Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 10 mai 2019 qui n'a pas été communiqué, M. F..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de la Côte-d'Or du 5 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer sa situation et de faire droit à sa demande de regroupement familial dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas pris en considération la note en délibéré, pourtant produite dans les meilleurs délais après l'audience ;
- le jugement, qui n'a pas pris en compte les éléments produits à l'appui de la note en délibéré, est insuffisamment motivé ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il indique que les actes de décès de ses filles n'avaient pas été légalisés ;
- il remplit les conditions requises pour bénéficier du regroupement familial.
Par un mémoire enregistré le 7 mai 2019, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, a présenté en octobre 2017 une demande de regroupement familial en faveur de son épouse et de deux filles. Peu après l'enregistrement de sa demande, il a informé le préfet de la Côte-d'Or du décès de ses filles et de la naissance d'un fils, en faveur duquel il a demandé le bénéfice du regroupement familial. Par décision du 5 avril 2018, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté sa demande. M. D... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la légalité de la décision du préfet de la Côte-d'Or du 5 avril 2018 :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
3. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. Le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande de regroupement familial au seul motif que, les actes de décès des deux filles du requérant nées en 2010 n'étant pas probants, la demande devait être regardée comme tendant au regroupement partiel de la famille. M. E... produit toutefois en appel deux actes de décès légalisés, établis sur le fondement d'un jugement supplétif du tribunal des enfants de Kinshasa en date du 7 août 2018. Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments permettant de remettre en cause la valeur probante de ces actes, qui peuvent être pris en compte alors même qu'ils ont été établis postérieurement aux décisions litigieuses, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant avait en République Démocratique du Congo d'autres enfants que celui en faveur duquel la demande de regroupement familial a été présentée. Dès lors, le préfet de la Côte-d'Or ne pouvait rejeter la demande de regroupement familial au motif qu'elle tendait à un regroupement partiel de la famille.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision du préfet de la Côte-d'Or du 5 avril 2018.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Si le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet de la Côte-d'Or fasse droit à la demande de regroupement familial présentée par M. D..., il implique qu'il réexamine sa demande. Il y a lieu d'impartir au préfet de la Côte-d'Or un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à ce réexamen.
Sur les frais liés au litige :
7. En application de l'article L. 761- du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. D....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 octobre 2018 et la décision du préfet de la Côte-d'Or du 5 avril 2018 rejetant la demande de regroupement familial de M. D... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de réexaminer la demande de M. D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. D... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la requête de M. D... sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 14 mai 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Thierry Besse, premier conseiller,
Mme Christine Psilakis, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
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N° 18LY04373
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