Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mai 2019 et le 7 janvier 2021, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 mars 2019 ;
2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2011, 2012 et 2013 et des majorations correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a procédé à l'emport de ses documents comptables en l'absence de toute demande de sa part ;
- l'administration a méconnu l'obligation d'organiser un débat oral et contradictoire ;
- il a été privé d'une garantie dès lors que ses pièces comptables lui ont été restituées tardivement ;
- les propositions de rectification qui lui ont été adressées sont insuffisamment motivées quant aux modalités de calcul des recettes omises et à l'origine et la teneur des éléments obtenus de tiers utilisés par l'administration ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que les propositions de rectification n'indiquent pas avec une précision suffisante l'origine et la teneur des éléments obtenus de tiers utilisés par l'administration ;
- la charge de la preuve du bien-fondé des impositions pèse sur l'administration, s'agissant de redressements notifiés selon la procédure contradictoire ;
- l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du bien-fondé des impositions ;
- c'est à tort que l'administration a estimé que le prix d'un tour de manège était de 6 euros ;
- la plus-value réalisée en 2011 lors de la cession du manège " Boomerang " devait être exonérée d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 151 septies du code général des impôts, dès lors que ses recettes afférentes aux deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l'exercice de sa réalisation sont inférieures au seuil fixé par ces dispositions ;
- la minoration d'actif résultant de la comptabilisation pour un montant de 450 000 euros du manège " Fly zone ", d'une valeur de 565 000 euros, ne peut conduire à aucun supplément d'imposition dès lors qu'il n'en est résulté aucun enrichissement ;
- c'est à tort que l'administration a imposé en tant que passif injustifié la somme de 150 000 euros dès lors que cette écriture résulte d'une double erreur de son comptable ;
- les majorations pour manquement délibéré ne sont pas fondées.
Par des mémoires enregistrés le 28 octobre 2019 et le 14 janvier 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la preuve de l'existence d'un débat oral et contradictoire est une preuve objective ;
- il incombe à M. F... d'établir le caractère exagéré des impositions qui lui ont été assignées selon la procédure de taxation d'office ;
- les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme H..., rapporteure publique ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 février 2021, présentée par M. F... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. F..., qui exploite à titre individuel un manège forain itinérant constitué d'une balançoire motorisée dénommée " Fly zone " et d'une attraction dénommée " Coup de poing ", a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté sa comptabilité comme irrégulière et non probante, a procédé à la reconstitution de ses chiffres d'affaires et de ses résultats au titre de la période vérifiée. M. F... s'est en conséquence vu réclamer des rappels de taxe sur la valeur ajoutée selon la procédure de taxation d'office pour dépôt tardif de déclaration au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 et selon la procédure contradictoire au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013, et a été assujetti, au titre des années 2011, 2012 et 2013, à des compléments d'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des compléments de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et des compléments de contributions sociales, notifiés selon la procédure contradictoire, auxquels ont été appliquées des majorations. Par un jugement du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les demandes de M. F... tendant, l'une, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes et, l'autre, à la décharge des autres impositions et des pénalités correspondantes, a prononcé la décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant à l'année 2012 et des majorations correspondantes, et rejeté le surplus de ses conclusions. M. F... relève appel dans ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à ses demandes.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la vérification de comptabilité :
