Par jugement n° 1609469 et 1703560 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 et a décidé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement contre les actes pris sur son fondement, cette annulation prendrait effet à compter du 10 janvier 2021, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Solaize et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour
I- Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 mars 2019, 3 décembre 2019 et 12 août 2020, sous le n°19LY00967, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 janvier 2019 ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Solaize et de la société Plymouth Française présentée devant le tribunal administratif.
Le ministre soutient que :
- le jugement attaqué, qui est insuffisamment motivé, est également entaché d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- l'intervention de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat invalide la solution retenue par le tribunal.
Par deux mémoires en intervention, enregistrés le 16 décembre 2019 et le 11 mars 2020, les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations, représentées par Me B..., demandent :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon et de confirmer la régularité de l'arrêté préfet du Rhône du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation, sur le fondement de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, de l'avis de l'autorité de cas par cas concernant le plan ;
3°) de mettre à la charge de la société Plymouth Française la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- du fait de l'intervention de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, l'arrêté du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie doit être regardé comme régulier ;
- il appartiendra en conséquence à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif.
Par deux mémoires en intervention, enregistrés le 16 décembre 2019 et le 11 mars 2020, la société Total Raffinage France, représentée par Me B..., demande :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon et de confirmer la régularité de l'arrêté préfet du Rhône du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la Chimie ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'avis de l'autorité de cas par cas concernant le plan ;
3°) de mettre à la charge de la société Plymouth Française la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- du fait de l'intervention de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat l'arrêté du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie doit être regardé comme régulier ;
- il appartiendra en conséquence à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif.
Par quatre mémoires en réponse et en appel incident, enregistrés le 16 décembre 2019, le 8 janvier 2020, le 15 juin 2020 et le 22 septembre 2020, la société Plymouth Française, représentée par Me C... :
1°) conclut au rejet de la requête du ministre de la transition écologique et solidaire ;
2°) demande à la cour de reformer le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a différé au 10 janvier 2021 l'annulation du plan ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie, au moins en tant qu'il classe l'Ile de la Chèvre à Feyzin en secteur dit d'expropriation, et interdit toute présence humaine permanente sur ce site ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'intervention des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations ne pourra être admise dès lors qu'elles ont fait appel du jugement dans l'instance 19LY00979 ;
- la décision de dispenser d'évaluation environnementale le plan en litige est irrégulière puisque cette décision a été signée par une autorité incompétente, qu'elle n'a pas été précédée d'un examen particulier des incidences du projet sur la santé humaine et l'environnement, qu'elle est entachée d'un défaut d'impartialité et d'objectivité de l'autorité environnementale, que l'agence régionale de santé n'a pas été régulièrement consultée et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les modalités de la concertation étaient insuffisantes et n'ont pas été respectées ;
- les études préalables à la mise en place du secteur d'expropriation de l'Ile de la Chèvre étaient insuffisantes ;
- le zonage retenu est entaché d'irrégularité ;
- la régularisation opérée par le législateur d'une part, porte atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, qui a valeur constitutionnelle et à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'autre part, méconnaît les dispositions la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 et le principe d'effectivité du droit de l'Union européenne ;
- elle ne verrait aucun inconvénient à ce que la cour de justice de l'Union européenne, qui a jugé que la mise à disposition effective de documents pertinents, permettant au public concerné d'exercer une influence réelle sur la décision, doit être vérifiée par la juridiction nationale, soit saisie à titre préjudiciel si un doute devait persister, que ce soit sur le champ d'application de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ou la conventionnalité de la règlementation française en litige.
II- Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 mars 2019, le 16 décembre 2019 et 11 mars 2020, sous le n° 19LY00979 les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations, représentées par Me B..., demandent :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon et de confirmer la régularité du PPRT ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation, sur le fondement de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, de l'avis de l'autorité de cas par cas concernant le plan ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon en différant la prise d'effet de l'annulation d'une durée suffisante pour permettre aux services de l'administration d'élaborer un nouveau PPRT ;
4°) de mettre à la charge de la société Plymouth Française la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal a commis une erreur de droit en n'écartant pas comme inopérant le moyen tiré du vice de procédure relatif à l'autorité chargée de l'examen au cas par cas ;
- les exigences d'autonomie réelle posées par la jurisprudence Seaport étaient vérifiées au cas d'espèce ;
- la dispense d'évaluation environnementale n'était pas de nature à vicier la procédure et, partant, à entraîner l'illégalité du plan ;
- du fait de l'intervention de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat l'arrêté du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie doit être regardé comme régulier ;
- il appartiendra en conséquence à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif.
Par trois mémoires en réponse et en appel incident, enregistrés le 16 décembre 2019, le 8 janvier 2020 et le 15 juin 2020, la société Plymouth Française, représentée par Me C... :
1°) conclut au rejet de la requête des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations ;
2°) demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a différé au 10 janvier 2021 l'annulation du plan et qu'il a rejeté une partie des moyens qu'elle a invoqués ;
3°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie, au moins en tant qu'il classe l'Ile de la Chèvre à Feyzin en secteur dit d'expropriation, et interdit toute présence humaine permanente sur ce site ;
4°) de mettre à la charge des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision de dispenser d'évaluation environnementale le plan en litige est irrégulière puisque cette dernière a été signée par une autorité incompétente, qu'elle n'a pas été précédée d'un examen particulier des incidences du projet sur la santé humaine et l'environnement, qu'elle est entachée d'un défaut d'impartialité et d'objectivité de l'autorité environnementale, que l'agence régionale de santé n'a pas été régulièrement consultée et elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les modalités de la concertation étaient insuffisantes et n'ont pas été respectées ;
- les études préalables à la mise en place du secteur d'expropriation de l'Ile de la Chèvre étaient insuffisantes ;
- le zonage retenu est entaché d'irrégularité.
Par deux mémoires en intervention, enregistrés le 16 décembre 2019 et le 11 mars 2020, la société Total Raffinage France représentée par Me B..., demande :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 10 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon et de confirmer la régularité de l'arrêté du préfet du Rhône du 19 octobre 2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie ;
2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la régularisation de l'avis de l'autorité de cas par cas concernant le plan ;
3°) de mettre à la charge de la société Plymouth Française la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- du fait de l'intervention de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat l'arrêté du 19 octobre2016 approuvant le PPRT de la vallée de la chimie doit être regardé comme régulier ;
- il appartiendra en conséquence à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif.
Par ordonnance du 13 mai 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ;
- la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant la société Plymouth Française, et de Me E... représentant les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem one, Rhodia Opérations et Total Raffinage France ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie et a décidé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date du présent jugement contre les actes pris sur son fondement, cette annulation prendra effet à compter du 10 janvier 2021 et qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par la commune de Solaize. Par une requête n° 19LY00967, le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement. Par une requête n° 19LY00979, les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations relèvent également appel de ce jugement.
Sur la jonction :
2. Les requêtes susvisées enregistrées sous les numéros 19LY00967 et 19LY00979 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la recevabilité, d'une part, de la requête n° 19LY00979 présentée par les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One et Rhodia Opérations et de l'intervention volontaire de la société Total Raffinage France d'autre part, des interventions volontaires des cinq sociétés dans l'instance n° 19LY00967 :
3. Est recevable à former une intervention devant le juge du fond toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".
