Procédure devant la cour
I) Par une requête enregistrée le 22 février 2018 sous le n° 18LY00704, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 31 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ou de procéder dans ce même délai au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente, sous deux jours, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges, qui n'ont pas statué sur la totalité du moyen invoqué et ne pouvaient se fonder sur des éléments postérieurs à l'arrêté contesté, ont écarté son moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement médical efficace en cas de retour au Bangladesh ;
- c'est également à tort que les premiers juges, qui n'ont pas statué sur la totalité des moyens invoqués, ont écarté ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette obligation est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
II) Par une requête enregistrée le 22 février 2018 sous le n° 18LY00705, Mme B... C..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 31 janvier 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt ou de procéder dans ce même délai au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente, sous deux jours, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges, qui n'ont pas statué sur la totalité du moyen invoqué et ne pouvaient se fonder sur des éléments postérieurs à l'arrêté contesté, ont écarté son moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement efficace en cas de retour au Bangladesh ;
- c'est également à tort que les premiers juges, qui n'ont pas statué sur la totalité des moyens invoqués, ont écarté ses moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation entachant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ;
- cette obligation est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays renvoi est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires, enregistrés le 18 septembre 2018, le préfet de la Savoie conclut au rejet des requêtes.
Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.
Le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. et Mme C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants du Bangladesh nés en 1970 et 1974, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 novembre 2017 qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du 31 janvier 2017 par lesquelles le préfet de la Savoie a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.
2. Les deux requêtes visées ci-dessus, présentées par M. et Mme C..., sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions similaires. Il y a lieu de les joindre et de statuer par le même arrêt.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Le moyen selon lequel les premiers juges n'auraient pas statué sur la totalité des moyens soulevés devant eux n'est pas assorti des précisions permettant à la cour d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
Sur la légalité des décisions du préfet de la Savoie du 31 janvier 2017 :
En ce qui concerne les refus de titres de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des demandes de titres de séjour de M. et Mme C... : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) " ;
5. Par des avis rendus le 8 septembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. et Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existe pas dans leur pays d'origine. Le préfet de la Savoie, qui n'était pas lié par ces avis, a refusé aux requérants la délivrance des cartes de séjour sollicitées sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que les intéressés pouvaient bénéficier d'un traitement approprié à leur état de santé au Bangladesh.
6. Pour confirmer la légalité des refus ainsi opposés aux requérants, qui souffrent chacun d'un diabète de type II, compliqué d'une rétinopathie diabétique pour M. C... et associé à une hypertention et une dyslipidémie pour Mme C..., le tribunal administratif de Grenoble a retenu que les éléments apportés par le préfet de la Savoie, en particulier un courriel provenant du conseiller santé auprès de la direction des étrangers en France s'appuyant sur des fiches de la base de données européenne MedCOI, sur la liste nationale des médicaments essentiels ainsi que la liste des produits enregistrés par la direction générale de l'administration des médicaments, permettaient de contredire les avis du médecin de l'agence régionale de santé quant à l'absence de disponibilité de traitements appropriés dans le pays d'origine des requérants.
7. Si la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise, il appartient au juge de tenir compte des justifications apportées devant lui, dès lors qu'elles attestent de faits antérieurs à la décision contestée.
8. En appel, M. et Mme C... soutiennent que les premiers juges ne pouvaient se fonder sur le courriel produit par le préfet, qui daterait du 10 octobre 2017 alors que les arrêtés contestés sont datés du 31 janvier 2017. Toutefois, ce courriel et les autres éléments produits par le préfet relatifs à la situation médicale au Bangladesh, bien qu'établis postérieurement aux décisions attaquées, attestent d'une situation antérieure dont il appartient au juge de tenir compte.
9. Alors qu'il ressort des documents produits par le préfet de la Savoie que le Bangladesh dispose, d'une part, de services spécialisés permettant une prise en charge du diabète et des complications liées à cette pathologie, notamment oculaires, y compris par voie chirurgicale, d'autre part, de médicaments antidiabétiques et antihypertenseurs en lien avec les affections dont ils souffrent, les requérants ne produisent aucun élément probant en sens contraire. M. et Mme C..., compte tenu de la date de leurs demandes de titres de séjour, ne peuvent utilement se prévaloir des difficultés d'accessibilité aux médicaments en dehors de la capitale ni du coût du traitement au Bangladesh. Dans ces conditions, le préfet de la Savoie n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 4 en leur refusant la délivrance de titres de séjour.
10. En deuxième lieu, M. et Mme C... reprennent, sans les assortir d'éléments nouveaux, leurs moyens de première instance, tirés de ce que les décisions de refus de titre de séjour méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procéderaient d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur leur situation. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 4 à 10, les requérants ne sont pas fondés à invoquer l'illégalité des refus de titres de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé ; (...) ".
13. Pour les motifs exposés au point 9, les décisions obligeant M. et Mme C... à quitter le territoire français n'ont pas méconnu ces dispositions.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 13 que les requérants ne sont pas fondés à exciper, à l'encontre des décisions fixant le pays de renvoi, de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français prononcées à leur encontre.
15. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
16. Si les requérants, dont les demandes d'asile ont été rejetées par les instances compétentes, soutiennent qu'ils encourent des risques en cas de retour au Bangladesh, ils se bornent à renvoyer à leur récit de demande d'asile et à un certificat médical qui ferait état de la crédibilité de ce récit, sans établir de manière probante la réalité et l'actualité des risques allégués. Leur moyen tiré de la violation des stipulations citées au point 15 doit, par suite, être écarté.
17. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. et de Mme C... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2018.
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N° 18LY00704, 18LY00705
md