2. Il résulte de l'ensemble des dispositions du livre des procédures fiscales relatives aux opérations de vérification de comptabilité que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée. Toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter certains documents dans les bureaux de l'administration, qui en devient ainsi dépositaire. Dans ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont confiées. En outre, cette pratique ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles L. 47 et L. 52 du livre des procédures fiscales et qui ont notamment pour objet de lui assurer des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur. A cette fin, les documents comptables emportés doivent être restitués dans leur intégralité avant la fin des opérations de vérification. L'absence de restitution au contribuable de tout ou partie des documents comptables ayant fait l'objet d'un emport étant susceptible de priver celui-ci d'un débat oral et contradictoire, il en résulte que la vérification de comptabilité est dans son ensemble entachée d'irrégularité, ce qui entraîne la décharge de tous les redressements trouvant leur source dans la vérification irrégulière, même si certains d'entre eux ne sont pas directement fondés sur l'examen des documents emportés et non restitués.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la réception de l'avis de vérification de comptabilité, le 22 septembre 2014, M. F... a, par un courrier du 23 septembre 2014, demandé que le " lieu d'examen " de son entreprise soit " délocalisé " au sein des services de l'administration au motif que son activité de forain lui imposait de nombreux déplacements et que, ne sachant ni lire ni écrire, il mandatait son expert-comptable aux fins de le représenter au cours du contrôle. Par lettre du 24 septembre 2014, il a donné mandat à cet expert-comptable aux fins de fournir au service des impôts compétent toutes les pièces comptables et renseignements nécessaires au contrôle et de le représenter au cours de ce contrôle. Dans de telles conditions, la demande de M. F..., qui, exerçant une activité non sédentaire, ne disposait d'aucun local professionnel et ne bénéficiait que d'une adresse de domiciliation, tendant à ce que la vérification de sa comptabilité ait lieu dans les locaux de l'administration doit être regardée comme équivalant à une demande d'emport des documents comptables quand bien même il a désigné une personne chargée de le représenter pour suivre les opérations de contrôle et a déclaré être " à la disposition du service " pour lui " fournir toutes informations nécessaires au bon déroulement de ce contrôle ". Il est constant que le vérificateur a remis au représentant de M. F... des reçus, datés des 10 octobre 2014 et 17 octobre 2014, détaillant les pièces qui lui ont été confiées, consistant, selon les indications de l'administration non contredites par le requérant, en des tableaux des immobilisations, des avis de cotisation foncière des entreprises, des facturettes des places et frais divers, des relevés du réseau social des indépendants, des relevés bancaires, des factures de fournisseurs, des documents comptables - balance, journaux, bilan - ainsi que des fichiers des écritures comptables. Le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition serait irrégulière en l'absence de demande écrite du contribuable d'emport de documents dans les bureaux de l'administration doit, dès lors, être écarté.
4. En deuxième lieu, il est constant que la vérification de comptabilité a donné lieu à trois rencontres entre le vérificateur et le représentant de M. F..., qui se sont tenues le 10 octobre 2014, le 3 décembre 2014 et le 15 janvier 2015 dans les locaux de l'administration, ainsi que le mentionnent les propositions de rectification adressées au requérant le 4 décembre 2014 et le 23 janvier 2015. Il ne résulte pas de l'instruction et, notamment, des mentions des propositions de rectification, qui indiquent que la première entrevue a été consacrée à un débat sur les conditions d'exploitation de l'entreprise, d'un point de vue juridique, économique, comptable et fiscal, qu'ont également été évoqués le nombre et la durée des manifestations foraines auxquelles M. F... a participé et que les investigations se sont poursuivies au cours des rencontres suivantes, que, comme M. F... le soutient, les entretiens successifs qui ont eu lieu entre le vérificateur et son représentant ont eu pour seul objet l'emport et la restitution de ses documents comptables. La seule circonstance que les propositions de rectifications indiquent que " la qualité du débat oral et contradictoire a été matérialisée par de nombreux échanges effectués par courriels, en date notamment du 21 octobre, 4, 17 et 26 novembre 2014 ", ne permet pas, à elle seule, de remettre en cause le caractère oral du débat qui s'est déroulé entre le vérificateur et le représentant du contribuable. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que M. F... ne peut être regardé comme ayant été privé de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité.