4. Alors qu'avant l'intervention du plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie, aucun document de portée équivalente n'existait, l'annulation du plan, même avec un effet différé, à compter du 10 janvier 2021, lequel a pour objet d'assurer la sécurité des activités industrielles et des zones potentiellement impactées par ces activités, priverait les populations vivant dans le secteur et les salariés travaillant dans ces zones des différentes protections prévues, et serait un facteur d'aggravation de l'exposition aux risques générés par les activités s'exerçant dans cette zone. Dans l'hypothèse où les sociétés intervenantes seraient restées étrangères au litige de première instance, elles auraient justifié d'un droit auquel le jugement rendu aurait préjudicié, susceptible à ce titre de leur conférer qualité pour former tierce opposition à ce jugement. Par suite, leur appel est recevable dans l'instance n° 19LY00979. Les mêmes sociétés ont également intérêt au maintien de l'arrêté attaqué. Ainsi, leur intervention dans l'instance n° 19LY00967 est également recevable.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :
5. Aux termes de l'article 31-II de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat prévoit que : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les arrêtés portant prescription ou approbation des plans de prévention des risques technologiques mentionnés à l'articleL.515-15 du code de l'environnement en tant qu'ils sont ou seraient contestés par un moyen tiré de ce que le service de l'État qui a pris, en application du décret n° 2012-616 du 2 mai 2012 relatif à l'évaluation de certains plans et documents ayant une incidence sur l'environnement, la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale ne disposait pas d'une autonomie suffisante par rapport à l'autorité compétente de l'État pour approuver ce plan. ". Si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c'est à la condition de poursuivre un but d'intérêt général suffisant et de respecter tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions. En outre, l'acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but d'intérêt général visé soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie.
6. Les dispositions contestées du II de l'article 31 de la loi du 8 novembre 2019, qui réservent expressément l'effet des décisions de justice passées en force de chose jugée, ont une portée strictement définie en ce qu'elles ne valident les arrêtés portant prescription ou approbation d'un plan de prévention des risques technologiques qu'en tant qu'ils sont ou seraient contestés par le moyen tiré de ce que l'autorité administrative ayant pris, conformément aux dispositions du décret du 2 mai 2012 qui, bien que n'étant pas prises pour assurer la transposition de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, a inscrit ces plans dans le champ de la procédure d'évaluation environnementale, la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale, ne disposait pas d'une autonomie suffisante par rapport à l'autorité compétente de l'Etat pour l'approuver. En outre, eu égard, d'une part, au risque d'annulation contentieuse sur le fondement de ce moyen auquel sont exposés les arrêtés approuvant des plans de prévention des risques technologiques, d'autre part, au nombre d'arrêtés susceptibles d'être concernés et enfin à l'objet spécifique de ces plans relatifs à la sécurité des activités industrielles qui permettent d'assurer la protection des populations contre les risques technologiques, l'atteinte portée au droit à un recours effectif découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen par l'effet de cette validation, qui n'a pas méconnu l'article 7 de la charte de l'environnement, est justifiée par un motif impérieux d'intérêt général tenant à la protection de la santé et de la sécurité publique.
7. Cette validation ne remettant pas en cause, pour les parties, la possibilité de contester ce plan pour d'autres motifs, tirés tant de leur légalité interne qu'externe, les dispositions de l'article 31-II de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019, dont il n'est pas établi, ni même allégué qu'elles ne seraient pas justifiées par un motif impérieux d'intérêt général, ne sauraient, dès lors, être regardées, nonobstant leur application aux litiges pendants devant le juge à la date de leur entrée en vigueur, comme portant, d'une part, une atteinte excessive au principe du droit à un procès équitable énoncé par l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, et d'autre part, comme méconnaissant le principe à valeur constitutionnelle d'égalité des armes et le principe d'effectivité du droit de l'Union Européenne. S'il appartient en principe au juge administratif de faire application de la règle jurisprudentielle nouvelle à l'ensemble des litiges, quelle que soit la date des faits qui leur ont donné naissance, sauf si cette application a pour effet de porter rétroactivement atteinte au droit au recours, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Plymouth Française n'établit pas qu'il a été porté, rétroactivement, atteinte à son droit au recours, qu'elle exerce d'ailleurs dans la présente instance. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de transmettre une question préjudicielle à la cour de justice de l'Union européenne sur ce point, le moyen, pris dans toutes ses branches, tiré de ce que le service de l'État, qui a pris la décision de ne pas soumettre le plan à une évaluation environnementale, ne disposait pas d'une autonomie suffisante par rapport à l'autorité compétente de l'État pour approuver ce plan, ne peut être utilement invoqué dans la présente instance. En tout état de cause, par décision du 14 août 2019, le président de l'Autorité environnementale a décidé, en application de la section deux du chapitre II du titre II du livre premier du code de l'environnement, que l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie (69), n° F-0093-19-P-0069, présentée par la direction départementale des territoires du Rhône, n'est pas soumise à évaluation environnementale.
