Par une requête, enregistrée le 14 juin 2017, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2016 de la préfète de la Région Bourgogne et Franche-Comté, préfète de la Côte-d'Or ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, la préfète ayant omis de statuer sur sa demande d'admission au séjour en qualité de commerçant sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- à la date de l'arrêté attaqué, la preuve de la notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile datée du 7 juillet 2015 n'est pas apportée et ne lui est pas opposable ; la décision de refus de séjour fondée sur une décision de la Cour nationale du droit d'asile non régulièrement notifiée est entachée d'erreur de droit ;
- le refus de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à la durée non contestée et aux conditions de son séjour sur le territoire français ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant son admission au séjour ;
- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard des risques encourus en cas de retour en Turquie du fait de son origine kurde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 août 2017, la préfète de la Région Bourgogne et Franche-Comté, préfète de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.
La préfète soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant turc d'origine kurde né le 30 novembre 1979, est, selon ses dires, entré irrégulièrement en France le 12 décembre 2011 et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié auprès de la préfecture de la Côte-d'Or le 5 janvier 2012. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile par décision du 19 septembre 2013, notifiée le 23 janvier 2014. Le recours de M. D... déposé devant la Cour nationale du droit d'asile a été rejeté par décision du 7 juillet 2015. M. D... a déposé le 18 février 2016 une demande d'admission au séjour en qualité de commerçant sur le fondement de l'article L. 313-2, 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a fait l'objet d'un refus d'enregistrement par les services préfectoraux de la Côte-d'Or au motif que l'intéressé n'avait pas produit de visa de long séjour. M. D... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Dijon qui, par jugement du 20 décembre 2016, a rejeté sa demande. Par l'arrêté litigieux du 17 novembre 2016, la préfète de la Côte-d'Or, prenant acte du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile devenu définitif, a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant la Turquie comme pays de destination. Par jugement du 18 mai 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté pour excès de pouvoir. Par la présente requête, M. D... relève appel de ce jugement.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour doit justifier, pour obtenir ce titre, qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues par le présent code. ". Aux termes de l'article L. 311-7 du même code, issue de l'article 3 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006, abrogé au 1er novembre 2016 par l'article 20 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, et alors applicable : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 313-2 du même code dans sa version en vigueur à la date de la demande d'enregistrement de sa demande de carte de séjour en qualité de commerçant : " Sous réserve des obligations internationales de la France, l'octroi de la carte de séjour temporaire peut être subordonné à la production par l'étranger d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 313-10 de ce même code, dans sa rédaction applicable le 2 mars 2016 : " La carte de séjour temporaire délivrée à l'étranger qui désire exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifie avoir obtenu cette autorisation porte la mention de cette activité, conformément aux lois et règlements en vigueur. ". Il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile n'est recevable à solliciter une carte de séjour à un autre titre que si, à la fois, sa demande d'asile a été définitivement rejetée et il remplit toutes les conditions d'obtention de ce titre prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Aucune disposition ne fait obstacle à ce que le préfet statue sur la demande d'admission au titre de l'asile d'un étranger avant que la décision de rejet de la Cour nationale du droit d'asile ne lui soit notifiée. En revanche, son éloignement ne peut intervenir avant notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, l'étranger ayant saisi cette cour peut se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de sa décision de rejet, sauf lorsque sa demande d'asile a été classée en procédure prioritaire.
4. Aux termes de l'article R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur la demande d'asile de M. D... : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police ainsi que le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. La cour communique au préfet compétent et, à Paris, au préfet de police, lorsque ceux-ci en font la demande, copie de l'avis de réception. ". aux termes de l'article R. 213-3 du même code, alors applicable : " (...) L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. (...) ". La notification avec accusé réception par lettre recommandée prévue par les dispositions précitées a pour objet d'apporter la preuve de la réception par le destinataire, notamment lorsque cette notification fait courir des délais opposables à l'intéressé. Si l'article R. 733-32 du code précité dispose que la décision par laquelle la Cour nationale du droit d'asile statue sur une contestation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides doit être notifiée au demandeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postal, une telle disposition ne rend pas irrégulière une notification par un autre procédé présentant des garanties équivalentes.
