Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 4 février 2020, la SARL Eurochem-Pharmasolutions, représentée par Me Palomares, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de exercices clos en 2011, 2012 et 2013 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration, à qui la charge de la preuve incombe dès lors qu'elle a produit des pièces de nature à justifier la réalité des dépenses engagées, ne pouvait remettre en cause la déduction des charges, d'un montant de 225 000 euros, correspondant à des prestations de service par la société Laboratoires A... France au titre de l'exercice clos en 2011 ;
- s'agissant des dépenses engagées au titre des exercices clos en 2012 et 2013, elle a produit quatre-vingt-cinq rapports de contrôle analytique réalisés par la société Laboratoires A... France ; l'administration, qui ne conteste pas la réalité de ces prestations, ne pouvait rejeter en bloc l'intégralité des charges engagées au seul motif que le coût pratiqué serait trop élevé ;
- par ailleurs, les rectifications concernant les prestations d'accréditation et d'audit de fournisseurs lui ont été notifiées à l'issue d'une procédure irrégulière, l'administration ayant méconnu son obligation, rappelée à l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de lui communiquer, en réponse à sa demande, les pièces sur lesquelles elle s'est fondée ; de la même manière, la circonstance non démontrée que la société Laboratoires A... France aurait pratiqué des prix trop élevés n'est pas de nature à remettre en cause la déductibilité de la charge ;
- elle a présenté des pièces justificatives concernant les prestations de développement des produits Optisel et Vivamin, que l'administration a refusé de prendre en compte ; il est en tout état de cause, constant que la rentabilité d'un produit pharmaceutique ne saurait être acquis dès la première année de commercialisation et la simple circonstance qu'elle aurait investi dans un produit non rentable n'est pas de nature à rendre la charge non déductible ; elle a commercialisé directement ces deux médicaments, dont elle a déposé la marque, les frais et charges relatifs au développement de ces produits ont été exposés dans l'intérêt direct de l'entreprise ;
- s'agissant des pénalités, elle n'a fait preuve d'aucun manquement délibéré ni manœuvre frauduleuse.
Par un mémoire, enregistré le 20 juillet 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à concurrence des remises d'intérêts de retard et au rejet du surplus de la requête.
Il soutient que :
- à la suite de son placement en redressement judiciaire par jugement du 5 février 2020, la SARL appelante a bénéficié d'une remise des intérêts de retard mis à sa charge ; il n'y a donc plus lieu de statuer à hauteur de 104 058 euros ;
- les autres moyens soulevés par la SARL Eurochem-Pharmasolutions ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Eurochem-Pharmasolutions, qui exerce principalement une activité d'import-export de produits chimiques et pharmaceutiques de base et autres intrants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, à l'issue de laquelle l'administration fiscale l'a assujettie, d'une part, selon la procédure contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et, d'autre part, à des compléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Les cotisations d'impôt sur les sociétés ont été assorties des intérêts de retard, et selon les redressements, de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts ou de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses prévue par le c. du même article. La SARL Eurochem-Pharmasolutions relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des intérêts de retard et des majorations visées aux a. et c. de l'article 1729 du code général des impôts.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Toutefois, l'obligation qui lui est ensuite faite de tenir à la disposition du contribuable qui les demande ou de lui communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions, les documents ou copies de documents contenant les renseignements qu'elle a utilisés pour procéder aux redressements ne peut porter que sur les documents effectivement détenus par les services fiscaux. Dans l'hypothèse où les documents que le contribuable demande à examiner sont détenus non par l'administration fiscale, qui les a seulement consultés à l'occasion d'une vérification de comptabilité concernant une autre société, mais par cette dernière, il appartient à l'administration fiscale, d'une part, d'en informer l'intéressé afin de le mettre en mesure d'en demander communication à ce tiers et, d'autre part, de porter à sa connaissance l'ensemble des renseignements fondant l'imposition recueillis à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette autre société.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 25 juin 2015, que pour estimer que les charges correspondant aux prestations d'accréditation et d'audits de fournisseurs, dont la SARL Eurochem-Pharmasolutions avait passé commande auprès de la SARL Laboratoires A... France au cours des exercices clos en 2012 et 2013, n'étaient pas déductibles, l'administration s'est fondée sur le rapport d'audit réalisé en juillet 2013 par la société Intertek chez le fabricant indien Sri Krishna, auquel elle a eu accès à l'occasion de la vérification de comptabilité de la SARL Laboratoires A... France. Elle en a comparé le coût de 1 196,20 euros hors taxe à celui de chacun des six rapports d'analyses présentées par la SARL Eurochem-Pharmasolutions au titre des années 2012 et 2013, évalué à 157 500 euros en moyenne, pour en déduire le caractère exagéré.