5. Enfin, il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré le représentant de M. F... lors de réunions, qualifiées de " réunions de synthèse ", qui ont eu lieu le 3 décembre 2014 s'agissant de l'année 2011, et le 15 janvier 2015 s'agissant des années 2012 et 2013, que les pièces comptables de l'entreprise ont été restituées par le vérificateur au représentant de l'entreprise lors de la réunion du 3 décembre 2014, s'agissant des pièces relatives à l'année 2011, et lors de la réunion du 15 janvier 2015, s'agissant des pièces relatives aux années 2012 et 2013 et qu'à la suite de ces rencontres, le requérant a été rendu destinataire, le 4 décembre 2014, d'une proposition de rectification interruptive de prescription portant sur l'année 2011, puis, le 23 janvier 2015, d'une proposition de rectification portant sur les années 2012 et 2013. Il en résulte que les pièces comptables de l'entreprise, sur lesquelles un débat oral et contradictoire entre le vérificateur et le représentant du contribuable a pu avoir lieu au cours de la vérification de comptabilité, ainsi qu'il a été dit au point 4, ont été restituées à M. F... avant l'achèvement de cette dernière qui est intervenu, ainsi qu'en conviennent les parties, le jour des réunions de synthèse, soit le 4 décembre 2014 pour l'année 2011 et le 15 janvier 2015 pour les années 2012 et 2013. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, M. F... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tenant à la restitution des pièces comptables avant la fin des opérations de vérification de comptabilité.
En ce qui concerne la procédure suivie pour établir les impositions :
S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales :
6. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article. ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend ni du bien-fondé de ces motifs, ni des précisions apportées par l'administration sur l'origine des documents sur lesquels elle s'est fondée pour prononcer les redressements envisagés.
7. En premier lieu, les propositions de rectification du 4 décembre 2014 et du 23 janvier 2015 par lesquelles l'administration a notifié à M. F..., selon la procédure contradictoire, des propositions de rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour la période correspondant à l'année 2013 et de redressements d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, de contributions sur les hauts revenus et de contributions sociales au titre des années 2011 à 2013 mentionnent les impôts concernés ainsi que les années et les bases d'imposition retenues, et précisent que, pour reconstituer le chiffre d'affaires et les bénéfices réalisés, l'administration a recherché le nombre et la durée des manifestations foraines auxquelles ce dernier a participé, la durée de chaque prestation, le taux de remplissage ainsi que les tarifs pratiqués, en se fondant sur les déclarations de l'intéressé, sur les éléments fournis par le droit de communication exercé auprès de communes et d'organisateurs privés ainsi qu'auprès des établissements bancaires détenteurs des comptes de M. F..., sur les justificatifs des charges produits par le requérant et sur les informations recueillies par le biais de vidéos consultées sur le site youtube.com et de conversations sur les forums du site powermax.org. Il y est indiqué également qu'il a été tenu compte des périodes de forte ou de faible fréquentation, des variations entre week-end et jours de semaine, des offerts, des pertes liées aux aléas climatiques et aux incidents techniques et des charges qui étaient justifiées. Enfin, sont précisées les modalités de détermination de la capacité de l'attraction, de la durée des tours et des tarifs retenus lors des différentes manifestations. Par suite, les indications que comportent les propositions de rectification étaient suffisantes pour éclairer M. F... et lui permettre de discuter utilement le bien-fondé des redressements envisagés, ce qu'il a d'ailleurs fait en adressant au service, le 30 décembre 2014 et le 18 février 2015, des observations, auxquelles il a été répondu, respectivement, le 6 janvier 2015 et le 27 février 2015. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation des propositions de rectification ne peut, par suite, qu'être écarté.
8. Il résulte, en second lieu, de l'instruction que l'administration a notifié les droits de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de M. F... au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 selon la procédure de taxation d'office. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dont les dispositions, relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire, ne lui étaient pas applicables. Au demeurant, il ressort des termes même de la lettre du 4 décembre 2014 par laquelle l'administration a notifié le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en litige selon la procédure de taxation d'office que celle-ci mentionne l'impôt concerné, la période et les bases d'imposition retenues, et précise les modalités de calcul du chiffre d'affaires dissimulé, satisfaisant ainsi aux exigences de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales aux termes duquel " Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination ".
S'agissant de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :
9. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition.