8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté litigieux en retenant ledit moyen. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance comme en appel devant le juge administratif par la société Plymouth Française.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par la société Plymouth Française :
S'agissant de la concertation :
9. Aux termes de l'article L. 515-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques technologiques dans les conditions prévues à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme. / Sont notamment associés à l'élaboration du plan de prévention des risques technologiques les exploitants des installations à l'origine du risque, les communes sur le territoire desquelles le plan doit s'appliquer, les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d'urbanisme et dont le périmètre d'intervention est couvert en tout ou partie par le plan ainsi que la commission de suivi de site créée en application de l'article L. 125-2-1. / Le préfet recueille leur avis sur le projet de plan, qui est ensuite soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier. / Le plan de prévention des risques technologiques est approuvé par arrêté préfectoral. / Il est révisé selon les mêmes dispositions ". Aux termes de l'article R. 515-40 II du même code : " L'élaboration d'un plan de prévention des risques technologiques est prescrite par un arrêté du préfet qui détermine...II. L'arrêté fixe également les modalités de la concertation avec les habitants, les associations locales et les autres personnes intéressées...Le bilan de la concertation est communiqué aux personnes associées et rendu public dans des conditions que l'arrêté détermine. ". L'article 4 de l'arrêté préfectoral du 21 avril 2015 portant prescription du PPRT prévoit la communication du bilan de la concertation aux personnes et organismes associés et qu'il sera mis à la disposition du public à la direction des territoires du Rhône, dans les mairies précitées, au siège de la Métropole de Lyon et sur le site internet de la préfecture.
Quant à la contestation de la décision fixant les modalités de la concertation :
10. Il résulte de ces dispositions que l'article L. 515-22 du code de l'environnement renvoie, pour déterminer les modalités de la concertation relative à l'élaboration des projets de plan de prévention des risques technologiques, à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans son ensemble, y compris le IV de cet article, devenu l'article L. 600-11 du même code. Il suit de là que l'auteur d'un recours tendant à l'annulation de la décision préfectorale approuvant un plan de prévention des risques technologiques peut utilement invoquer l'irrégularité de la procédure résultant de la méconnaissance des modalités de concertation définies le préfet, mais ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le préfet a fixé ces modalités.
11. La circonstance, à la supposer même établie, que les modalités de la concertation n'ont pas été suffisamment définies par l'article 4 de l'arrêté du 21 avril 2015 pour permettre une participation effective du public à l'élaboration du plan est donc sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
Quant à la contestation des modalités de déroulement la concertation :
12. En premier lieu, si le préfet fait valoir qu'une note sur l'état de la concertation a été communiquée aux personnes et organismes associés par courrier du 28 janvier 2016, la commission d'enquête a relevé dans son rapport que : " Le bilan de la concertation n'était pas inclus dans le dossier soumis, pour avis, aux personnes et organismes associés, le 28 janvier 2018. " Toutefois, la circonstance que ces personnes et organismes associés aient rendu leur avis avant que le bilan de la concertation ne leur ait été communiqué est sans incidence sur l'information du public. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette omission ait eu pour effet de nuire à l'information complète des personnes et organismes associés, alors que la commission d'enquête a indiqué d'une part que : " l'association avec les personnes et organismes associés et la concertation avec le public ont été convenablement organisées et conduites pendant toute la phase d'élaboration du projet de PPRT de la vallée de la chimie " d'autre part que : " L'objectif de la procédure d'association-concertation a été parfaitement rempli : les personnes et organismes ont été étroitement associés à la préparation du projet et le public et les personnes les plus directement intéressés ont été véritablement informés des dangers et des mesures envisagées pour assurer leur protection. " Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen.
