Procédure devant la cour
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 28 février 2020, le 14 octobre 2021 et le 13 janvier 2022, ainsi que par deux mémoires non communiqués, enregistrés le 19 janvier 2022 et le 27 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge totale ou au moins partielle de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas été destinataire des propositions de rectification du 9 décembre 2015 ;
- en ce qui concerne le chef de redressement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, la proposition de rectification le concernant est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle se borne à faire référence à la vérification de comptabilité de l'EURL Sarady ;
- son activité d'agent commercial relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non de celle des bénéfices non commerciaux ; d'ailleurs, s'agissant des années 2013 et 2014, le service a renoncé à l'imposition des revenus tirés de cette activité dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
- le service n'apporte pas la preuve de l'existence de revenus distribués par l'EURL Sarady ; en tout état de cause, cette EURL n'étant pas assujettie à l'impôt sur les sociétés en l'absence d'option de l'associé pour une telle imposition, les distributions éventuelles de bénéfices ne sont pas imposables entre ses mains dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;
Par des mémoires, enregistrés le 12 août 2020, le 11 janvier 2022 et le 24 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 12 janvier 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 28 janvier 2022 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, l'instruction a été rouverte pour les éléments demandés le 12 janvier 2022 en vue de compléter l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux, première conseillère,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hakkar, représentant M. B... ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mars 2022, présentée pour M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'une vérification de comptabilité de l'EURL Sarady, qui exerçait une activité de location de terrains et d'autres biens immeubles et dont M. B... était le gérant et associé unique, l'administration a imposé entre ses mains, au titre de l'année 2012, sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts, les sommes prélevées par ce dernier sur les comptes bancaires de la société. Par ailleurs, l'intéressé, qui exerce à titre individuel une activité d'agent commercial, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle ses bénéfices non commerciaux de l'année 2012, ont été évalués d'office en application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Enfin, l'administration a, au titre de la même année, réintégré dans le revenu imposable de M. B... les revenus fonciers tirés de la location de quatre biens immobiliers dont il est propriétaire. L'intéressé n'ayant souscrit à aucune déclaration de revenus au titre de l'année 2012 malgré une mise en demeure, les cotisations d'impôt sur le revenu, contributions sociales et la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti ont été établies selon la procédure de taxation d'office du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par le b. de l'article 1728 du code général des impôts. Par un jugement du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a réduit la base imposable de l'année 2012 à concurrence d'un montant de 74 471 euros correspondant aux sommes prélevées en 2011 par M. B... sur le compte bancaire de l'EURL Sarady, a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes ainsi que des pénalités y afférentes et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait entièrement droit à sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales que les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office doivent être notifiées au contribuable. D'autre part, en vertu de l'article 5 de l'arrêté du 7 février 2007 pris en application de l'article R. 2-1 du code des postes et des communications électroniques et fixant les modalités relatives au dépôt et à la distribution des envois postaux, en cas d'absence du destinataire à l'adresse indiquée par l'expéditeur lors du passage de l'employé chargé de la distribution, le prestataire de services postaux informe le destinataire que l'envoi postal est mis en instance pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de la présentation de l'envoi postal à son domicile ainsi que du lieu où cet envoi peut être retiré.
3. En cas de contestation de la notification à un contribuable des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office, il incombe à l'administration fiscale d'établir qu'une telle notification a été régulièrement adressée au contribuable et, lorsque le pli contenant cette notification a été renvoyé par le service postal au service expéditeur, de justifier de la régularité des opérations de présentation à l'adresse du destinataire. La preuve qui lui incombe ainsi peut résulter soit des mentions précises, claires et concordantes figurant sur les documents, le cas échéant électroniques, remis à l'expéditeur conformément à la règlementation postale soit, à défaut, d'une attestation de l'administration postale ou d'autres éléments de preuve établissant la délivrance par le préposé du service postal d'un avis de passage prévenant le destinataire de ce que le pli est à sa disposition au bureau de poste.
4. M. B... soutient qu'il n'a pas été destinataire de la proposition de rectification du 9 décembre 2015 lui notifiant les bases d'impositions fixées au titre de l'année 2012, ni de celle du même jour faisant suite à la vérification de comptabilité de son activité d'agent commercial. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'une étiquette adhésive apposée sur chacun des avis de réception des plis contenant les propositions de rectifications du 9 décembre 2015 mentionne que les plis recommandés, adressés à l'adresse personnelle de M. B..., ont été présentés et n'ont pas été réclamés. Si ces avis ne précisent pas la date de présentation des plis au contribuable, l'administration a produit en première instance des attestations établies le 13 janvier 2016 et le 14 mars 2016 par la Poste selon lesquelles ces plis ont été présentés le 10 décembre 2015 à l'adresse du destinataire et que, n'ayant pas été retirés dans le délai de mise en instance qui expirait le 26 décembre 2015, ils ont été retournés au service le 28 décembre suivant. Dans ces conditions, l'appelant doit être regardé comme ayant régulièrement reçu, ainsi qu'il en résulte des mentions figurant sur les plis eux-mêmes, complétées par les attestations des services postaux, la notification des bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office mises à sa charge au titre de l'année 2012.