10. Il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les chiffres d'affaires et les résultats de l'entreprise individuelle de M. F..., l'administration s'est fondée sur le nombre et la durée des manifestations foraines auxquelles le requérant a participé, la durée des tours, le taux de remplissage ainsi que sur les différents tarifs pratiqués selon les manifestations et les périodes d'exploitation. Les propositions de rectification notifiées au requérant exposent que ces renseignements sont issus, outre des déclarations et informations provenant de M. F... lui-même, des éléments fournis, à la suite de l'exercice du droit de communication, par des communes et des organisateurs privés, dont les coordonnées sont reportées dans un tableau reproduit en annexe, ainsi que par les établissements bancaires détenteurs des comptes de l'intéressé et enfin des informations recueillies sur les forum du site spécialisé powermax.org et des vidéos postées sur youtube.com, effectuées à la Foire de mars à Troyes et à la foire de Lille (Lille aux Manèges), dans lesquelles M. F... décrit l'attraction, dénommée " Fly zone ", dont il est l'unique exploitant en France, ainsi que ses modalités d'exploitation. Si le vérificateur n'a pas indiqué les références exactes des vidéos consultées sur le site youtube.com et des conversations reproduites sur les forums du site powermax.org, les informations données par les propositions de rectification relatives au contenu de ces vidéos et conversations étaient suffisamment précises pour permettre à l'intéressé de les identifier, de les discuter et d'en demander, le cas échéant, la communication. Dans ces conditions, les obligations qui découlent des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales n'ont pas été méconnues.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les impositions assignées selon la procédure contradictoire :
S'agissant de la reconstitution de chiffre d'affaire et de résultats :
11. Il résulte de l'instruction que, pour déterminer le chiffre d'affaires et les résultats de l'entreprise exploitée par M. F..., le vérificateur a, dans un premier temps, recherché le nombre et la durée des manifestations foraines auxquelles ce dernier a participé. Il a, ensuite, calculé le nombre de tickets délivrés, en tenant compte des capacités de l'attraction exploitée, du taux de remplissage et de la durée des tours, en distinguant selon les périodes de forte ou de faible fréquentation et des disparités entre les week-ends et jours fériés et les jours de semaine. Enfin, il a appliqué au nombre de tours ainsi calculé les différents tarifs pratiqués selon les manifestations. Il a retenu des abattements liés aux offerts, aux aléas climatiques et aux incidents techniques, et a tenu compte des charges qui étaient justifiées. Il a ainsi évalué le chiffre d'affaires de la période correspondant à l'année 2013 à 189 058 euros et les recettes omises à 120 759 euros, 92 034 et 97 808 euros au titre, respectivement, des années 2011, 2012 et 2013.
12. M. F... soutient que l'administration supporte la charge de la preuve du bien-fondé des impositions en cause, qui lui ont été notifiées selon la procédure contradictoire, et que les sites internet dont l'administration fait état ne permettent pas d'établir le prix de 6 euros par billet retenu par le vérificateur. Il résulte toutefois de l'instruction, et, notamment, des termes mêmes des propositions de rectification notifiées au requérant, que, pour procéder à la reconstitution des chiffres d'affaires et des résultats de M. F..., l'administration, se fondant sur les déclarations de l'exploitant et sur les éléments recueillis sur les forum du site spécialisé powermax.org et des vidéos postées sur youtube.com, a considéré que les tarifs pratiqués étaient, dans la majorité des cas, fixés à 5 euros par tour pour l'année 2011, à l'exception de la Foire de Mars à Troyes, où les tarifs ont été fixés à 6 euros, et à Lille aux Manèges, où le prix du tour a été fixé à 2 euros deux jours par semaine et enfin à la Foire du Trône, où il a été fixé à 3 euros, et, pour les années 2012 et 2013, à 6 euros, à l'exception de la Foire du Trône où il a été fixé à 2,5 euros. Enfin, le vérificateur a ajouté, pour chaque manifestation, une journée par semaine à demi-tarif. Par suite, et contrairement à ce que soutient le requérant, l'administration n'a pas opéré la reconstitution de ses recettes en retenant un tarif par billet de 6 euros. Si le requérant conteste le tarif appliqué, il n'apporte aucune précision ni aucun justificatif issu de sa propre pratique permettant de contredire les éléments retenus par l'administration. Dans ces conditions, cette dernière doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du bien-fondé des redressements notifiés selon la procédure contradictoire.
