Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 mars 2019, M. A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 décembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 48 heures à compter du jugement à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A... soutient que :
- son état de santé entre dans le cadre de circonstances exceptionnelles qui lui sont propres, le plaçant dans une situation de particulière de vulnérabilité ;
- compte tenu des défaillances systémiques existant dans la prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, le transfert risque de conduire à une situation susceptible d'être assimilée à un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet devait mettre en oeuvre la faculté qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2019, le préfet de la Haute-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- dans le respect du secret médical, l'Italie sera avertie de l'état de santé de M. A... et des dispositions à prendre pour sauvegarder ses intérêts essentiels ;
- la seule situation migratoire en Italie ne suffit pas à conclure qu'elle n'est pas en mesure d'apporter aux demandeurs d'asile l'ensemble des garanties requises.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme B..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 26 mars 1998, est entré en France en 2018, où il a introduit une demande de protection internationale. Par un arrêté du 26 octobre 2018, le préfet de la Haute-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers (...) sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable (...) ; / (...) 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ".
3. M. A... invoque indirectement l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les mauvaises conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie. Cependant, et malgré les difficultés réelles rencontrées par cet Etat compte tenu de l'importance des flux de demandeurs d'asile auquel il est confronté, M. A... n'établit pas qu'à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris, existaient en Italie, Etat membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile, impliquant un traitement inhumain ou dégradant.
4. M. A... invoque avant tout les dispositions de l'article 17 du même règlement, selon lesquelles : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".
5. A l'appui du moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaitrait l'article 17 précité, M. A... fait valoir son état de santé. Toutefois, il ne produit qu'un compte-rendu d'échographie abdominale, au demeurant postérieur à la décision litigieuse, faisant apparaitre une série de constatations considérées comme normales et un élément ayant suscité une interrogation du médecin quant à un risque de néphropathie, appelant, selon lui, une confrontation au bilan biologique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette interrogation aurait été levée dans un sens ou un autre, ni que l'intéressé devait subir un traitement ou faire l'objet d'un suivi médical particulier ou encore que son état de santé serait incompatible avec tout déplacement. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, M. A... devait être regardé comme une personne particulièrement vulnérable, pour laquelle des assurances particulières devaient être prises auprès des autorités italiennes. Il suit de là que doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet de la Haute-Loire a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions rappelées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme C..., présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 15 octobre 2019.
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N° 19LY01100
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