2°) de prononcer la décharge et subsidiairement la réduction de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B... soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ;
- le tableau des éléments évalués n° 2180-SD et la lettre modèle n° 2180 ne comportent pas le visa de l'inspecteur divisionnaire exigé à l'article L. 63 du livre des procédures fiscales ;
- c'est irrégulièrement et au prix d'un détournement de procédure que l'administration a fait usage de la demande de transmission d'informations prévue à l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales alors qu'elle n'avait aucun indice d'une activité lucrative non déclarée ;
- ni l'article L. 81, ni l'article L. 102 du livre des procédures fiscales n'est de nature à autoriser l'administration fiscale à demander à un service de police la liste des véhicules détenus successivement par un contribuable ; l'usage irrégulier du droit de communication par l'administration, en méconnaissance de l'article L. 83 du livre des procédures fiscales, a porté atteinte au respect de sa vie privée ;
- l'exercice du droit de communication n'a pas été porté à sa connaissance, la proposition de rectification n'en faisant pas mention ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors qu'elle n'a pas été destinataire de l'ensemble des informations recueillies par l'administration dans le cadre du droit de communication ;
- l'administration n'a pas tenu compte de sa situation de concubinage et du fait qu'elle détenait conjointement avec son compagnon les véhicules immatriculés à son nom alors que la prise en compte de cet élément conduit au constat que la somme forfaitaire issue du barème de l'article 168 du code général des impôts est inférieure au seuil d'application du régime de taxation forfaitaire fixé par le 1 de l'article 168 du code général des impôts et qu'il convenait de prendre en compte cet élément dans l'appréciation des anomalies de train de vie relevées et, à tout le moins, dans le calcul de la base forfaitaire d'imposition ;
- le prix du véhicule Audi A3 acquis le 4 février 2011 s'élevait à 24 200 euros et non 31 220 euros ; le prix du véhicule Audi TT était de 17 700 euros et non 37 850 euros ; en outre, ils étaient détenus conjointement avec son compagnon, de sorte qu'il n'est pas démontré par l'administration que la somme forfaitaire serait supérieure au seuil d'application du régime de taxation forfaitaire fixé par l'article 168 du code général des impôts ;
- elle a été indemnisée pour le vol du véhicule Austin Mini, ce qui lui a permis de financer en partie son train de vie en 2011 ; son compagnon lui a versé la somme de 20 000 euros pour l'achat de l'un des véhicules en février 2011 ; le véhicule Clio a été cédé en 2012 ; il convient à tout le moins, subsidiairement, de réduire la base imposable qui résulte de la différence entre l'évaluation forfaitaire du revenu d'après le train de vie et d'autre part des revenus dont il a pu être justifié.
Par des mémoires enregistrés le 9 janvier 2019 et le 12 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure d'imposition ne sont pas fondés ;
- il n'est pas établi que le compagnon de Mme B... était titulaire du droit de disposer de tout ou partie de l'appartement constituant sa résidence principale ni des véhicules en litige.
Par des mémoires distincts, enregistrés le 4 mars 2020 et le 25 mai 2020, présentés en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Mme B... demande à la cour administrative d'appel, à l'appui de sa requête n° 18LY03488 tendant à l'annulation du jugement du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 168 du code général des impôts.
Elle soutient que :
- sont satisfaites les conditions requises pour transmettre la question de la conformité de l'article 168 du code général des impôts au principe d'égalité devant les charges publiques et au principe d'égalité devant la loi fiscale, garantis par les articles 13 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce que le 1, qui prévoit que les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d'imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l'année d'imposition, les membres du foyer fiscal désignés aux 1 et 3 de l'article 6 du code général des impôts, institue une discrimination entre les couples mariés ou ayant conclu un pacte civil de solidarité et les personnes en concubinage aboutissant, pour ces dernières, à une imposition confiscatoire sans lien avec leurs facultés contributives ;
- la question, bien que portant sur des dispositions déclarées conformes à la Constitution dans la décision n° 2010-88 QPC du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2011, présente un caractère nouveau eu égard au changement dans les circonstances de droit résultant de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe et de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 instituant un dispositif spécifique de présomption de revenu et de taxation forfaitaire en fonction des éléments de train de vie codifié à l'article 1649 quater-O B bis du code général des impôts.
