Procédure devant la cour
Par un recours enregistré le 14 décembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 novembre 2017 ;
2°) de remettre à la charge de la SASP ASM Clermont Auvergne ces impositions et pénalités ;
3°) de décider que la SASP ASM Clermont Auvergne reversera la somme de 1 000 euros qui lui a été allouée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- la SASP ASM Clermont Auvergne fournit un service déterminé dont l'association sportive montferrandaise tire un avantage consistant à bénéficier de la mise à disposition de joueurs " espoirs ", la circonstance que ce dispositif ait pour but de se conformer aux règles édictées par la Fédération française de rugby et la Ligue nationale de Rugby étant sans incidence pour apprécier l'existence d'une prestation de service individualisable ;
- le prix de la prestation est en relation avec le service rendu, quand bien-même elle serait facturée à pris coûtant ou même à perte ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il convient d'écarter le moyen tiré de ce que la procédure serait irrégulière faute de saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, celle-ci n'ayant pas été compétente en l'espèce s'agissant du principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des opérations en cause.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2018, la SASP ASM Clermont Auvergne conclut au rejet du recours du ministre et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SASP ASM Clermont Auvergne soutient que :
- elle a agi en qualité d'intermédiaire transparent entre l'association ASM et les joueurs " espoirs " et les frais refacturés constituent donc des débours, qui ne doivent pas être pris en compte dans l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, en application du II de l'article 267 du code général des impôts ;
- la procédure est irrégulière faute de saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du sport ;
- la convention collective du rugby professionnel ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), sur les périodes allant du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006, et du 1er juillet 2006 au 30 juin 2009, l'administration fiscale a rectifié le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée par la société anonyme sportive professionnelle (SASP) ASM Clermont Auvergne, au motif que la refacturation à l'association du même nom des rémunérations versées par cette SASP aux joueurs espoirs constituait le prix d'une prestation de service entrant dans le champ de la TVA. La SASP ASM Clermont Auvergne a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie en conséquence. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a fait droit à cette demande.
2. D'une part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 266 de ce code : " La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations (...) ". Il résulte de ces dispositions, prises pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 2 et au paragraphe 1 de l'article 11 A de la sixième directive du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, tels que la Cour de justice de l'Union européenne les a interprétés, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées, en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 122-1 du code du sport qui dispose : " Toute association sportive affiliée à une fédération sportive, qui participe habituellement à l'organisation de manifestations sportives payantes qui lui procurent des recettes d'un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ou qui emploie des sportifs dont le montant total des rémunérations excède un chiffre fixé par décret en Conseil d'Etat, constitue pour la gestion de ces activités une société commerciale soumise au code de commerce. / Une association sportive dont le montant des recettes et le montant des rémunérations mentionnées au premier alinéa sont inférieurs aux seuils visés au même alinéa peut également constituer une société sportive pour la gestion de ses activités payantes, dans les conditions prévues à la présente section. ". Aux termes de l'article 2.2.3 du chapitre 2 du titre II de la convention collective du rugby professionnel : " Seuls les Clubs ayant un centre de formation agréé par le Ministre chargé des sports conformément aux dispositions de l'article L. 211-4 du Code du sport peuvent conclure un contrat de joueur espoir. / Seule la société sportive est habilitée à conclure des contrats de joueurs espoir et ce même si le centre de formation relève de l'association. ".
4. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'afin de se conformer aux dispositions précitées, l'association ASM Clermont Auvergne a créé une société anonyme sportive professionnelle, SASP, du même nom en vue de lui confier certaines activités qu'elle exerçait jusqu'alors. Conformément aux prévisions de la convention collective précitée, la SASP a conclu avec les jeunes joueurs considérés comme " espoirs ", des contrats prévoyant leur rémunération, en contrepartie de laquelle ils s'engageaient à participer aux entrainements dispensés par l'association. La prise d'effet de ces contrats était subordonnée à la conclusion d'une convention de formation signée avec ladite association. Cette convention de formation prévoyait notamment que les joueurs espoirs signant par la suite un contrat de joueur professionnel devraient reverser à l'association une partie des frais de formation supportés par elle, sauf en cas de signature d'un tel contrat avec la SASP. La coexistence de ces deux types de contrats ayant eu pour objet la formation de jeunes joueurs par l'association ASM Clermont Auvergne, à ses frais, en vue notamment de constituer un vivier pour la SASP ASM Clermont Auvergne, cette dernière n'a fourni aucune prestation de services à ladite association. En particulier, la SASP ASM Clermont Auvergne ne peut être regardée comme ayant mis à disposition de l'association des salariés qui auraient eu en principe vocation à travailler pour son compte, l'objet des contrats dits " espoirs " passés avec les jeunes joueurs étant précisément leur formation par l'association. La circonstance que, dans les faits, l'association ASM Clermont Auvergne a décidé de prendre également à sa charge, outre les frais de formation ainsi que prévu dans les conventions de formation, le montant des rémunérations des jeunes joueurs, via un remboursement à la SASP ASM Clermont Auvergne du montant correspondant, en dehors d'ailleurs de tout formalisme, ne permet pas davantage de caractériser, en l'espèce, une prestation de services fournie par la SASP à l'association. La convention passée entre ces deux structures afin de définir la répartition des activités sportives du club ne fait, par ailleurs, pas ressortir d'engagements réciproques qu'elles auraient consentis l'une envers l'autre au sujet de la formation des joueurs " espoirs ". Il suit de là que les flux financiers en litige n'entraient pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, défini par les dispositions précitées des articles 256 et 266 du code général des impôts.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de la SASP ASM Clermont Auvergne.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SASP ASM Clermont Auvergne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SASP ASM Clermont Auvergne.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme A..., première conseillère.
Lu en audience publique le 23 avril 2019.
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N° 17LY04235
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