13. En second lieu, il résulte des termes mêmes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement que les dispositions de la participation du public à l'élaboration des décisions publiques " s'appliquent dans le respect des intérêts de la défense nationale et de la sécurité publique, du secret industriel et commercial et de tout secret protégé par la loi. Le déroulement de la participation du public ainsi que les modalités de sa conduite peuvent être adaptés en conséquence. ". Le préfet du Rhône, par arrêté du 29 mars 2016, prescrivant l'ouverture de l'enquête publique a décidé qu'" en raison du contexte lié aux attentats récents, pour des raisons de sûreté, que la mise à disposition par voie d'internet des informations contenues sur le site dédié des PPRT était suspendue. ". En outre, il ressort des pièces du dossier que le renforcement de la sécurité des sites Seveso contre les actes de malveillance a fait l'objet, dès le 30 juillet 2015, d'une instruction du gouvernement soulignant notamment les difficultés rencontrées pour articuler l'exigence de communication de nombreuses informations relatives aux établissements " Seveso " avec la nécessité de préserver la confidentialité de données qui pourraient faire l'objet d'une utilisation malveillante. Dans ce contexte et à la suite de différents actes de malveillance à l'encontre d'établissements industriels commis au cours de l'été 2015, le Gouvernement a d'ailleurs publié une instruction en date du 19 mai 2016 relative à la mise à disposition et à la communication d'informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d'actes de malveillance dans les établissements Seveso emportant la restriction de l'accès à des données sensibles. Dès lors, le Préfet du Rhône, en suspendant la mise à disposition en ligne des documents d'élaboration du plan en discussion, à la suite des évènements du mois de novembre 2015, a fait une exacte application de ses pouvoirs pour se conformer aux exigences imposées par la sécurité publique au regard des données sensibles concernant les établissements à risques. En outre la commission d'enquête a relevé dans son rapport d'une part, que " Pour toute information concernant la Commission de Suivi des Sites, ainsi que le PPRT, il était précisé que les demandes devaient être adressées, par courriel, à la DREAL Rhône-Alpes Auvergne ", et d'autre part que " L'étroite collaboration avec les services de la préfecture et le suivi des avis du Tribunal administratif ont permis de concilier l'objectif de sûreté avec celui d'informer et de faire participer le public.". Dans ces conditions, la société n'est fondée à soutenir ni que le public n'a pas été utilement informé, du fait de la suspension irrégulière de la publication en ligne de certains documents de la concertation suite aux attentats de novembre 2015, ni que la concertation s'est déroulée selon des modalités qui n'ont pas permis l'information et la participation du public dans de bonnes conditions.
S'agissant de l'insuffisance des études de danger ayant servi de base à la détermination des cartes d'aléas et du périmètre du PPRT :
14. Aux termes de l'article L. 515-16 du code de l'environnement : " A l'intérieur du périmètre d'exposition aux risques, les plans de prévention des risques technologiques peuvent, en fonction du type de risques, de leur gravité, de leur probabilité et de leur cinétique, délimiter : 1° Des zones dites de maîtrise de l'urbanisation future, soumises aux dispositions de l'article L. 515-16-1 ; 2° Des zones dites de prescription, relatives à l'urbanisation existante, soumises aux dispositions de l'article L. 515-16-2, à l'intérieur desquelles les plans peuvent délimiter : a) Des secteurs dits de délaissement, soumis aux dispositions des articles L. 515-16-3 et L. 515-16-5 à L. 515-16-7 en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger grave pour la vie humaine ; b) Des secteurs dits d'expropriation, soumis aux dispositions des articles L. 515-16-3 à L. 515-16-7 en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine. Au sein d'une même zone ou d'un même secteur, les mesures prises en application des articles L. 515-16-1 à L. 515-16-4 peuvent différer en fonction des critères mentionnés au premier alinéa. ".
