Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2015, et un mémoire, enregistré le 15 décembre 2015, Mme D... épouseE..., représentée par Me G...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 28 avril 2015 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du préfet de la Côte-d'Or en date du 11 septembre 2014 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour, et sous quarante huit heures un récépissé ; à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale pour donner à la cour les éléments lui permettant d'apprécier les conséquences d'un retour dans son pays d'origine au regard de sa santé, notamment au regard de l'absence de traitement approprié à sa pathologie et de dire que les frais d'expertise seront pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle ;
4°) à titre principal, de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, une somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, à titre subsidiaire, de mettre à la charge de l'Etat à son profit une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme E...soutient que :
- son appel est recevable comme non tardif ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation personnelle avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ;
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle établit qu'elle ne peut bénéficier d'une prise en charge pérenne et continue en l'absence des médicaments et des structures médicales qui lui sont nécessaires dans son pays d'origine ; elle méconnaît aussi l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour qui la fonde ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de son renvoi est illégale de par l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car le retour au Kosovo où elle ne peut être soignée lui ferait courir un risque vital.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2015, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Maître B...C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
le préfet soutient que :
- la requête est irrecevable en ce qu'elle n'est pas accompagnée de la lettre de notification du jugement contesté qui lui a été adressée par le tribunal administratif de Dijon alors que Mme E...a déposé sa requête le 5 juin 2015, soit une fois le délai expiré ;
- les moyens invoqués par Mme E...ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 11 janvier 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 8 février 2016, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Mme F... E...et M. H...E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur.
1. Considérant que Mme F...E..., ressortissante kosovare, née le 10 juin 1979, est, selon ses déclarations, entrée en France en compagnie de son mari, le 2 avril 2013 ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 8 novembre 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 7 mai 2014 ; qu'elle a sollicité le 26 mai 2014 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit ; que, par arrêté du 11 septembre 2014, le préfet de la Côte-d'Or lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de son renvoi et lui a fait obligation de se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Dijon, d'y justifier de ses diligences dans la préparation de son départ et de remettre à ce service son passeport original et sa carte nationale d'identité ; que Mme E...relève appel du jugement du 28 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du préfet de la Côte-d'Or ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de la Côte-d'Or tirée de l'irrecevabilité de la requête :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. Considérant que si Mme E...entend soutenir que le préfet de la Côte-d'Or n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation personnelle et familiale, il ressort des termes mêmes de la décision en cause que son moyen manque en fait et doit, par suite, être écarté ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que pour refuser à Mme E...un titre de séjour au titre des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11, le préfet de la Côte-d'Or s'est notamment fondé sur l'avis rendu le 20 août 2014 du médecin de l'agence régionale de santé ; qu'il résulte de cet avis que si " l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences graves sur son état de santé, un traitement spécifique est réalisable dans son pays d'origine " ; que MmeE..., qui souffre d'une cirrhose auto-immune avec cirrhose biliaire primitive, soutient qu'au Kosovo, ses médecins " lui ont proposé une greffe du foie qui n'est pas possible dans ce pays " et qu'il n'y existe pas les structures médicales et les médicaments qui lui sont nécessaires pour un suivi régulier et pérenne ; que, toutefois, il ressort des télégrammes diplomatiques relatifs aux capacités locales de soins au Kosovo, dont celui du 22 août 2010, produits au dossier par le préfet, qu'il existe dans ce pays des structures médicales pouvant prendre en charge Mme E...et lui assurer les soins et les examens de suivi dont elle a besoin ; que l'attestation produite par la requérante établie le 30 septembre 2014 par un responsable du ministère de la santé du Kosovo, dont il résulte que deux des médicaments qui lui sont prescrits en France ne sont pas vendus au Kosovo, n'est pas suffisante pour établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement médicamenteux approprié à son état de santé dans son pays d'origine, contrairement à l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des certificats médicaux qu'elle joint au dossier que son état de santé nécessiterait actuellement une greffe du foie ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de faire procéder à une expertise, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision litigieuse, MmeE..., entrée en France, à l'âge de trente trois ans, n'y résidait, selon ses dires, que depuis un an et 5 mois ; que son mari a également fait l'objet d'une décision du même jour portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ; que si Mme E... fait valoir que son frère réside régulièrement en France, elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Kosovo où résident ses parents ; que, dans ces conditions, compte tenu notamment de la durée et des conditions du séjour en France de MmeE..., la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure ; que Mme E... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que cette décision a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme E... s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;
9. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
10. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant Mme E... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1°) A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou la commission de recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2°) Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3°) Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
13. Considérant que MmeE..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, soutient que ne pouvant être soignée au Kosovo, un retour dans son pays, l'exposerait à des traitements inhumains et à un risque vital ; que, toutefois, pour les mêmes motifs que ceux susmentionnés, il n'est pas établi que la requérante ne pourrait pas bénéficier au Kosovo d'un traitement approprié à son état de santé ; que, par suite, son moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de son renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeE..., n'appelle pas de mesures d'exécution ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
16. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante ou son conseil du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme E...et son conseil doivent, dès lors, être rejetées ;
17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme E...une somme quelconque au titre des frais non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées à ce titre par le préfet de la Côte-d'Or doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet de la Côte-d'Or tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D...épouseE... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 21 juin 2016, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.
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N° 15LY01876
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