Par un arrêt n° 16LY01983, la présente cour a annulé cette ordonnance et a renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble.
Par un jugement n° 1606558 du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, à l'article 1er, déchargé M. et Mme A... des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012, et, à l'article 2, rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 5 septembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me D... et Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 16 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) de prononcer la réduction des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 ainsi que des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme A... soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration a considéré que la SARL Tessar Conseils s'est opposée à la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet ;
- les compléments d'impôt sur le revenu assignés dans la catégorie des traitements et salaires ne sont pas fondés, dès lors que la SARL Tessar Conseils se trouvait dans l'impossibilité de procéder au versement des salaires ;
- les compléments d'impôt sur le revenu assignés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne sont pas fondés, dès lors que les résultats de la SARL Tessar Conseils ont été reconstitués selon une méthode radicalement viciée et que les revenus distribués ne pouvaient inclure des rappels de taxe sur la valeur ajoutée non collectée ;
- ils sont fondés, en application des décisions n° 2016-610 QPC et n° 2017-643/650 QPC du 7 juillet 2017 du Conseil constitutionnel, à demander la réduction des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis à raison de la majoration de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts ;
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par un mémoire, enregistré le 12 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer, à hauteur des sommes dégrevées, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient qu'il a prononcé, à concurrence des sommes de 9 844 euros et 5 254 euros, le dégrèvement des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignées à M. et Mme A... au titre de l'année 2012, ainsi que, à concurrence des sommes des 4 725 euros et 2 520 euros, celui des majorations dont ces droits sont assortis et que, pour le surplus, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme J..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue de la vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, de la SARL Tessar Conseils dont Mme G... A... est gérante salariée et associée à hauteur de 50 % des parts et M. I... A..., son époux, salarié, l'administration a évalué d'office, sur le fondement des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales applicables en cas d'opposition à contrôle fiscal, les bénéfices réalisés par la société des exercices clos en 2011 et 2012. En conséquence de cette vérification de comptabilité et d'un contrôle sur pièces, elle a assujetti M. et Mme A... à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 et 2012, notifiés selon la procédure contradictoire, résultant de l'imposition entre leurs mains, d'une part, de salaires dus par la SARL Tessar Conseils et, d'autre part, de revenus distribués par cette société, lesquels ont été imposés sur le double fondement du 1° et du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par l'article 1er du jugement attaqué du 16 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a prononcé la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.
Sur l'étendue du litige :
2. Par une décision du 1er mars 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé le dégrèvement, à concurrence d'une somme totale de 22 343 euros, des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2011, et des majorations correspondantes. Les conclusions de la requête dirigées contre ces impositions et majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
Sur la régularité de la procédure d'office suivie à l'encontre de la SARL Tessar Conseils :
3. Si M. et Mme A... entendent critiquer la régularité de la procédure d'office suivie à l'encontre de la SARL Tessar Conseils, ils se bornent à des allégations insuffisamment précises pour permettre au juge d'en apprécier la portée. Au demeurant, en vertu du principe de l'indépendance des procédures concernant une société de capitaux et ses associés, l'éventuelle irrégularité de la procédure d'imposition suivie à l'égard de la SARL Tessar Conseils ne peut avoir d'autre conséquence que la décharge des impositions mises à la charge de cette société et reste sans incidence sur les conséquences tirées par l'administration du contrôle de la société sur les sommes soumises à l'impôt sur le revenu au nom de M. et Mme A....
Sur les impositions assignées dans la catégorie des traitements et salaires :
4. Il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui sont mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement soit par voie d'inscription à un compte courant ou un compte de charges à payer ouvert dans les écritures de la société qui l'emploie, dès lors, dans ces deux derniers cas, que le créancier de la somme est un dirigeant de la société ayant déterminé la décision d'inscrire dans les comptes sociaux la somme qui lui est due et que le retrait effectif de la somme au plus tard le 31 décembre de l'année d'imposition n'est pas rendu impossible, en fait ou en droit, par des circonstances telles que, notamment, la situation de trésorerie de la société, les circonstances matérielles du retrait ou les modalités de détermination du montant exact de la somme susceptible d'être retirée.
5. L'administration a constaté que la SARL Tessar Conseils, qui n'a pas déposé de déclaration annuelle des salaires, avait porté, sur la déclaration de bénéfice souscrite le 10 août 2012 au titre de l'exercice clos en 2011, la somme de 84 600 euros à raison des rémunérations versées à ses salariés, et qu'elle avait comptabilisé les sommes de 31 663 euros au compte 421 " rémunérations dues " et 36 231 euros au compte " associés - compte courant ". Par ailleurs, elle a été rendue destinataire, dans le cadre d'une demande de la SARL Tessar Conseils tendant au bénéfice du crédit impôt-recherche, des bulletins de salaires édités par cette société au titre du mois de décembre 2011, faisant état de salaires annuels de 29 720 euros pour M. A... et de 38 625 euros pour Mme A.... En conséquence, l'administration a imposé les sommes de 29 720 euros et de 38 625 euros, dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de l'année 2011.
6. M. et Mme A..., qui ne contestent ni le caractère de salaires des revenus en cause ni les montants retenus par l'administration, soutiennent que ces sommes n'ont pas été mises à leur disposition compte tenu des difficultés de trésorerie de la SARL Tessar Conseils qui interdisaient matériellement tout prélèvement.