5. Dans ses observations en réponse à cette proposition de rectification, la SARL Eurochem-Pharmasolutions a demandé à l'administration fiscale de lui communiquer les éléments issus de la vérification de comptabilité de la société Laboratoires A... France sur lesquelles elle s'est fondée pour établir l'imposition litigieuse. Il est constant que l'administration ne lui a pas communiqué ces éléments et ne l'a pas informée qu'elle n'était pas en possession de ces pièces, détenues par la SARL Laboratoires A... France. En se bornant à lui indiquer, en réponse à sa demande de communication, que les éléments portés à sa connaissance dans la proposition de rectification étaient suffisants à son information, l'administration fiscale n'a pas satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
6. Cette irrégularité n'emporte toutefois de conséquence que sur la seule fraction des impositions établies sur la base de ces documents, soit les seules cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, assises sur les charges dont la déductibilité a été remise en cause, correspondant aux dépenses relatives aux prestations d'accréditation et d'audits des fournisseurs, comptabilisées par la SARL Eurochem-Pharmasolutions pour un coût total de 465 000 euros en 2012 et de 480 000 euros en 2013.
Sur le bien-fondé du surplus de l'imposition :
7. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 de ce code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Les charges pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en application de l'article 39 du code général des impôts, doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à des charges effectives et être appuyées de justificatifs.
8. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
En ce qui concerne les prestations de services non admises en déduction au titre de l'exercice 2011 :
9. En vertu des principes ci-dessus rappelés, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
10. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 16 décembre 2014, que la SARL Eurochem-Pharmasolutions a comptabilisé en charges d'exploitation au titre de l'exercice clos en 2011, un montant de 225 000 euros correspondant à des prestations analytiques, de support réglementaires et de développement, réalisées par la société Laboratoires A... France, concernant trois médicaments, Niflumen, Cloraxène et Paramol. Il est constant que les factures qu'elle produit, émises par la société A-Pharmaconsult et adressées à la société Laboratoires A... France, concernant le " dossier Clorazepate " et des " analyses des dossiers d'AMM " ne permettent pas de justifier de la réalité des prestations correspondant aux dépenses inscrites en comptabilité et afférentes aux médicaments Niflumen, Cloraxène et Paramol. Quant à l'extrait du rapport concernant le médicament Cloraxène, il ne permet pas de justifier que la prestation a été réalisée pour son compte, et ce alors qu'il résulte de l'instruction que dans le cadre du débat oral et contradictoire, M. A..., gérant de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, a affirmé que les prestations en cause concernaient en réalité le développement de nouveaux produits réalisés pour le compte de la société algérienne Laboratoires A... SARL. Par ailleurs, si la SARL Eurochem-Pharmasolutions, qui exerce une activité de négoce, soutient que ces prestations étaient intégrées dans le coût de revente des marchandises à la société algérienne Laboratoires A... SARL, elle ne l'établit pas. Il s'en déduit, d'une part, que l'administration fiscale était fondée à demander à cette société de lui fournir tous éléments d'information susceptibles de justifier la réalité de ces prestations à son profit et, d'autre part que c'est à bon droit que l'administration fiscale a refusé la déduction des charges comptabilisées à ce titre par la SARL Eurochem-Pharmasolutions.
En ce qui concerne les prestations de services non admises en déduction au titre des exercices clos en 2012 et 2013 :
S'agissant des prestations de contrôles analytiques des principes actifs :
11. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 25 juin 2015, que la SARL Eurochem-Pharmasolutions a comptabilisé en charges d'exploitation, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des montants de respectivement 230 000 euros et 240 000 euros correspondant à des prestations de contrôles analytiques de principes actifs réalisés par la SARL Laboratoires A... France. La SARL Eurochem-Pharmasolutions soutient que l'administration ne pouvait remettre en cause l'intégralité des charges dont elle ne conteste pas la réalité au motif que le coût des prestations était anormalement élevé, en se fondant sur une seule facture émise par la société Gimopharm, spécialiste des analyses physico-chimiques. Toutefois, l'administration, qui a également relevé, sans être contestée, que les fournisseurs de substances actives joignent systématiquement à leurs produits vendus un rapport d'analyse des lots expédiés, en a déduit que la charge en cause avait une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable. Par suite, et alors que la SARL Eurochem-Pharmasolutions n'apporte aucune contradiction sur ce point, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que les prestations de service en litige n'ont pas été exposées dans l'intérêt de la SARL appelante. C'est donc à bon droit que l'administration a procédé à la réintégration, dans les résultats imposables des exercices clos en 2012 et 2013, de l'intégralité de cette charge.
