Par un jugement n° 1707834 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 17 avril 2018, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 janvier 2018 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du préfet de l'Ardèche du 9 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a fondé sa décision sur un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas été soumis à la procédure contradictoire ;
- le refus de titre de séjour qui lui est opposé est insuffisamment motivé en ce qui concerne sa capacité à voyager et les conditions de recueil de l'avis médical ;
- le préfet a fondé sa décision sur une version de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était pas applicable ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnait le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entache d'illégalité la mesure d'éloignement prise sur son fondement, qui méconnaît également les stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 mars 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2018, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Antoine Gille, président-assesseur ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... a sollicité du préfet de l'Ardèche le bénéfice d'une carte de séjour temporaire à raison de son état de santé. Par arrêté du 9 octobre 2017, le préfet de l'Ardèche a refusé de faire droit à cette demande, a fait obligation à Mme C... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office et a astreint l'intéressée à se présenter hebdomadairement à la brigade de gendarmerie d'Annonay. Mme C... relève appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour écarter le moyen de Mme C... tiré du vice de procédure résultant de l'absence de consultation du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), le tribunal administratif s'est fondé sur la production en cours d'instance par le préfet de l'Ardèche de l'avis de ce collège en date du 18 mai 2017 selon lequel l'état de santé de l'intéressée pouvait faire l'objet d'un suivi approprié dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier que cet avis a été produit par le préfet de l'Ardèche dans ses mémoires enregistrés les 15 et 16 janvier 2018 qui n'ont pas été communiqués à la requérante. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que le tribunal a méconnu le caractère contradictoire de la procédure et à demander, pour ce motif, l'annulation du jugement du 30 janvier 2018.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon.
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 9 octobre 2017 :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. L'arrêté du 9 octobre 2017 fait état des circonstances de droit et de fait qui, ayant notamment trait à la situation personnelle et administrative de l'intéressée ainsi d'ailleurs, contrairement à ce qui est affirmé, qu'à la teneur de l'avis médical recueilli le 18 mai 2017, lui donnent son fondement. Le moyen tiré d'un défaut de motivation de cet arrêté doit être écarté.
5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu en particulier des motifs de son arrêté, que le préfet de l'Ardèche aurait négligé de procéder à un examen particulier de la situation de la requérante ou se serait estimé lié par la teneur de l'avis médical du 18 mai 2017. Le moyen selon lequel le préfet aurait à cet égard commis une erreur de droit doit être écarté.
6. Eu égard à ce qui a été dit au point 2, le moyen selon lequel l'arrêté critiqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le préfet d'avoir recueilli préalablement l'avis médical requis doit être écarté comme manquant en fait.
7. Le moyen selon lequel le préfet de l'Ardèche ne pouvait légalement faire application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 7 mars 2016 n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Par ailleurs, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de ce que la mention des voies et délais de recours portée sur l'arrêté critiqué serait erronée.
8. En se bornant à faire valoir sans autre précision ni justification qu'elle ne peut être prise en charge médicalement en Arménie où elle n'aurait accès à aucun traitement n'ayant pas vécu dans ce pays depuis plusieurs années, Mme C... ne critique pas utilement le motif de la décision en litige que corrobore l'avis du collège des médecins de l'OFII du 18 mai 2017 selon lequel elle pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine.
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Mme C... fait valoir qu'elle est bien insérée socialement et professionnellement en France où se trouvent également son mari et leurs deux enfants nés en 2014 et 2015, qu'elle exerce l'activité d'aide ménagère et qu'elle s'est également investie dans l'apprentissage de la langue française. Il est toutefois constant que les époux C... ont tous deux fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'à la date de la décision en litige, Mme C... n'était présente que depuis quatre ans en France, le rejet de sa demande d'asile ayant été confirmé par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 février 2015. Dans ces conditions, les circonstances dont il est fait état ne suffisent pas pour considérer que la décision lui refusant la délivrance d'une carte de séjour porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Ainsi, cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne saurait davantage être regardée comme procédant, s'agissant de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante, d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les autres décisions :
11. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour entache d'illégalité les décisions subséquentes par lesquelles le préfet de l'Ardèche a prescrit son éloignement à destination de l'Arménie et l'a astreinte à une présentation hebdomadaire à la gendarmerie d'Annonay.
12. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Mme C... fait valoir que ses enfants sont nés en France, que sa fille y est scolarisée et que son fils souffre de problèmes néphrologiques. Alors que l'état de santé de l'enfant Max n'est invoqué qu'en termes généraux et sans qu'il en soit justifié, il ne ressort pas des pièces du dossier que les enfants de la requérante ne pourraient être scolarisés en Arménie, ni que la mesure d'éloignement en litige aurait pour effet de les séparer de leurs parents. Dans ces conditions, l'arrêté critiqué ne saurait être regardé comme méconnaissant l'intérêt supérieur des enfants de la requérante.
13. Eu égard aux développements qui précèdent, Mme C..., alors même qu'elle indique n'avoir pas vécu en Arménie depuis de nombreuses années, n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant l'Arménie comme pays de destination, qui est suffisamment motivée, porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si elle fait également valoir que cette décision méconnaît l'article 3 de cette même convention selon lequel " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ", elle n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
14. Le préfet de l'Ardèche a produit l'arrêté du 14 septembre 2017 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture par lequel délégation de signature a été consentie à M. Lenoble, secrétaire général, à l'effet notamment de signer les décisions astreignant les étrangers en instance d'éloignement à se présenter à l'autorité administrative, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par suite, le moyen d'incompétence soulevé par Mme C... à l'encontre de la décision l'astreignant à se présenter hebdomadairement à la gendarmerie d'Annonay doit être écarté. Le moyen dirigé contre cette même décision selon lequel celle-ci procède d'une inexacte application de la loi doit également être écarté dès lors qu'il n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 9 octobre 2017 doivent être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme C... à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 9 octobre 2017, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce qu'il soit enjoint à l'autorité administrative de lui délivrer une carte de séjour ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 janvier 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 9 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Yves Boucher, président de chambre,
M. Antoine Gille, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 30 octobre 2018.
Le rapporteur,
Antoine Gille
Le président,
Yves Boucher
La greffière,
Fabienne Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Ardèche en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 18LY01409
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