Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 25 mars 2015 et 22 juillet 2016, la société CDM Stiv Claude, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 février 2015 ;
2°) d'annuler la décision du maire de Bonne du 3 septembre 2012 ;
3°) d'enjoindre au maire de Bonne de statuer à nouveau sur sa demande de permis de construire dans un délai de deux mois ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Bonne une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son projet ne se traduira pas par un changement de la destination initiale de la construction ;
- le classement en zone N du site en cause et les interdictions posées par le règlement de la zone sont illégaux alors que le tènement ne fait pas l'objet des protections évoquées par le tribunal ; il est assez densément bâti de constructions dont la structure est en bon état et dont certaines sont occupées et constitue un secteur à part entière équipé qui n'a rien d'un espace naturel ; le zonage Nb ou Ab retenu en d'autres lieux de la commune permet les changements de destination et les extensions et l'admission de telles possibilités dans le secteur en cause, que permet l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, ne compromettrait pas sa qualité paysagère en répondant aux nécessités de l'évolution du bâti existant dans le respect du principe de l'égalité de traitement et des droits du propriétaire ; l'admission des équipements nécessaires aux services publics et d'intérêt collectif dont fait état la commune ne saurait être mise en oeuvre sans définition d'emplacements réservés.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2016, la commune de Bonne, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gille, président-assesseur ;
- et les observations de Me A...pour la société CDM Stiv Claude, ainsi que celles de MeC..., substituant la SCP B...-Perrachon et associés, pour la commune de Bonne.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Bonne du 3 septembre 2012 :
1. Considérant que la société CDM Stiv Claude est propriétaire, au lieu-dit Fery situé route de Sous-Lachat à Bonne, d'un ensemble immobilier accueillant plusieurs constructions édifiées pour les besoins d'une ancienne colonie de vacances ; que, le 12 juillet 2012, la société CDM Stiv Claude a formé une demande de permis de construire en vue de la rénovation et de l'aménagement de l'une de ces constructions en logement d'une surface de plancher de 92 m² ; que, par un arrêté du 3 septembre 2012, le maire de Bonne a rejeté cette demande ; que la société CDM Stiv Claude relève appel du jugement du 10 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du maire de Bonne du 3 septembre 2012 ;
2. Considérant que, pour refuser à la requérante la délivrance du permis de construire qu'elle sollicitait, le maire de Bonne s'est fondé sur la localisation du terrain d'assiette du projet en zone N du plan local d'urbanisme, dont le règlement interdit les constructions à usage d'habitation et les changements de destination des bâtiments existants ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme alors applicable : " Le règlement fixe (...) les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés à l'article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l'implantation des constructions. / A ce titre, le règlement peut : 1° Préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées ; / 2° Définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ; / (...). Dans les zones naturelles, agricoles ou forestières, le règlement peut délimiter des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées dans lesquels des constructions peuvent être autorisées à la condition qu'elles ne portent atteinte ni à la préservation des sols agricoles et forestiers, ni à la sauvegarde des sites, milieux naturels et paysages. Le règlement précise les conditions de hauteur, d'implantation et de densité des constructions permettant d'assurer leur insertion dans l'environnement et leur compatibilité avec le maintien du caractère naturel, agricole ou forestier de la zone. (...) " ; que, selon l'article R. 123-8 du même code, alors en vigueur, peuvent être classés en zone naturelle et forestière, dite zone N, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, de l'existence d'une exploitation forestière ou de leur caractère d'espaces naturels ; qu'aux termes de l'article R. 123-9 de ce code alors en vigueur : " Le règlement peut comprendre tout ou partie des règles suivantes : / 1° Les occupations et utilisations du sol interdites ; / 2° Les occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières ; (...) / Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. (...) " ; que l'article N 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Bonne interdit en zone N : " Les habitations (sauf dans le secteur Nb et sous réserve des dispositions de l'article 2), / L'hébergement hôtelier, / Les bureaux, / Les commerces et services, / L'artisanat, / L'industrie (...) / Les exploitations agricoles (...) / En zone N et en sous-secteur Np : Le changement de destination des bâtiments existants. " ;
4. Considérant que, pour contester le refus de permis de construire qui lui a été opposé, la requérante soutient, par la voie de l'exception, que le classement des terrains situés au lieu-dit Fery est illégal ; qu'elle expose à cet effet que les caractéristiques de l'ensemble bâti concerné font obstacle à un classement dans la zone naturelle N du plan local d'urbanisme de Bonne dont le règlement fixe, en méconnaissance du principe d'égalité, des restrictions injustifiées à l'exercice de ses droits de propriétaire ;
