Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2018, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 10 août 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 juillet 2018 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a décidé sa remise aux autorités suédoises ;
3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale ", subsidiairement, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours, sous astreinte fixée de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- la décision litigieuse méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 4 de la charte des droits fondamentaux et l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dans la mesure où il est certain que la Suède, qui l'a débouté de sa demande d'asile et a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire, le reconduira en Afghanistan ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur concernant le pays responsable de sa demande d'asile, qui était l'Allemagne et non la Suède.
La requête a été communiquée au préfet de la Saône-et-Loire qui n'a pas présenté d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme A..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né en 1994 et de nationalité afghane, déclare être entré en France le 10 février 2018. Le 9 juillet 2018, il a fait l'objet d'une décision de transfert aux autorités suédoises prise par le préfet de Saône-et-Loire. Il relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1. de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
4. M. B... fait valoir que les autorités suédoises ont rejeté sa demande d'asile et qu'en cas de transfert vers la Suède, il sera reconduit en Afghanistan où il encourt des risques pour sa vie, notamment eu égard à la violence extrême qui sévit dans ce pays. Il produit la décision des autorités suédoises lui refusant l'asile et l'obligeant à quitter le territoire. Il produit également un jugement du tribunal administratif de Stockholm, rejetant le recours dirigé contre la décision lui refusant l'asile et l'obligeant à quitter le territoire suédois. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que M. B... aurait interjeté appel contre ce jugement, dont il lui a été indiqué qu'il était susceptible d'appel, alors qu'il n'apporte aucune explication à l'appui de son renoncement à l'exercice de cette voie de recours. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de Saône-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et par les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la charge des droits fondamentaux de l'Union européenne doit également être écarté.
5. En second lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge (...) le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".
6. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., contrairement à ce qu'il affirme pour la première fois en appel, aurait introduit une demande de protection internationale en Allemagne avant l'introduction de sa demande d'asile en Suède, ni aurait séjourné plus de cinq mois dans cet Etat. En particulier, le résultat du " Hit Eurodac ", dont il ressort que ses empreintes ont déjà été enregistrées en Allemagne le 29 décembre 2015 et en Suède le surlendemain, ne fait pas apparaitre si cet enregistrement a eu lieu à l'occasion de l'interpellation de l'intéressé ou à l'occasion de l'enregistrement de sa demande d'asile. M. B... a par ailleurs déclaré lors de son entretien individuel avoir seulement demandé l'asile en Suède. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur dans la détermination du pays responsable, pour avoir retenu la Suède plutôt que l'Allemagne, doit, en tout état de cause, être écarté.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
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N° 18LY03410
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