Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Charny Orée de Puisaye.
Il soutient que :
- ses décisions ne sont pas entachées d'erreur de droit, dès lors que les principes de plafonnement pour la dotation nationale de péréquation et la dotation de solidarité nationale s'appliquent aux communes nouvelles ;
- l'exonération de l'application du plafond aux communes nouvelles créerait une rupture d'égalité avec les autres communes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2018, la commune de Charny Orée de Puisaye conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C..., présidente-assesseure,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye, créée le 1er janvier 2016 à la suite de la fusion de quatorze communes a demandé au tribunal administratif de Dijon l'annulation des décisions du 13 mai 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne lui a notifié le montant de la dotation de solidarité rurale et de la dotation nationale de péréquation accordé au titre de l'année 2016, ensemble la décision du 20 septembre 2016 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 octobre 2017 qui a annulé ces décisions.
En ce qui concerne la dotation nationale de péréquation :
2. Aux termes de l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable au litige : " I. - La dotation nationale de péréquation comprend une part principale et une majoration. II. - Cette dotation est répartie entre les communes dans les conditions précisées aux III, IV, V et VI (...) VI. - A compter de 2012, l'attribution au titre de la part principale ou de la part majoration de la dotation nationale de péréquation revenant à une commune éligible ne peut être ni inférieure à 90 %, ni supérieure à 120 % du montant perçu l'année précédente. (...) ". Aux termes de l'article L. 2113-22 du même code : " Les communes nouvelles sont éligibles aux dotations de péréquation communale dans les conditions de droit commun. Toutefois, elles perçoivent à compter de l'année de leur création une attribution au titre de la dotation de solidarité rurale au moins égale à la somme des attributions perçues au titre de chacune des trois fractions de la dotation de solidarité rurale par les communes anciennes, l'année précédant la création de la commune nouvelle (...). Au cours des trois années suivant leur création, les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, perçoivent des attributions au titre des deux parts de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et de la dotation de solidarité rurale au moins égales aux attributions perçues au titre de chacune de ces dotations par les anciennes communes l'année précédant la création de la commune nouvelle (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les communes nouvelles créées au plus tard le 1er janvier 2016 et regroupant soit une population inférieure ou égale à 10 000 habitants, soit toutes les communes membres d'un ou de plusieurs établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, sont éligibles aux dotations de péréquation communale dans les conditions de droit commun fixées notamment par l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales. Par conséquent, elles sont en principe soumises au dispositif d'encadrement de l'évolution de la dotation nationale de péréquation d'une année à l'autre prévu par le VI de cet article. Toutefois, d'une part, ce dispositif ne peut trouver à s'appliquer aux communes nouvelles l'année de leur création, dès lors que celles-ci n'ont pu, en tant que telles, percevoir de dotation de péréquation l'année précédente et, d'autre part, ce dispositif ne saurait avoir pour effet de priver les communes nouvelles de la garantie du maintien des dotations au cours des trois années suivant leur création prévue par l'article L. 2113-22 du code général des collectivités territoriales. L'exonération d'application du mécanisme du plafond aux communes nouvelles la première année de la création ne constitue pas une rupture d'égalité avec les autres communes qui sont dans une situation différente dès lors qu'elles existaient l'année précédant la perception de la dotation. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Dijon a considéré qu'en appliquant à la dotation nationale de péréquation de la commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye, au titre de l'année 2016, année de sa création, le plafond prévu par le VI de l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales, le préfet de l'Yonne a commis une erreur de droit.
En ce qui concerne la dotation de solidarité rurale :
4. Aux termes de l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales, à compter de 2012, l'attribution de la première fraction de la dotation de solidarité rurale " ne peut être ni inférieure à 90 % ni supérieure à 120 % du montant perçu l'année précédente ".
5. Il est constant que le mécanisme de plafonnement a été appliqué au titre de la dotation de solidarité rurale " Bourg centre " et de la fraction péréquation de cette dotation pour la première année de la création de la commune en 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 et des dispositions précitées qui s'appliquent à l'ensemble des dotations de péréquations nationales dont la dotation de solidarité rurale que le mécanisme de plafonnement ne pouvait être appliqué au titre de l'année 2016, première année de création. L'exonération d'application du mécanisme du plafond aux communes nouvelles la première année de la création ne constitue pas une rupture d'égalité avec les autres communes qui sont dans une situation différente dès lors qu'elles existaient l'année précédant la perception de la dotation. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Dijon a considéré que le préfet de l'Yonne a commis une erreur de droit en appliquant à la dotation de solidarité nationale de péréquation de la commune nouvelle de Charny Orée de Puisaye le plafond de 100 % du montant perçu l'année précédente.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions du 13 mai 2016 par lesquelles le préfet de l'Yonne a fixé la dotation de solidarité rurale et la dotation nationale de péréquation de la commune de Charny Orée de Puisaye, au titre de l'année 2016 ensemble la décision du 20 septembre 2016 ayant rejeté son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Charny Orée de Puisaye en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la commune de Charny Orée de Puisaye une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à la commune de Charny Orée de Puisaye.
Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. B... A..., présidente de chambre,
Mme D..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 décembre 2019.
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N° 17LY04232