S'agissant des prestations de développement des produits Optisel et Vivamin :
12. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 25 juin 2015, que la SARL Eurochem-Pharmasolutions a comptabilisé en charges d'exploitation, au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des montants de respectivement 293 088 euros et 1 280 000 euros correspondant à des prestations, réalisées par la société Laboratoires A... France, de développement des compléments alimentaires Optisel et Vivamin. La SARL Eurochem-Prestations soutient qu'elle est propriétaire des marques Optisel et Vivamin, qu'elle entend commercialiser ces produits à destination du marché algérien, et que les dépenses en cause présentaient donc un intérêt pour elle, ainsi d'ailleurs que l'a reconnu la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires dans son avis du 22 septembre 2016 à propos du produit Optisel. Toutefois, en se bornant à faire valoir qu'elle a présenté à l'administration fiscale " plusieurs caisses de pièces justificatives que cette dernière a refusé de prendre en compte ", la SARL n'apporte pas, dans la présente instance, la preuve qui lui incombe, de la réalité de prestations réalisées à son profit en contrepartie des charges comptabilisées.
Sur les pénalités :
13. En premier lieu, aux termes du I de l'article 1756 du code général des impôts : " I. - En cas de sauvegarde ou de redressement ou de liquidation judiciaires, les frais de poursuite et les pénalités fiscales encourues en matière d'impôts directs et taxes assimilées, de taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées (...) dus à la date du jugement d'ouverture, sont remis, à l'exception des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 et aux articles 1729 et 1732 et des amendes mentionnées aux articles 1737 et 1740 A ainsi qu'aux 3° et 4° de l'article 1759-0 A ".
14. Il résulte des explications non contestées du ministre, corroborées par les pièces qu'il produit et en particulier, la copie du bordereau de situation fiscale de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, qu'à la suite d'un jugement du tribunal de commerce du 5 février 2020 plaçant cette société en redressement judiciaire, l'administration a, en application du I précité de l'article 1756 du code général des impôts, prononcé la remise des intérêts de retard appliqués aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles la SARL Eurochem-Pharmasolutions a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013 pour un montant total de 104 009 euros. Par suite, les conclusions de la SARL Eurochem-Pharmasolutions, relatives à ces intérêts de retard sont devenues sans objet.
15. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ".
16. D'une part, le service a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés en litige de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. Pour justifier l'application de cette majoration, l'administration s'est fondée sur le fait que la SARL Eurochem-Pharmasolutions a sciemment comptabilisé en charges d'exploitation des prestations de services sans pouvoir justifier ni de la réalité des prestations, ni de leur conformité à son intérêt propre et direct. Elle établit ainsi l'intention délibérée de la SARL Eurochem-Pharmasolutions d'éluder une partie des impositions dont elle est redevable au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, justifiant l'application de la majoration pour manquement délibéré aux impositions mises à sa charge.
17. D'autre part, le service a, après avoir relevé l'utilisation par la SARL Eurochem-Pharmasolutions, de factures fictives à l'élaboration desquelles son gérant avait participé, fait application du c. de l'article 1729 du même code en assortissant les rehaussements fondés sur ce constat de la majoration de 80 %. Le recours, au demeurant non contesté, à des factures fictives par la société appelante est de nature à justifier l'application par l'administration de la majoration pour manœuvres frauduleuses.
18. Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve de la remise prononcée en cours d'instance, la SARL Eurochem-Pharmasolutions est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge des bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos en 2012 en 2013, à hauteur respectivement de 465 000 euros en 2012 et de 480 000 euros et la décharge des impositions et pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
19. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme que demande la SARL Eurochem-Pharmasolutions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 104 009 euros en ce qui concerne les intérêts de retard appliqués aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL Eurochem-Pharmasolutions.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la SARL Eurochem-Pharmasolutions au titre des exercices clos les 31 décembre 2012 et 2013 sont réduites de respectivement 465 000 euros et 480 000 euros.
Article 3 : La SARL Eurochem-Pharmasolutions est déchargée des cotisations d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, correspondant à la réduction des bases d'imposition prononcées à l'article 1er.
Article 4 : Le jugement n° 1704277 du tribunal administratif de Grenoble du 6 décembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Eurochem-Pharmasolutions et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 octobre 2021.
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N° 20LY00484
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