15. Ces dispositions n'imposent pas à l'administration de réaliser une étude des alternatives à l'expropriation ou concertation préalable avec les entreprises concernées. La société Plymouth Française ne peut, dans ces conditions, soutenir que les études de dangers ayant fondé l'arrêté litigieux sont, pour ce motif, insuffisantes. En outre, la mise en oeuvre éventuelle de mesures alternatives ne peut être réalisée que lorsque le PPRT a été approuvé, en application des dispositions de l'article L. 515-16-6 du code de l'environnement qui prévoit que dans les secteurs de délaissement et d'expropriation, et pour les biens autres que les logements, l'autorité administrative compétente peut prescrire au propriétaire la mise en oeuvre de mesures apportant une amélioration substantielle de la protection des populations, lesquelles peuvent notamment consister en des mesures de protection des populations, de réduction de la vulnérabilité ou d'organisation de l'activité. De même, la circonstance que le seul déménagement de l'activité de la société Plymouth Française nécessiterait une indemnisation de cinquante millions d'euros et qu'elle ne sera pas en mesure de pérenniser son activité dès lors qu'une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à son encontre en 2014, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
S'agissant du classement du site de la société Plymouth Française en zone d'expropriation :
16. Il ressort des pièces du dossier que l'essentiel des parcelles et les bâtiments de la société Plymouth Française se trouvent en zone d'aléa les plus forts (TF + et TF). La note de présentation du PPRT précise que : " les résultats des diagnostics de vulnérabilité du bâti ont montré que dans les zones d'aléa les plus forts (TF + et TF), le montant des travaux de renforcement des différents étaient supérieurs à 10 % de la valeur vénale du bien. ". En outre, les bâtiments de la société Plymouth Française sont exposés à un risque de surpression estimé entre 65 et 92 mbar et peuvent recevoir une dose thermique, de type boule de feu, supérieure à 1.800 (kW/m²) 4/3.s. Ces seuils correspondent au seuil d'effets létaux significatifs délimitant la zone des dangers très graves pour la vie humaine. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les critères pris en compte par l'autorité administrative, pour définir le classement de la société Plymouth Française en secteur dit d'expropriation en raison de l'existence de risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine, auraient abouti à des résultats manifestement dénués de pertinence ou seraient de nature à entacher le classement de cette zone d'erreur manifeste d'appréciation. De même, le fait que des installations industrielles situées à des distances équivalentes des sites objet du PPRT seraient traitées différemment ou la circonstance qu'une propriété, située à une distance équivalente du même type d'installations de stockage, a été classée en zone de protection, ne suffisent pas à établir une erreur manifeste d'appréciation dans la définition des zones. Par ailleurs, la société Plymouth Française ne peut utilement comparer sa situation géographique avec des équipements appartenant au domaine public ou recevant du public, comme la piscine ou le stade Jean Bouin à Feyzin, lesquels ne peuvent pas faire l'objet de mesures d'expropriation. Enfin, la circonstance que des mesures aient été prises pour garantir la mise en sécurité rapide des salariés des entreprises en cas d'accident est inopérante sur la solution du litige.
17. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 19 octobre 2016 par lequel le préfet du Rhône a approuvé le plan de prévention des risques technologiques de la vallée de la chimie.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One, Rhodia Opérations et Total Raffinage France, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société Plymouth Française. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Plymouth Française le paiement des frais exposés par les sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One, Rhodia Opérations et Total Raffinage France au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1609469 et 1703560 du tribunal administratif de Lyon du 10 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : L'intervention des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One, Rhodia Opérations et Total Raffinage est admise.
Article 3 : La demande présentée par la société Plymouth Française est rejetée.
Article 4 : Les conclusions des sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One, Rhodia Opérations et Total Raffinage France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Plymouth Française, aux sociétés Arkema France, Elkem Silicones France, Kem One, Rhodia Opérations et Total Raffinage France, à la commune de Solaize et au ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme A... D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
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N° 19LY00967 - 19LY00979