7. Il est constant que Mme A... est la seule gérante de la SARL Tessar Conseils et qu'elle possède 50 % des parts sociales de la société. Ainsi, et alors même que sa participation au capital social de la société ne lui confère que la qualité de gérante égalitaire, elle doit être regardée comme ayant participé de façon déterminante à la décision d'inscrire à son compte courant d'associé la somme de 36 231 euros. Par ailleurs, en se bornant à produire des extraits d'un compte bancaire qui ne retracent aucun mouvement de fonds alors que la société a déclaré avoir engagé des charges correspondant notamment à des achats de marchandises et à des frais de déplacement, ainsi que les factures initiales et les factures d'avoir adressées par la SARL Tessar Conseils à ses clients au cours des exercices clos en 2011 et 2013, les requérants, qui n'apportent aucun élément relatif à la situation des comptes sociaux de la société, n'établissent pas que la situation de trésorerie de cette dernière à la clôture de l'exercice 2011 aurait rendu tout prélèvement financièrement impossible. Dans ces conditions, Mme A... doit être regardée comme ayant eu la disposition des sommes en cause dès leur inscription à son compte courant au cours de l'exercice clos en 2011. Par suite, l'administration était en droit d'imposer les salaires versés à Mme A... par la SARL Tessar Conseils au titre de l'année 2011.
8. En revanche, il résulte de l'instruction, et n'est pas sérieusement contesté par l'administration, que M. A... n'avait pas la qualité d'associé de la SARL Tessar Conseils et qu'il exerçait uniquement des fonctions salariées. En se bornant à soutenir que la société a inscrit la somme de 29 720 euros dans un compte de " rémunérations dues ", au cours de l'exercice clos en 2011 et que l'intéressé est l'époux de la gérante de la SARL Tessar Conseils, l'administration n'établit pas que cette somme aurait été effectivement mise à la disposition de ce dernier. Dans ces conditions, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé la somme de 29 720 euros dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2011.
Sur les impositions assignées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
9. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé.
10. A défaut de toute présentation de comptabilité, l'administration a procédé à la reconstitution du résultat de la SARL Tessar Conseils de l'exercice clos en 2011, en se fondant sur les éléments déclarés par la société. Elle a considéré que seules les charges correspondant aux rémunérations étaient justifiées, tant dans leur principe que dans leur montant, et que les charges non justifiées, correspondant notamment à des achats de marchandises et à des frais de déplacement, d'un montant de 54 432 euros, qui n'ont ni été mises en réserve, ni incorporées au capital, n'étaient pas demeurées investies dans l'entreprise. Elle a en conséquence imposé la somme correspondante entre les mains de M. et Mme A..., en tant que revenus distribués, sur le fondement du 1° et du 2 ° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Si M. et Mme A... soutiennent que la méthode de reconstitution du bénéfice de la SARL Tessar Conseils est excessivement sommaire et radicalement viciée, dans la mesure où seule une partie des charges déclarées a été admise, l'administration fait valoir qu'elle a tenu compte des seules charges justifiées par la société, tant dans leur nature que dans leur exercice de rattachement, lesquelles, au demeurant, représentent 86 % des recettes déclarées. Les requérants n'apportent aucune précision ni aucun justificatif permettant de démontrer que la société aurait effectivement exposé des charges supplémentaires. Par ailleurs, l'administration a renoncé à inclure les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dans le montant des revenus distribués et a prononcé le dégrèvement correspondant. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués au titre de l'année 2011.
Sur les majorations pour manquement délibéré :
11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Et aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
12. Pour justifier l'application aux compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, l'administration se fonde sur l'importance des revenus distribués et des salaires omis, sur le caractère répétitif de l'infraction et sur la circonstance que les requérants se sont délibérément soustraits à leurs obligations en s'opposant à la vérification de comptabilité de la SARL Tessar Conseils. Enfin, l'administration indique que Mme A..., en sa qualité de gérante et d'associée, à hauteur de 50 % des parts, de la SARL Tessar Conseils, ne pouvait ignorer que la société avait comptabilisé des salaires à son nom qu'il lui incombait de déclarer. Si le défaut de collaboration du contribuable lors du contrôle, qui est postérieur à la déclaration, ne peut utilement être invoqué pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à ses obligations fiscales et si le caractère répétitif de l'infraction ne peut être retenu dès lors que les compléments d'imposition auxquels M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2012 ont été déchargés par le jugement attaqué, l'administration, en se référant à l'importance des revenus distribués et à la circonstance que Mme A... ne pouvait, compte tenu de sa qualité d'associée et de dirigeante de la SARL Tessar Conseils, ignorer l'existence des salaires qui ont été mis à sa disposition, doit néanmoins être regardée comme établissant la volonté des contribuables d'éluder une partie des impositions dont ils étaient redevables, justifiant l'application des majorations en litige.
13. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve du dégrèvement prononcé en cours d'instance, M. et Mme A... sont uniquement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison de l'imposition de la somme de 29 720 euros en tant que salaires de M. A....
Sur les frais liés à l'instance :
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A... dans l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : A concurrence d'une somme de 22 343 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 à raison de l'imposition de la somme de 29 720 euros en tant que salaires de M. A....
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 16 juillet 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme I... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme F..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 25 février 2020.
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N° 18LY03406