Par un jugement n° 1704611 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 23 février 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet du Rhône du 28 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, ou, à titre subsidiaire de procéder au réexamen de sa demande dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 7 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance.
La demande d'aide juridictionnelle de M. C... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
- et les observations de Me B... pour M. C... ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour M. C..., enregistrée le 13 septembre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité arménienne, né en 1978, est entré irrégulièrement en France en novembre 2014. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 avril 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 21 octobre 2015. Le 13 janvier 2016, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de son état de santé. Par décisions du 28 février 2017, le préfet du Rhône a refusé de faire droit à cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. M. C... relève appel du jugement du 9 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la demande de M. C...: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une cirrhose virale C non décompensée, pour laquelle il bénéficie d'un simple suivi, et d'une pathologie dorsale, pour laquelle il reçoit des soins de kinésithérapie occasionnels. Pour estimer qu'un traitement approprié à l'état de santé de l'intéressé existait en Arménie, contrairement à ce qu'avait indiqué le médecin de l'agence régionale de santé dans son avis rendu le 9 mai 2016, le préfet du Rhône s'est fondé sur des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et aux médicaments disponibles en Arménie, résultant notamment des éléments fournis par l'ambassade de France en Arménie, le conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France du ministère de l'intérieur et l'institut de santé des enfants et adolescents d'Erevan. Ces éléments, et notamment ceux fournis par l'ambassade de France en Arménie joints au dossier, démontrent le sérieux et les capacités des institutions arméniennes, à même de traiter la majorité des maladies courantes, et que les ressortissants arméniens sont à même de trouver en Arménie un traitement adapté à leur état de santé. En se bornant à faire état de l'ancienneté et du caractère très général de ces documents, M. C..., qui ne produit aucun document tendant à établir l'absence de traitement approprié à son état de santé en Arménie, ne contredit pas utilement les éléments sur lesquels le préfet du Rhône s'est fondé pour estimer qu'il pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état dans son pays d'origine.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
5. M. C... fait valoir qu'il est bien inséré et que vivent en France sa soeur, qui bénéficie de la protection subsidiaire, et ses deux nièces. Toutefois, l'intéressé n'est entré que récemment en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Arménie, où vivent ses deux enfants. S'il soutient ne pouvoir y mener une vie familiale normale en raison de risques de violences de la part de son beau-frère, qui l'ont conduit à fuir son pays, il n'apporte pas suffisamment d'éléments probants à l'appui de ses allégations, alors que sa demande d'asile a été rejetée. Dans ces conditions, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées, et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il résulte en premier lieu de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité du refus de titre de séjour.
7. En deuxième lieu, et pour les motifs exposés ci-dessus, les moyens selon lesquels la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 7 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.
8. Enfin, M. C... ne peut utilement faire état des risques qu'il encourrait en Arménie à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne désigne pas le pays à destination duquel il doit être éloigné.
Sur le pays de renvoi :
9. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
10. M. C... soutient qu'ayant voulu protéger sa soeur, victime de violences conjugales, et ses nièces, il a été sérieusement blessé en 1994 par son beau-frère, lequel est par ailleurs membre de réseaux mafieux, que le mari de son autre soeur est mort en 2004 des suites de blessures contractées suite à une bagarre avec ce dernier, que son épouse l'a quitté en raison des menaces qu'elle subissait et que, suite à la fuite de sa soeur en 2011, il a été victime de nouvelles violences et menaces. L'intéressé, dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée, ne produit toutefois pas d'éléments probants de nature à établir la réalité des risques auxquels il allègue ainsi être exposé en cas de retour en Arménie.
11. Pour les motifs exposés au point précédent, M. C... n'établit pas l'impossibilité de mener une vie familiale normale en Arménie. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2018.
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N° 18LY00706
dm