Par un mémoire enregistré le 18 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics soutient que les conditions de transmission de la question ne sont pas remplies dès lors que :
- les dispositions du 1, du 2 bis et du 2 de l'article 168 du code général des impôts ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel et la question posée ne présente pas un caractère nouveau ;
- elle est dépourvue de caractère sérieux compte tenu de la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans cette décision.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 62 ;
- la décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011 du Conseil constitutionnel ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pruvost, président,
- et les conclusions de Mme F..., rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a été assujettie, au titre des années 2011, 2012 et 2013, à des compléments d'impôt sur le revenu, notifiés selon la procédure contradictoire, résultant de la mise en oeuvre par l'administration de l'article 168 du code général des impôts autorisant l'évaluation forfaitaire des revenus imposables du contribuable d'après certains éléments du train de vie. Elle relève appel du jugement du 12 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de décharge de ces impositions et des compléments de contributions sociales auxquels elle a été assujettie de ce chef.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que la cour administrative d'appel saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Le second alinéa de l'article 23-2 de la même ordonnance précise que : " En tout état de cause, la juridiction doit, lorsqu'elle est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative, d'une part, aux droits et libertés garantis par la Constitution et, d'autre part, aux engagements internationaux de la France, se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil d'Etat (...) ".
3. Aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après (...) / Les éléments dont il est fait état pour la détermination de la base d'imposition sont ceux dont ont disposé, pendant l'année de l'imposition, les membres du foyer fiscal désignés au 1 et 3 de l'article 6. / Pour les éléments dont disposent conjointement plusieurs personnes, la base est fixée proportionnellement aux droits de chacun d'entre elles. / Les revenus visés au présent article sont ceux qui résultent de la déclaration du contribuable et, en cas d'absence de déclaration, ils sont comptés pour zéro. / (...) / 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus au 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. / 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ".
4. Le Conseil constitutionnel, par une décision n° 2010-88 QPC du 21 janvier 2011, a, dans ses motifs et son dispositif, déclaré les dispositions précitées du 1, du 2 bis et du 3 de l'article 168 du code général des impôts conformes à la Constitution en assortissant la déclaration de conformité d'une réserve, énoncée au considérant 8 de cette décision, selon laquelle les dispositions du 3 ne font pas obstacle à ce que le contribuable, pour contester les bases d'imposition retenues par l'administration, apporte la preuve que le financement des éléments de train de vie qui ont été retenus pour l'application du barème n'implique pas la perception des revenus définis forfaitairement. La loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 instituant un dispositif spécifique de présomption de revenu et de taxation forfaitaire en fonction des éléments de train de vie, codifié à l'article 1649 quater-O B bis du code général des impôts, qui est intervenue antérieurement à cette décision, ne saurait constituer une circonstance nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel. Ne présente pas davantage un tel caractère la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, qui n'a eu ni pour objet ni pour effet de modifier le champ d'application des dispositions en litige. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article 168 du code général des impôts porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
5. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.
7. Il ressort de la proposition de rectification du 26 novembre 2014 adressée à Mme B... et de la notification d'évaluation forfaitaire minimale du revenu imposable qui l'accompagnait que l'administration a retenu comme éléments de son train de vie, outre la résidence principale dont elle disposait à Crolles (Isère) au cours des trois années en litige, quatre véhicules automobiles acquis par elle en 2009, 2011 et 2012 en indiquant, pour chaque véhicule, la date d'acquisition, et, le cas échéant, celle de la revente, la date de mise en circulation ainsi que l'origine et la teneur des informations au moyen desquelles elle a déterminé leur valeur. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 10 février 2015, le conseil de Mme B... a demandé à l'administration fiscale que lui soient communiqués " la copie des documents sur lesquels se fondent l'ensemble des rectifications " et " la copie de l'ensemble des documents obtenus de tiers ou à la disposition de l'administration qui fondent les rappels ". Le 26 février 2015, l'administration a transmis au conseil de Mme B... dix annexes parmi lesquelles figure un courrier du contrôleur principal des finances publiques au directeur départemental de la sécurité publique, daté du 24 octobre 2014, l'invitant, en application du droit de communication, à produire " la liste des véhicules détenus depuis 2010 par Mme C... B... ". Le ministre ne conteste pas que les informations transmises par les services de police à l'administration fiscale à la suite de cette lettre n'ont pas été communiquées à Mme B... avant la mise en recouvrement des impositions. Or, c'est sur la base de cette réponse qu'ont été identifiés les véhicules détenus par la requérante au cours des années en litige et, partant, qu'a été mise en évidence la disproportion marquée entre son train de vie et ses revenus exigée par l'article 168 du code général des impôts et qu'ont été fixées ses bases forfaitaires d'imposition. Ainsi, et alors même que Mme B... avait nécessairement connaissance des véhicules qu'elle a détenus entre 2010 et 2014, l'administration devait lui communiquer la réponse de la direction départementale de la sécurité publique afin de lui permettre d'en discuter la teneur ou la portée. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de communiquer la copie de cette réponse, l'administration a entaché la procédure d'imposition suivie à son encontre d'une irrégularité.
8. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de Mme B... et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés dans l'instance.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B....
Article 2 : Le jugement n° 1604161 du 12 juillet 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : Mme B... est déchargée des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mis à sa charge au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme A... présidente-assesseure,
Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique le 30 juin 2020.
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N° 18LY03488
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