Par un jugement n° 1800718 du 26 juin 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 30 août 2018, M. A... B..., représenté par Me Petit, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions du préfet du Rhône du 8 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en indiquant qu'il ne justifie pas d'une vie privée et familiale ancienne et qu'il n'est pas en mesure de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, le préfet a entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur de fait ;
- le refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- ce refus méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il est fondé à exciper de l'illégalité du refus de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 juillet 2018.
Par un mémoire enregistré le 15 février 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête, en s'en rapportant à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller ;
- et les observations de Me C... pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant de la République Démocratique du Congo, né en 1982, est entré en France en 2013. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 octobre 2014, refus confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mai 2015. Il a présenté une demande de titre de séjour en raison de son état de santé et une demande de réexamen de sa demande d'asile qui ont été rejetées respectivement les 30 mars et 11 octobre 2016. Le 20 février 2017, il a présenté une nouvelle demande de titre de séjour. Par décisions du 8 janvier 2018, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. M. B... relève appel du jugement du 26 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité des décisions du 8 janvier 2018 :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. B..., qui était en France depuis près de cinq années à la date du refus, fait valoir qu'y vivent deux de ses trois enfants, nés en 2010 et 2014. S'il est séparé de la mère des enfants, laquelle est par ailleurs mère d'un enfant français et bénéficie à ce titre d'un droit au séjour, et s'il reconnaît ne pas contribuer financièrement à l'entretien de ses enfants, en l'absence de ressources, il fait valoir qu'il bénéficie depuis mai 2017 d'un droit de visite que lui a octroyé le juge aux affaires familiales. Il ressort des pièces du dossier qu'il exerce ce droit de visite et conduit ou va chercher régulièrement ses enfants à l'école. Dans ces conditions, et malgré ses conditions de séjour en France et la circonstance qu'il est père d'un troisième enfant, né en 2007, qui réside en République Démocratique du Congo, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2018 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des décisions du même jour par lesquelles il l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désigné le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
5. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit et de fait de M. B... y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Rhône lui délivre une carte de séjour mention "vie privée et familiale". Il y a lieu, à cet effet, d'impartir au préfet du Rhône un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt pour délivrer cette carte de séjour.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, et de mettre à ce titre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Petit, avocat de M. B..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 juin 2018 et les décisions du préfet du Rhône du 8 janvier 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Petit la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me D... Petit.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 février 2019 à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
M. Thierry Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
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N° 18LY03355
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