Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 22 décembre 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 19 avril 2018, la SCI Edelweis, représentée par la SCP Cornille-Pouyanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2016 ;
2°) de constater la nullité de la convention qu'elle a conclue le 14 février 2008 avec la commune de Saint-Genis-Pouilly dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble ;
3°) de condamner la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui restituer la somme de 240 000 euros correspondant à la participation financière qu'elle a réglée le 26 octobre 2010, assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 26 novembre 2010 ;
4°) de la dispenser de procéder au transfert des terrains d'une superficie de 245 et 1 100 m² prévu par la convention du 14 février 2008 ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Genis-Pouilly la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur son moyen tiré de l'insuffisante précision des délibérations des 6 novembre 2007 et 5 février 2008, en ce qu'elle ne comporte pas de carte du périmètre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il écarte son moyen relatif au caractère disproportionné du montant de la participation sans prendre en compte la délibération du 5 février 2008 prévoyant un apport de terrains et sans tenir compte de cet apport pour déterminer le montant total de la participation ;
- la délibération du 5 février 2008 décidant de l'apport de terrains, qui a eu une incidence sur la nature et l'économie générale du programme, n'a pas été publiée au recueil des actes administratifs ni dans la presse, comme le prévoient les dispositions de l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme, et ne peut servir de base légale à la convention de PAE ;
- la convention de PAE a été publiée au recueil des actes administratifs avant sa signature, de sorte qu'elle n'est pas exécutoire ;
- les délibérations des 6 novembre 2007 et 5 février 2008 sont insuffisamment précises, faute de comporter une carte du périmètre du PAE et de préciser suffisamment les équipements financés par la participation de l'opérateur et leur coût, le montant exact de la participation, s'agissant des apports de terrains, en méconnaissance des articles L. 332-9 et L. 332-11 du code de l'urbanisme et, enfin, la date de réalisation du programme ;
- la participation ne pouvait servir à financer l'aménagement du giratoire franchissable au carrefour de la rue de Pouilly et de la rue de la Léchère, qui dessert d'autres résidences, ni du parc de stationnement près de l'église ;
- le montant des participations est supérieur au coût des équipements publics, en méconnaissance du principe de proportionnalité, alors en outre que les équipements réalisés excèdent les besoins des habitants ;
- le permis de construire ayant prévu des modalités de participation différentes, la convention de PAE doit être regardée comme résolue, en application de l'article 2 de la convention ;
- les modalités de participation ont été modifiées unilatéralement par la commune, qui lui a imposé en 2011 de réaliser à ses frais une voie de desserte au nord de son programme.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2017 et un mémoire enregistré le 25 mai 2018 qui n'a pas été communiqué, la commune de Saint-Genis-Pouilly, représentée par l'AARPI Vedesi, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- aucun des moyens n'est fondé ;
- les intérêts ne peuvent courir qu'à compter de la date de demande de remboursement des sommes.
La clôture de l'instruction a été fixée au 25 mai 2018 par une ordonnance du 26 avril 2018.
Par lettre du 6 septembre 2018, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de l'urbanisme, de ce que la cour est susceptible de relever d'office l'irrecevabilité des conclusions tendant à la résolution de la convention du 14 février 2008, qui sont nouvelles en appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,
- et les observations de Me B... pour la SCI Edelweis, ainsi que celles de Me A... pour la commune de Saint-Genis-Pouilly ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour la commune de Saint-Genis-Pouilly, enregistrée le 25 septembre 2018 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par délibération du 6 novembre 2007, le conseil municipal de Saint-Genis-Pouilly a adopté un programme d'aménagement d'ensemble (PAE) couvrant le secteur de l'église de Pouilly, d'une superficie de 21 060 m², en vue de la réalisation d'un programme immobilier ainsi que de divers équipements publics. Le programme adopté fixait à 80 % du coût total du programme des équipements publics, estimé à 300 000 euros, le montant de la participation mise à la charge des constructeurs au titre des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, cette participation de 240 000 euros pouvant être exigée sous forme de contribution financière ou d'apports de terrains. Par délibération du même jour, le conseil municipal de Saint-Genis-Pouilly a autorisé le maire de la commune à signer une convention pour l'application de ce programme avec la SCI Edelweis, laquelle devait réaliser l'ensemble du programme immobilier, cette convention prévoyant, contrairement à celle adoptant le PAE, qu'à la participation financière de 240 000 euros s'ajouteraient des apports de terrains. Par délibération du 5 février 2008, le conseil municipal de Saint-Genis-Pouilly a de nouveau autorisé le maire à signer la convention, laquelle avait été précisée pour ce qui concerne la superficie des apports de terrains et la propriété de l'emprise de la voie de desserte entre le programme immobilier et le giratoire. Cette convention fut signée le 14 février 2008. Par arrêté du 29 juillet 2008, le maire de Saint-Genis-Pouilly a délivré à la SCI Edelweis un permis de construire pour un ensemble immobilier d'une surface hors oeuvre nette de 6 141 m² et un permis modificatif a ensuite été délivré le 29 juillet 2010. C'est dans ce contexte que, par un courrier reçu en mairie de Saint-Genis-Pouilly le 10 janvier 2014, la SCI Edelweis a demandé la restitution de la somme de 240 000 euros correspondant à la participation financière pour la réalisation d'équipements publics qu'elle estime indue. La SCI Edelweis relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2016 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant au remboursement de cette somme.
