Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2015, M.C..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Côte-d'Or du 23 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour et de lui délivrer sous quarante-huit heures un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, le versement d'une somme de 1 300 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, le versement d'une somme de 1 300 euros à son profit au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. C... soutient que :
sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle n'est pas fondée car il peut bénéficier d'un titre de séjour à titre exceptionnel ou sur le fondement de la " circulaire Valls " ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 313-3 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour au motif que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ;
sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- l'obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la décision portant obligation de présentation dans l'attente du départ :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2016, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Claisse et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. C...pour être versée à l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- M. C...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales issues de la circulaire du 28 novembre 2012 ;
- les moyens tirés d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation ne sont pas fondés ;
- les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues car le comportement de M. C...constitue une menace pour l'ordre public ; au surplus, l'intéressé ne peut bénéficier d'une régularisation exceptionnelle au séjour par le travail car il ne justifie pas d'une compétence particulière ou d'une expérience significative pour l'activité " d'agent de production " pour laquelle il présente un contrat de travail et ne justifie pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels.
Par ordonnance du 29 mars 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2016 à 16h30.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;
1. Considérant que M. C..., ressortissant sénégalais, né le 1er janvier 1988, est entré en France le 21 septembre 2006 pour y effectuer des études ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour étudiant du 2 octobre 2006 au 18 juillet 2011 ; qu'il a ensuite bénéficié d'une carte de séjour " vie privée et familiale " pour raisons médicales jusqu'en avril 2014 ; que, par arrêté du 2 février 2015, il a fait l'objet d'un refus de renouvellement de son titre de séjour sollicité en qualité d'étranger malade et d'un refus de délivrance d'une carte de résident " de longue durée-CE ", assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il a sollicité le 2 mars 2015 son admission exceptionnelle au séjour ; que, par arrêté du 23 avril 2015, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et l'a soumis à une obligation de présentation dans l'attente de son départ ; que M. C...relève appel du jugement du 16 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L.- 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;
3. Considérant que, pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M.C..., le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé, d'une part sur la circonstance que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public et, d'autre part, sur le fait qu'il n'a fait valoir aucun motif exceptionnel et n'a invoqué aucune considération humanitaire justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, par la seule condamnation dont il a fait l'objet dont la mention a été effacée du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, le comportement de M. C...aurait constitué une menace pour l'ordre public ; que, dès lors, c'est à tort que le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur ce motif pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ; que, toutefois, en se prévalant de la durée de sa présence en France, effectuée en partie sous couvert de titre de séjour " étudiant " ou pour des motifs médicaux, de ce qu'il n'est pas dépourvu d'attaches personnelles et familiales en France, de sa connaissance de la langue française, de ses formations, de son activité professionnelle, de la détention d'un contrat de travail à durée indéterminée établi le 1er décembre 2014 pour un emploi " d'agent de production " par la société RLD Centre Est et du dépôt par cette société, le 23 février 2015, d'une " demande d'autorisation de travail pour un salarié étranger " présentée en sa faveur, M. C... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif légal ; que, dès lors, il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant à M. C...une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...ne peut utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que M. C...fait valoir qu'à la date de la décision litigieuse, il résidait en France depuis près de neuf ans, qu'il parle français, a tissé en France des liens personnels, y a de la famille, y a fait des études, suivi des formations professionnelles et dispose d'un logement ; que, toutefois, les titres de séjour qui lui ont été accordés ne lui donnaient pas vocation à demeurer durablement sur le territoire français, qu'il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Sénégal où résident ses proches, soit ses parents et quatre de ses six frères et soeurs et où il a passé l'essentiel de son existence ; que, dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que le préfet de la Côte-d'Or n'a, ainsi, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;
9. Considérant que, M. C...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
10. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
11. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant M. C... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant des décisions fixant le pays de destination et imposant des obligations à M. C... dans l'attente de son départ :
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination et contre la décision lui imposant des obligations dans l'attente de son départ ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.C..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante verse au conseil de M. C...ou à M. C...une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
16. Considérant, en second lieu, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme de 500 euros demandée par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
M. Fraisse, président de la cour,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.
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N° 15LY03816