5. Au cas d'espèce, si l'intéressé fait voir que la décision du 7 juillet 2015 de la Cour nationale du droit d'asile est antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 pris pour l'application de la loi portant réforme du droit d'asile du 29 juillet 2015 et que les dispositions de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issues de ce décret ne sont pas invocables et ne sont pas rétroactives, cette circonstance est sans incidence sur le caractère régulier de la notification par voie administrative le 9 septembre 2016, par remise en mains propres au guichet de la préfecture d'une copie authentique, dans une langue qu'il est à même de comprendre de la décision dont il a signé toutes les pages, cette notification étant accompagnée de la mention des voies et délais de recours, qui assure le caractère effectif de la notification de la décision à l'intéressé. Le moyen tiré de ce que faute de lui avoir été notifiée par voie postale en recommandé avec accusé réception, la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 juillet 2015 serait intervenue irrégulièrement et entacherait la légalité du refus de titre de séjour attaqué est, par suite, infondé alors d'ailleurs qu'il ressort des pièces du dossier que la Cour nationale du droit d'asile a vainement tenté de procéder à cette notification par recommandé avec accusé réception.
6. M. D... ne peut utilement soutenir que la notification tardive de la décision du 7 juillet 2015 de la Cour nationale du droit d'asile confirmant le rejet de sa demande d'asile ne permettait pas à la préfète de la Côte-d'Or de refuser son admission au séjour au titre de l'asile, alors au demeurant et en tout état de cause que cette notification effectuée par voie administrative au guichet de la préfecture le 9 septembre 2016 est intervenue antérieurement à la décision attaquée de refus de séjour par arrêté préfectoral du 17 novembre 2016.
7. M. D... soutient que la décision refusant son admission au séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation dès lors que la préfète ayant omis de statuer sur sa demande d'admission au séjour en qualité de commerçant sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, le refus de séjour attaqué se prononce uniquement sur la demande d'admission de l'intéressé au séjour au titre de l'asile. Dès lors que, par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire lui avaient été refusés, la préfète de la Côte-d'Or était tenue de refuser à M. D... la délivrance des titres de séjour prévus à l'article L. 313-13 et au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce. La préfète de la Côte-d'Or se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser son admission au séjour, le moyen tiré du défaut de d'examen particulier de sa situation est, au cas d'espèce, inopérant.
8. Le moyen tiré du refus d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité de commerçant présentée le 18 février 2016 sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision attaquée par laquelle la préfète de la Côte-d'Or s'est prononcée sur une demande de titre de séjour au titre de l'asile.
9. M. D... se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire français et de son intégration professionnelle en faisant valoir qu'il a créé une société de nettoyage de véhicules et de vente de véhicules et de pièces détachées. Toutefois, nonobstant la présence de sa soeur sur le territoire français en situation régulière, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est entré irrégulièrement en France en décembre 2011 à l'âge de trente-deux ans, qu'il est célibataire et sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et où il a vécu l'essentiel de son existence. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour sur le territoire français, en refusant de régulariser son droit au séjour, la préfète de la Côte-d'Or n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".M. D... s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.
11. Il résulte de l'examen de la légalité de la décision par laquelle la préfète de la Cote-d'Or a refusé un titre de séjour à M. D... que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus d'admission au séjour au titre de l'asile à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. A supposer que M. D... ait entendu soulever le moyen tiré de la notification tardive de la décision de la Cour nationale du droit d'asile pour contester l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet au motif qu'elle serait prématurée, il ressort des pièces du dossier, comme il a été dit précédemment que la décision litigieuse est intervenue postérieurement à la notification régulière de la décision de la Cour nationale du droit d'asile confirmant le rejet de sa demande d'asile. Dans ces conditions, M. D... entrait dans le cas de l'étranger ayant fait l'objet d'un refus de titre de séjour au titre de l'asile à l'égard duquel, le préfet est susceptible, en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de décider de l'obliger à quitter le territoire français.
13. Le refus d'enregistrement de sa demande de titre de séjour en qualité de commerçant présentée le 18 février 2016 sur le fondement du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges à l'encontre desquels le requérant ne formule aucune critique de nature à justifier la réalité et le caractère personnel et actuel des risques encourus en cas de retour en Turquie du fait de son origine kurde, motifs qu'il y a, par suite, lieu pour la cour d'adopter, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigé contre la décision fixant le pays de destination doit être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de la Région Bourgogne et Franche-Comté, préfète de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 11 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président,
Mme Menasseyre, présidente assesseure,
Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique le 2 octobre 2018.
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N° 17LY02379