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la résolution de la convention du 14 février 2008 et à ce que la SCI Edelweis soit dispensée de l'apport de terrains :
2. Les conclusions de la SCI Edelweis tendant à la résolution de la convention signée avec la commune de Saint-Genis-Pouilly le 14 février 2008 et à ce qu'elle soit dispensée de procéder au transfert des terrains d'une superficie de 245 et 1 100 m² prévu par cette convention sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.
Sur la restitution de la participation financière :
3. Aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : / 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 332-9 alors en vigueur du même code : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 332-30 alors en vigueur du même code : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. ".
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme que la délibération du conseil municipal instituant un programme d'aménagement d'ensemble et mettant à la charge des constructeurs une participation au financement des équipements publics à réaliser doit identifier avec précision les aménagements prévus ainsi que leur coût prévisionnel et déterminer la part de ce coût mise à la charge des constructeurs, afin de permettre le contrôle du bien-fondé du montant de la participation mise à la charge de chaque constructeur. Pour que la délibération puisse légalement fonder cette participation, le PAE doit décrire tant la consistance que l'implantation des travaux qu'il prévoit, en faisant état de données physiques telles que la surface pour les bâtiments, ou tout autre élément de nature à permettre d'apprécier le bien-fondé de l'évaluation des travaux mis à la charge des contributeurs ainsi que des modalités selon lesquelles le coût de ces travaux doit être réparti entre les différentes catégories de constructions.
5. La délibération du 26 novembre 2007 instituant le PAE en litige comprend en annexe un plan délimitant le secteur concerné, définit les équipements publics à réaliser, soit un giratoire franchissable au carrefour de la rue de Pouilly et de la rue de la Léchère, l'aménagement du parking près de l'église de Pouilly (chaussée, trottoirs, eaux pluviales, éclairage public), la réalisation et l'aménagement d'espaces verts, ainsi que des frais annexes d'études, d'actes et de géomètres. Elle précise également que le coût total des travaux est estimé à 300 000 euros, que le montant de la participation sous forme d'apport de terrains ou de contribution financière s'élève à 240 000 euros et que le programme de réalisation des équipements publics doit être réalisé au plus tard le 31 décembre 2019. Toutefois, ni cette délibération, ni d'ailleurs aucun autre élément joint au dossier, ne permettent de déterminer la consistance précise des équipements publics devant être réalisés, ni leur lien avec le programme immobilier envisagé, s'agissant notamment de l'aménagement du parking de l'église, ni la répartition du coût des équipements entre les diverses constructions et frais annexes, ni enfin les éléments qui ont permis à la commune d'estimer le montant des travaux à réaliser. Dans ces conditions, la délibération du 6 novembre 2007 ne mettait pas les constructeurs à même de contrôler le bien-fondé de la participation mise à leur charge. Par suite, et sans que la commune de Saint-Genis-Pouilly puisse se prévaloir du fait que la SCI Edelweis a signé le 14 février 2008 une convention qui n'est pas le fait générateur de la participation et qui n'apporte au demeurant pas de précisions supplémentaires sur l'évaluation du coût des travaux, la requérante est fondée à exciper de l'illégalité de la délibération du 26 novembre 2007 et à demander, pour ce motif, la restitution de la participation mise à sa charge au titre des dispositions citées au point 3.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que la SCI Edelweis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la restitution de la participation de 240 000 euros qu'elle a versée et à demander l'annulation de ce jugement dans cette mesure, ainsi que la condamnation de la commune de Saint-Genis-Pouilly à lui rembourser cette somme.
Sur les intérêts :
7. Aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. (...) / Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. "
8. Les actions en répétition soumises à ces dispositions sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou contributions autres que celles qui peuvent être légalement exigées des bénéficiaires d'autorisations de construire. La somme en litige a été versées au titre de la participation prévue à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme qui peut être mise à la charge des bénéficiaires d'autorisations de construire en vertu des articles L. 332-6 et L. 332-12 du même code. Ainsi, cette somme ne peut être regardée comme sans cause au sens des dispositions citées au point précédent. Par suite, la SCI Edelweis n'est pas fondée à demander que le remboursement de cette somme porte intérêt au taux légal majoré de cinq points.
9. En l'absence de mauvaise foi de la part de la commune de Saint-Genis-Pouilly, le point de départ des intérêts doit être fixé au 10 janvier 2014, date de réception par la commune de la demande de restitution de la SCI Edelweis.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Saint-Genis-Pouilly demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la SCI Edelweis, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Genis-Pouilly le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SCI Edelweis.
DÉCIDE :
Article 1er : La commune de Saint-Genis-Pouilly est condamnée à restituer à la SCI Edelweis la somme de 240 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 janvier 2014.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Saint-Genis-Pouilly versera à la SCI Edelweis la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SCI Edelweis et à la commune de Saint-Genis-Pouilly.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 16LY04298
dm