S'agissant de l'exonération de plus-value réalisée lors de la cession du manège " Boomerang " :
13. Aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa version applicable à l'année 2011 : " (...) II.-Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : a) 250 000 euros s'il s'agit d'entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l'exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d'habitation meublés ou destinés à être loués meublés, ou s'il s'agit d'entreprises exerçant une activité agricole ; b) 90 000 euros s'il s'agit d'autres entreprises ou de titulaires de bénéfices non commerciaux ; 2° Une partie de leur montant lorsque les recettes sont supérieures à 250 000 euros et inférieures à 350 000 euros pour les entreprises mentionnées au a du 1° et, lorsque les recettes sont supérieures à 90 000 euros et inférieures à 126 000 euros, pour les entreprises mentionnées au b du 1° (...) IV.-Le montant des recettes annuelles s'entend de la moyenne des recettes, appréciées hors taxes, réalisées au titre des exercices clos, ramenés le cas échéant à douze mois, au cours des deux années civiles qui précèdent la date de clôture de l'exercice de réalisation des plus-values. (...) Lorsque le contribuable exerce plusieurs activités, il est tenu compte du montant total des recettes réalisées dans l'ensemble de ces activités. ".
14. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté que M. F... avait, dans sa déclaration n° 2031 de bénéfices industriels et commerciaux de l'année 2011, déclaré que la plus-value, d'un montant de 141 067 euros, réalisée lors de la cession de l'attraction " Boomerang " était exonérée d'impôt sur le revenu en application de l'article 151 septies du code général des impôts. L'administration a remis en cause le bénéfice de cette exonération au motif que les recettes de l'entreprise excédaient le plafond de 90 000 euros prévu au b) du 1° du II de l'article 151 septies du code général des impôts, en se fondant sur les résultats de l'entreprise, tels que reconstitués, réalisés au titre de l'année 2011. Il ressort toutefois des termes mêmes du IV de l'article 151 septies que, pour apprécier le montant de la plus-value éligible au bénéfice de l'exonération, il est tenu compte du montant des recettes annuelles réalisées au titre des exercices clos au cours des deux années civiles précédant la date de clôture de l'exercice de réalisation de la plus-value. Le requérant soutient, sans être contredit, que ses recettes des années 2009 et 2010, qui devaient être prises en compte pour la détermination de l'exonération de la plus-value réalisée à raison de la cession de l'attraction en cause opérée au cours de l'année 2011, et qui s'élèvent, respectivement, à 56 126 euros et 65 242 euros, sont inférieures au seuil de 90 000 euros prévu par le II de l'article 151 septies. Par suite, l'opération en cause entrait dans le champ de l'exonération de plus-value prévue par ces dispositions. Il s'ensuit que M. F... est fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans le bénéfice industriel et commercial de l'année 2011 le montant de la plus-value réalisée lors de la cession de l'attraction " Boomerang ".
S'agissant de la minoration d'actif relative à l'acquisition de l'attraction " Fly zone " :
15. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".
16. Au cours de la vérification de comptabilité, l'administration a constaté que l'attraction " Fly zone " acquise par M. F... en 2011 auprès de la société italienne Technical Park avait été inscrite à l'actif de l'entreprise pour un montant de 450 000 euros alors que sa valeur d'acquisition, telle qu'elle ressortait de la facture d'achat, était de 565 000 euros. Elle a imposé l'écart de prix, soit 115 000 euros, en tant que minoration d'actif, au titre de l'année 2011. Il résulte toutefois des dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts que la sous-évaluation d'un élément d'actif acquis à titre onéreux ne peut avoir une incidence sur les résultats de l'acquéreur que si cette sous-évaluation résulte d'une intention libérale. En l'espèce, M. F... soutient, sans être contredit, que l'inscription du seul montant de 450 000 euros, qui correspond au prix de l'équipement sans prise en compte des options, résulte d'une simple erreur comptable et qu'il n'en est résulté pour lui aucun profit. L'administration n'établit pas, ni même ne soutient, que la comptabilisation de cet équipement à un prix minoré résulterait d'une intention de la société Technical Park d'octroyer, et de M. F... de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. Dans ces conditions, M. F... est également fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré dans son résultat imposable la somme de 115 000 euros au titre de l'année 2011.
