Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 janvier 2020 et le 26 juin 2020, M. A..., représenté par Me G..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 22 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Rhône de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- la procédure suivie est irrégulière dès lors que le préfet aurait dû saisir le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration relativement à son état de santé ;
- la décision attaquée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme K..., rapporteure publique,
- et les observations de Me G..., représentant M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 10 mai 1965, est entré en France le 15 septembre 2018, selon ses déclarations, en compagnie de son épouse Mme H... D... épouse A... et de leur fille majeure Mme I... A..., et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande, examinée selon la procédure accélérée dès lors que M. A... est originaire d'un pays d'origine sûr, a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 mars 2019. Par un arrêté du 28 novembre 2019, le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 22 janvier 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté cite le 6° du I de l'article L. 511-1 et le 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il indique que le droit au séjour de M. A... a pris fin, dès lors que sa demande d'asile, traitée selon la procédure accélérée prévue pour les ressortissants de pays d'origine sûrs par le 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été rejetée et qu'en application de l'article L. 743-2 de ce code, l'introduction d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile ne lui ouvre pas droit au séjour. Enfin il fait état des circonstances propres à la situation personnelle de M. A..., et, notamment, du caractère récent de son entrée en France et du fait que son épouse et sa fille font également l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, cet arrêté, qui comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé, quand bien même il ne mentionne pas l'existence des deux autres enfants majeurs de M. A... résidant en France.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article R. 511-1 de ce code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article 9 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, dans le cadre de la procédure prévue aux titres I et II du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sollicite le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 ou au 5° de l'article L. 521-3 du même code est tenu de faire établir le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article 1er (...) ".
4. D'une part, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que M. A..., qui n'a d'ailleurs pas sollicité son admission au séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a informé l'autorité administrative de ce qu'il souffrait de problèmes de santé ni qu'il a sollicité le bénéfice des protections prévues au 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans de telles conditions, le préfet du Rhône n'était pas tenu de recueillir l'avis du collège des médecins ou du médecin désigné par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre l'arrêté contesté.
5. D'autre part, si M. A... fait valoir qu'il souffre de plusieurs pathologies justifiant qu'il se maintienne en France et produit le compte-rendu d'une IRM de la colonne lombaire établi par un médecin radiologue le 19 septembre 2019 indiquant qu'il est atteint d'une discopathie dégénérative étagée, ainsi que plusieurs ordonnances médicales, il ne ressort pas de ces pièces ni d'aucun élément du dossier que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ni qu'il ne pourrait, le cas échéant, être pris en charge en Albanie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet du Rhône se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de M. A....
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. A... fait valoir que son épouse, sa fille cadette et lui-même ont rejoint en France sa fille Arta et son fils C..., qui résident régulièrement sur le territoire national sous couvert de cartes de séjour pluriannuelles. Toutefois, le requérant, qui n'était présent en France que depuis quatorze mois à la date de l'arrêté attaqué, n'a été admis au séjour que durant l'examen de sa demande d'asile et se maintient irrégulièrement en France depuis le rejet de cette demande. Son épouse et sa fille cadette font également l'objet de mesures d'éloignement. M. A..., qui ne vit pas avec ses deux autres enfants depuis plusieurs années, n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales en Albanie, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans. Rien ne fait obstacle à ce que le requérant, son épouse et sa fille cadette reconstituent la cellule familiale dans leur pays d'origine, dont tous les membres ont la nationalité. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préfet du Rhône, en décidant l'éloignement de M. A..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale du requérant.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
10. Si M. A... fait valoir qu'il a été menacé de mort par le premier époux de sa fille, les éléments qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'il serait effectivement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, la demande d'asile présentée par le requérant a été rejetée tant par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides que par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme L..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 20LY00415
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