5. Considérant qu'il est de la nature de toute réglementation d'urbanisme de distinguer des zones où les possibilités de construire sont différentes, ainsi que des zones inconstructibles ; qu'il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction ; qu'à cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés à l'article R. 123-8 cité ci-dessus, aujourd'hui repris à l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme, un secteur qu'ils entendent soustraire pour l'avenir à l'urbanisation ; qu'il résulte également des dispositions précitées du code de l'urbanisme que les plans locaux d'urbanisme peuvent, comme en l'espèce, délimiter des secteurs dans lesquels, compte tenu des circonstances locales, l'implantation de constructions à usage d'habitation ou d'hébergement comme le changement de destination des constructions existantes ne sont pas autorisés, ou dans lesquels, eu égard aux règles qu'ils fixent, les seules constructions ou installations autorisées sont celles qui sont nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics ;
6. Considérant que, si les terrains dont la société requérante conteste le classement sont situés à proximité immédiate de la route de Sous-Lachat qui les dessert et accueillent un ensemble de constructions dont certaines sont occupées et ont pu faire l'objet de travaux de réhabilitation, il est constant que ces terrains se trouvent à plusieurs kilomètres du centre de Bonne, sur un coteau, à proximité de la partie sommitale de la commune et sous la crête sud du massif des Voirons, le site bénéficiant d'ailleurs à ce titre, comme le relève le dossier de demande de permis de construire produit par la requérante, d'une vue panoramique exceptionnelle sur les massifs des Aravis et des Glières ; que, bordés de parcelles classées en zone agricole, elles-mêmes bordées de vastes espaces boisés classés en zone naturelle, ces terrains, dont il n'est pas allégué qu'ils présenteraient eux-mêmes un potentiel justifiant un classement en zone agricole, relèvent pour partie d'un espace inventorié au titre des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique et sont, dans leur totalité, compris dans le périmètre de protection d'ensemble à dominante naturelle et/ou agricole dit des coteaux des Voirons, identifié par les documents graphiques du schéma de cohérence territoriale de la région d'Annemasse ; que ces terrains, qui ne sont au demeurant pas desservis par un réseau d'assainissement, se trouvent dans un secteur dont les auteurs du plan local d'urbanisme, ainsi que le précise le rapport de présentation qui envisage d'ailleurs la situation spécifique du groupe de constructions en cause, ont entendu limiter l'urbanisation afin d'en préserver le caractère ; que, se distinguant en cela des constructions dont les terrains d'assiette ont pu être classés en secteur Nb, les constructions de taille modeste et de conception simple regroupées au lieu-dit Fery étaient initialement destinées à une activité d'hébergement saisonnier de loisirs abandonnée de longue date ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la requérante n'est pas fondée à soutenir que le classement des parcelles en litige en zone naturelle N où les habitations et les changements de destination des bâtiments existants ne sont pas autorisés est entaché d'erreur de droit ou procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors que cette délimitation ne repose pas, ainsi qu'il a été dit, sur une appréciation manifestement erronée, elle ne porte pas d'atteinte illégale au principe d'égalité ;
7. Considérant qu'il est loisible aux auteurs des plans locaux d'urbanisme de préciser, pour des motifs d'urbanisme, le contenu des catégories énumérées à l'article R. 123-9 précité du code de l'urbanisme alors en vigueur ; qu'ainsi qu'il a été exposé, les dispositions précitées de l'article 1 du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme de Bonne font obstacle à l'implantation en cette zone de constructions destinées à l'habitation et à la réalisation de travaux ayant pour objet le changement de destination des bâtiments existants ; qu'eu égard à la circonstance que c'est notamment en considération de la destination initiale et des caractéristiques mêmes des constructions du lieu-dit Fery rappelées ci-dessus que les auteurs du plan local d'urbanisme de Bonne ont décidé le classement spécifique de leur terrain d'assiette, le projet de la requérante doit être regardé comme tendant à opérer, en vue d'un usage d'habitation, un changement de destination d'un bâtiment existant au sens et pour l'application des dispositions de cet article 1 ; que le moyen tiré par la requérante de ce que le maire de Bonne a inexactement qualifié la nature de son projet ne peut, par suite, qu'être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CDM Stiv Claude n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions que la requérante présente sur leur fondement à l'encontre de la commune de Bonne, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de la requérante le versement à la commune de Bonne d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société CDM Stiv Claude est rejetée.
Article 2 : La société CDM Stiv Claude versera une somme de 1 500 euros à la commune de Bonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée CDM Stiv Claude et à la commune de Bonne.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour ;
M. Gille, président-assesseur ;
Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 novembre 2016.
2
N° 15LY01044
mg