aux opérations qu'elles doivent desservir. En particulier, elles doivent présenter des caractéristiques adaptées à l'approche des moyens de lutte contre l'incendie. "
14. Il ressort des pièces du dossier que la voie privée devant desservir les douze constructions du projet présente une bande de roulement d'une largeur comprise entre 4 et 5,5 mètres et se termine par une aire de retournement dont les caractéristiques apparaissent adaptées à sa fonction. Cette voie, qui permet le croisement des véhicules et le passage des moyens de lutte contre l'incendie est ainsi adaptée à l'opération qu'elle doit desservir. Par suite, le permis de construire ne méconnaît pas les dispositions de l'article UB 3 du règlement du PLU.
15. En quatrième lieu, aux termes de l'article UB 11 du règlement du PLU : " Implantation et volume : L'implantation, le volume et les proportions des constructions dans tous leurs éléments doivent être déterminés en tenant compte de l'environnement bâti et en s'y intégrant le mieux possible. / La construction doit s'adapter à la topographie naturelle du terrain et la perturber le moins possible. / Les exhaussements de sol autour des constructions doivent être limités au maximum. "
16. Il ressort des pièces du dossier que le gabarit de chacune des constructions projetées est modeste et s'intègre dans l'environnement bâti. Si les trois villas accolées et reliées par un garage situées à l'angle sud-est du projet forment un front bâti plus important, leur gabarit ou leur densité n'apparaissent pas excessives au regard de l'environnement bâti. Par ailleurs, le terrain d'assiette présentant une légère pente, le projet prévoit des exhaussements de sol pouvant atteindre 90 cm pour une des constructions. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces constructions ne s'adapteraient pas au terrain, ni ne permettraient que les exhaussements du sol soient réduits au maximum, comme le prévoient les dispositions citées au point précédent. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.
17. En dernier lieu, aux termes de l'article UB 13 du règlement du PLU : " Les plantations existantes doivent être maintenues ou remplacées par des plantations équivalentes ".
18. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet abritait une maison entourée d'un vaste parc comportant vingt-deux arbres, selon le plan de masse figurant au dossier de demande, lequel ne mentionne pas les arbustes en nombre indéterminé qui y sont plantés. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le terrain comportait un nombre important d'arbres de haute tige donnant au terrain un aspect très arboré. Le projet, qui ne prévoit le maintien d'aucun de ces arbres, envisage, outre la plantation de haies d'une hauteur d'1,8 mètre venant compléter les haies existantes, notamment dans la partie sud du terrain, la plantation de dix-neuf arbres de moyenne tige de variétés locales, répartis pour l'essentiel le long de la voie de desserte. Toutefois, eu égard aux caractéristiques et au nombre de ces arbres, ces plantations, ainsi que celle de haies, ne peuvent être regardées comme assurant le remplacement de la végétation existante par des plantations équivalentes. Par suite, le permis de construire méconnaît les dispositions citées au point précédent de l'article UB 13 du règlement du PLU.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative :
19. Aux termes de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "
20. Le vice affectant le permis de construire, relevé au point 18 du présent arrêt, apparaît susceptible d'être régularisé, sans que la nature même du projet ne soit modifiée. Il y a lieu, en conséquence de faire application des dispositions de l'article L. 60051 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer et de fixer à six mois à compter de la notification du présent arrêt le délai imparti à la SNC Sérénis-1 pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation du projet en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : En application de l'article L. 600-5-1 du code de justice administrative, il est sursis à statuer sur la requête jusqu'à l'expiration du délai de six mois fixé au point 20.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties dans cette instance sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et Mme I... G..., à la commune de Chevry et à la SNC Serenis-1.
Délibéré après l'audience du 2 février 2021 à laquelle siégeaient :
Mme F... A..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme K... J..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2021.
Le rapporteur,
Thierry Besse La présidente,
Danièle A...
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique, en ce qui les concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY01457