Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 2 mai 2018, M. B... A..., représenté par la SCP Clemang-Gourinat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 18 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa présence en France depuis plus de dix ans imposait la consultation de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige en ce qu'il lui refuse un titre de séjour et prescrit son éloignement porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en violation des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache d'illégalité la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2018, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 18 octobre 2017, la préfète de la Côte-d'Or a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. A..., ressortissant de la République de Guinée, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. M. A... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 18 octobre 2017 :
2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des énonciations de la décision du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Dijon du 9 mars 2017 constatant un exercice conjoint de l'autorité parentale par les intéressés ainsi que des attestations produites par le requérant, qu'à la date de l'arrêté en litige, s'il était séparé de la mère de ses deux fils qui réside en France en qualité de parent d'enfant français, il entretenait des relations régulières avec ses enfants Sekou et Ibrahim et pourvoyait, dans la mesure des ses moyens, à l'entretien de ceux-ci, nés respectivement en 2012 et en 2015 en France, où M. A... était lui-même présent depuis une dizaine d'années, ayant notamment bénéficié de cartes de séjour à raison de sa situation familiale entre 2015 et 2017. Dans ces circonstances, la décision de la préfète de la Côte-d'Or du 18 octobre 2017 refusant de délivrer à M. A... une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et lui faisant obligation de quitter le territoire français doit être regardée comme méconnaissant l'intérêt supérieur de ces deux enfants.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande, et à demander, outre l'annulation de ce jugement, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 18 octobre 2017 refusant de lui délivrer un titre de séjour et prescrivant son éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif sur lequel elle se fonde et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de fait et de droit du requérant y fait obstacle, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique que le préfet de la Côte-d'Or délivre à M. A... une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale" après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il y lieu d'adresser au préfet une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A....
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 mars 2018 et l'arrêté de la préfète de la Côte-d'Or du 18 octobre 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de munir M. A... d'une autorisation provisoire de séjour puis, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de lui délivrer la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée :
- au préfet de la Côte d'Or ;
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dijon.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018
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N° 18LY01584