Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Guérault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 juillet 2020 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du préfet de la Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire, enregistré le 24 février 2021, la préfète de la Loire déclare s'en remettre au jugement.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pruvost, président ;
Considérant ce qui suit :
1. Selon ses déclarations, M. B..., ressortissant congolais né en 1976, est entré en France le 26 avril 2009. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 juillet 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 16 mai 2013. Il a fait l'objet de refus de séjour assortis de mesures d'éloignement le 18 septembre 2012 et le 22 avril 2014. Il a présenté une demande de titre de séjour au préfet de la Loire le 18 juillet 2016. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet sur sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... vit en concubinage avec une ressortissante angolaise titulaire d'une carte de résident valable dix ans avec laquelle il a eu une fille née le 4 avril 2015 et qui est par ailleurs mère d'une enfant française née d'une précédente relation. Dans ces conditions, la cellule familiale ne peut se recomposer en République démocratique du Congo, pays dont M. B... possède la nationalité, sa compagne dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle pourrait être admise à séjourner dans ce pays, ayant en tout état de cause vocation à demeurer en France dès lors que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve en France. Il suit de là que le refus d'autoriser M. B... à séjourner en France, susceptible de conduire à une séparation entre celui-ci et sa fille, alors âgée de dix-huit mois, porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et méconnaît, par suite, les stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il suit de là que cette décision doit être annulée.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
7. Le présent arrêt implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que la préfète de la Loire délivre à M. B... une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Guérault, avocat de M. B..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Guérault renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du préfet de la Loire rejetant la demande de titre de séjour de M. B... et le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Loire de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Guérault au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Guérault renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C..., au ministre de l'intérieur, à Me Sébastien Guérault et à la préfète de la Loire. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
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N° 21LY00154
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