S'agissant du passif injustifié :
17. Il appartient au contribuable, pour l'application du 2 de l'article 38 du code général des impôts, de justifier l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
18. Le vérificateur a constaté qu'une somme de 150 000 euros avait été inscrite au passif du bilan de l'entreprise de M. F... au titre de l'année 2011, sous le libellé " financement Boomerang apport parents ". Interrogé sur l'inscription de cette somme au passif du bilan, M. F... n'a pas été en mesure de justifier l'existence de la dette constatée. L'administration a en conséquence imposé cette somme en tant que passif injustifié au titre de l'année 2011. Le requérant soutient que cette écriture résulte d'une double erreur de son comptable, portant sur le nom de la personne lui ayant consenti un prêt, qui serait non pas ses parents mais le vendeur de l'attraction " Boomerang ", et sur le montant de la dette, à savoir 247 000 euros et non 150 000 euros. Toutefois, la facture produite par M. F... ne fait état ni de la somme de 247 000 euros, ni de celle de 150 000 euros. En outre le requérant, qui ne produit au demeurant aucune reconnaissance de dette, ne justifie pas des motifs pour lesquels l'écriture en cause fait état d'une dette à l'égard de ses parents. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a réintégré la somme de 150 000 euros au bénéfice imposable de l'année 2011.
En ce qui concerne les impositions assignées selon la procédure de taxation d'office :
19. M. F..., qui se borne à soutenir que l'administration, pour reconstituer ses chiffres d'affaires, ne pouvait retenir un prix par tour de 6 euros, alors que l'administration n'a globalement pas retenu un tel tarif, et qui ne produit aucun élément résultant de sa propre pratique permettant d'identifier les tarifs pratiqués, n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des impositions qui lui ont été notifiées selon la procédure de taxation d'office.
Sur les majorations :
20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
21. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les compléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquels M. F... a été assujetti au titre des années en litige ont été assortis de la majoration de 40 % du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Si le requérant a été taxé d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l'année 2011, il a déposé tardivement la déclaration correspondante, le 25 juin 2012. Pour justifier l'application de la majoration, l'administration se fonde sur le caractère systématique des anomalies constatées dans la tenue de la comptabilité, et, notamment, sur l'absence de justificatifs des recettes et des charges, sur l'importance et la réitération des minorations de recettes et sur la circonstance que le requérant ne pouvait ignorer la disproportion manifeste entre le montant de ses recettes et celui des impositions qu'il a versées. M. F..., qui demeure responsable de ses déclarations, ne peut utilement soutenir que les anomalies relevées dans sa comptabilité sont uniquement imputables à son expert-comptable. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant établi la volonté du contribuable d'éluder une partie des impositions dont il était redevable, justifiant l'application des majorations pour manquement délibéré.
22. Il résulte de ce qui précède que M. F... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignés au titre de l'année 2011 à raison de la plus-value réalisée lors de la cession de l'attraction " Boomerang " et de la minoration d'actif relative à l'acquisition de l'attraction " Fly zone " et des majorations correspondantes.
Sur les frais liés à l'instance :
23. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. F... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu, de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2011 à raison de la plus-value réalisée lors de la cession de l'attraction " Boomerang " et de la minoration d'actif relative à l'acquisition de l'attraction " Fly zone " et des majorations correspondantes.
Article 2 : Le jugement nos 1703457 - 1703478 du 4 mars 2019 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. F... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... F... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme D..., présidente-assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2021.
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N° 19LY01708
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