5. En second lieu, par la proposition de rectification du 9 décembre 2015, l'administration fiscale a notamment inclus dans le revenu taxable de M. B..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, des sommes correspondant à des prélèvements effectués par l'intéressé sur le compte bancaire de l'EURL Sarady. Ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, M. B... n'a pas déposé sa déclaration d'ensemble des revenus relative à l'année 2012 malgré une mise en demeure du 16 septembre 2015. Il a, en conséquence, au titre de cette année, été taxé d'office sur le fondement du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales. Il ne peut dès lors utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 57 de ce livre, dont les dispositions, relatives aux propositions de rectification adressées dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du même livre, ne sont pas applicables.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux :
6. Aux termes du 1. de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ".
7. Il résulte de l'instruction que M. B... a, au cours de l'année 2012, perçu des commissions rémunérant les prestations qu'il avait effectuées pour le compte de deux agences immobilières, l'agence Suzanne Immobilier et l'agence IVV Immosquare. Il a conclu avec cette dernière, le 13 mars 2012, pour une durée indéterminée, un contrat d'agent commercial le chargeant de procéder, au nom et pour le compte du mandant, à la vente de tous biens immobiliers et prévoyant une rétribution sous la forme de commissions consistant en la rétrocession d'un pourcentage fixe des honoraires perçus par l'agence immobilière. Si M. B... allègue avoir exercé, non pas une activité d'agent commercial, mais une activité d'intermédiaire en son nom propre et pour son propre compte, il n'apporte à la cour aucune pièce de nature à l'établir. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que son activité entrait dans le champ du 2° du I de l'article 35 du code général des impôts selon lequel les bénéfices réalisés par les personnes physiques se livrant à des opérations d'intermédiaire pour l'achat, la souscription ou la vente notamment d'immeubles présentent le caractère de bénéfices industriels et commerciaux. C'est par suite à bon droit que l'administration a imposé, au titre de l'année 2012, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les revenus provenant de l'exercice de son activité d'agent commercial. La circonstance que l'administration a prononcé le dégrèvement des impositions mises à sa charge sur le même fondement au titre des années 2013 et 2014 est sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige dans la présente instance.
En ce qui concerne l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :
8. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". Aux termes de l'article 108 de ce code : " Les dispositions des articles 109 à 117 fixent les règles suivant lesquelles sont déterminés les revenus distribués par : (...) 2° Les personnes morales et sociétés en participation qui se sont volontairement placées sous le même régime fiscal en exerçant l'option prévue au 3 de l'article 206 (...) ".
9. D'autre part, l'article 8 du même code prévoit que, à moins d'une option en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est assujetti à l'impôt sur le revenu, pour les bénéfices qu'il en retire, l'associé unique d'une société à responsabilité limité lorsque cet associé est une personne physique. En vertu du e. du 3 de l'article 206 du même code, les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique peuvent être soumises à l'impôt sur les sociétés si elles optent pour leur assujettissement à cet impôt. Pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du code général des impôts et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option.
10. M. B... soutient que l'administration fiscale ne pouvait, sur le fondement du c. de l'article 111 du même code, imposer entre ses mains les sommes prélevées par lui en 2012 sur le compte bancaire de l'EURL Sarady qui n'avait pas exercé l'option pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés. L'administration produit toutefois à l'instance le formulaire Cerfa n° 90-0213 M0, relatif à la création de l'EURL Sarady par M. B..., communiqué par le centre de formalités des entreprises au service des impôts des entreprises de Voiron, et qui comporte dans la rubrique " option(s) fiscale(s) " la mention expresse " régime d'imposition des bénéfices : réel normal IS ". Si l'appelant soutient que cette pièce n'est pas probante à défaut d'avoir été signée de sa main, il ne produit à l'instance aucune pièce de nature à remettre en cause les mentions portées sur ce formulaire et en particulier la déclaration qu'il a lui-même souscrite auprès du centre de formalités des entreprises à l'occasion de la création de son entreprise. En conséquence, son moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne pouvait imposer les revenus litigieux dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts ne peut qu'être écarté.
11. En dernier lieu, si M. B... entend contester l'existence de revenus distribués entre ses mains, il résulte de l'instruction qu'au cours de la vérification de comptabilité de l'EURL Sarady, l'administration a constaté que l'intéressé avait prélevé au cours de l'exercice clos en 2012, d'importantes sommes sur le compte bancaire de l'entreprise et en particulier 128 500 euros le 11 janvier 2012 et 3 000 euros le 12 juillet 2012, sans que la société ne soit en mesure d'expliquer la nature de ces virements ni de fournir des justificatifs concernant ces mouvements financiers. Elle en a déduit que ces sommes représentaient des avantages en nature qui, n'étant pas mentionnés explicitement en comptabilité ainsi que l'exige l'article 54 bis du code général des impôts, constituaient des avantages occultes imposables au nom de M. B..., leur bénéficiaire, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. L'appelant, qui n'apporte pas à la cour davantage d'explication quant à la nature de ces sommes ni aucun justificatif, n'est pas fondé à contester l'existence, ainsi constatée, de revenus distribués entre ses mains.
12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des frais du litige doivent en conséquence être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
Mme Lesieux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2022.
La rapporteure,
S. Lesieux Le président,
D. Pruvost
La greffière,
M.-Th. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY00850