Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 17 juin 2019, la société Initiale, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inscription au crédit du compte courant d'associé de M. G... B... d'une somme de 314 700 euros ne constitue pas un passif injustifié dans la mesure où cette somme correspond à l'apport effectué par l'intéressé à la société, dans le cadre d'une délégation imparfaite de paiement, par l'intermédiaire des deux versements effectués directement auprès de la société par deux chèques émis par le père de M. G... B..., M. E... B..., les 8 juillet 2009 et 23 décembre 2009, ces sommes ayant été prêtées par M. E... B... à son fils ainsi que le prouvent les remboursements mensuels effectués par ce dernier à son père depuis le mois de février 2010 et le fait qu'il a souscrit un contrat d'assurance au profit de son père ;
- l'administration fiscale reconnaît le mécanisme de la délégation imparfaite de paiement ainsi que cela résulte de la réponse ministérielle à M. F... n° 5331 (JO Sénat, 12 janvier 1995, p. 89) ;
- il n'est ni contestable, ni contesté que la société Initiale a bénéficié d'un apport en trésorerie de 314 700 euros en 2009 et que cet apport a nécessairement pour contrepartie une dette.
Par un mémoire, enregistré le 4 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les moyens soulevés par la société Initiale ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J..., première conseillère,
- et les conclusions de Mme I..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Initiale, qui exerce une activité d'acquisition, de propriété, de détention et de gestion de valeurs mobilières et dont M. G... B... est le gérant et le principal associé, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2010 à l'issue de laquelle l'administration a réintégré dans son résultat imposable de l'exercice clos en 2009 des sommes de 35 000 euros et 279 700 euros inscrites, respectivement, le 8 juillet 2009 et le 10 décembre 2009, au crédit du compte courant détenu par l'intéressé au motif qu'il s'agissait d'un passif injustifié. La société Initiale a, en conséquence, été assujettie à un complément d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2009 auquel ont été appliqué des intérêts de retard et la majoration de 40 % prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts. La société Initiale relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ". Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier l'inscription d'une dette au passif de son bilan.
3. Il résulte de l'instruction que le compte courant d'associés de la société initiale a été crédité le 8 juillet 2009 d'une somme de 35 000 euros, puis le 10 décembre 2009 d'une somme de 279 700 euros, sous l'intitulé " apport en compte courant ". Ayant constaté que ces sommes correspondaient à la remise par M. E... B..., père de M. G... B..., de deux chèques à la société, l'administration fiscale a remis en cause le passif résultant de l'inscription de ces sommes au crédit du compte courant d'associés au motif, d'une part, que M. E... B... n'étant pas associé de la société, de telles sommes ne pouvaient pas constituer un apport en compte courant d'associé et, d'autre part, qu'à défaut de preuve de l'existence d'un prêt accordé par M. E... B... à la société ou de début de remboursements, ces sommes ne pouvaient pas non plus être considérées comme une dette.
4. La société Initiale fait valoir que si les sommes ont été directement versées par M. E... B... à la société, elles correspondent à un apport effectué par M. G... B... au profit de la société à un moment où celle-ci avait un besoin important de trésorerie. Elle soutient à ce titre que ces sommes ont été prêtées par M. E... B... à son fils et versées directement par M. E... B... à la société dans le cadre d'une " délégation imparfaite de paiement " telle qu'alors prévue à l'article 1275 du code civil.
5. Toutefois, la société Initiale n'a produit aucun document contemporain de la remise des chèques de M. E... B..., tel qu'un contrat de prêt ou une reconnaissance de dette établis entre les intéressés. L'attestation de prêt établie le 27 mai 2019 par M. E... B... pour les besoins de la cause, qui ne comporte au demeurant aucune précision sur la durée et les modalités de remboursement de ce prêt, est dépourvue de force probante. Si le 24 janvier 2010, M. G... B... a souscrit, auprès de la société Aviva, un contrat d'assurance décès invalidité lui permettant de garantir, en cas d'invalidité avant le 22 janvier 2027 ou de décès avant le 22 janvier 2032, un capital de 300 000 euros au profit de son père M. E... B..., les mentions de ce contrat ne permettent pas d'établir qu'il se rattachait au prêt allégué. De même, ni le fait que M. G... B... a été débité, chaque mois, entre janvier 2010 et juillet 2010, d'un chèque de 1 074,40 euros, puis d'août 2010 à avril 2011 d'un chèque de 1 075 euros, sans d'ailleurs que le bénéficiaire de ces chèques soit identifié, ni le fait qu'il a effectué des virements mensuels de ce même montant au profit de " BM " de mai 2011 à décembre 2012, puis qu'il a versé, entre janvier et avril 2019, 1 000 euros par mois à son père, ne suffit à démontrer, alors que la société allègue sans toutefois le justifier que ces versements auraient perduré en 2013 et en 2014, compte tenu des montants en cause et des courtes périodes au cours desquelles ces sommes ont été versées, que ces versements constitueraient le remboursement du prêt allégué. Par suite, le moyen tiré de ce que l'inscription en compte courant d'associé était justifiée dès lors que les sommes en cause ont été prêtées par M. E... B... à son fils et versées directement par M. E... B... à la société dans le cadre d'une " délégation imparfaite de paiement " doit être écarté.
6. En se bornant à alléguer qu'elle a bénéficié d'un apport en trésorerie de 314 700 euros en 2009 et que cet apport a nécessairement pour contrepartie une dette, la société Initiale ne justifie pas de la nature des sommes qui lui ont été versées par M. E... B... au cours de l'année 2009.
7. A supposer que la société Initiale ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la réponse du ministre de l'économie, publiée au JO du Sénat du 12 janvier 1995 p. 89, à la question écrite n° 5331 de M. F..., elle n'entre pas dans les prévisions de cette réponse.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Initiale n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Initiale est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Initiale et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme J..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.
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N° 19LY02301
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