Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, Mme I..., représentée par Me F... (J... avocats), avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2018 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Etienne à lui verser 55 000 euros, augmentés des intérêts de droit à compter de ses demandes indemnitaires préalables et de la capitalisation de ces intérêts ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de Saint-Etienne a commis une faute en refusant de la titulariser dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux sur le poste qu'elle occupait ;
- la commune de Saint-Etienne a commis une faute en recrutant des agents contractuels sur deux postes auxquels elle aurait pu candidater, sans préalablement les ouvrir à la promotion interne ;
- le refus de la commune de Saint-Etienne de la titulariser dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux constitue une rupture d'égalité, au vu des promotions obtenues par d'autres agents ;
- elle a subi un préjudice de carrière, lié à la perte de chance d'être promue dans le grade de rédacteur, et constitué d'une perte de traitements et d'une perte de droits à la retraite qui ne sauraient être évaluées à un montant inférieur à 50 000 euros ;
- elle a subi un préjudice moral qui doit être évalué à 5 000 euros.
Par deux mémoires en défense enregistrés le 24 septembre 2018 et le 21 novembre 2019, la commune de Saint-Etienne, représentée par Me B... (L... B... et Vacheron), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme I... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle expose que :
- les demandes indemnitaires pour la période antérieure au 1er janvier 2011 sont prescrites, dès lors qu'elles ont été présentées plus de quatre ans après le fait générateur de la créance ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 9 novembre 2019, Mme I..., représentée par Me Pereira, avocat, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Saint-Etienne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient en outre que la créance dont elle se prévaut n'est pas prescrite.
Un mémoire, enregistré le 14 janvier 2020, a été produit par Mme I..., représentée par Me D... (K... avocats), avocat, et, dépourvu d'éléments nouveaux, n'a pas été communiqué.
Par une ordonnance du 12 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 20 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 95-25 du 10 janvier 1995 ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;
- le décret n° 2012-924 du 30 juillet 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... G..., première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Girard, avocat, représentant Mme I..., et de Me Cadet, avocat, représentant la commune de Saint-Etienne ;
Considérant ce qui suit :
1. Depuis le 1er octobre 1977, Mme I... exerce comme fonctionnaire titulaire au sein de la commune de Saint-Etienne, d'abord en qualité d'adjoint, puis, après avoir réussi un examen professionnel en 2009, en qualité de rédacteur territorial en application d'un arrêté du 17 septembre 2014 avec départ d'ancienneté au 1er mai 2012. Mme I... relève appel du jugement du 30 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Etienne soit condamnée à lui verser une somme de 75 000 euros, outre intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices nés du retard mis par la commune à la titulariser dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 34 de la loi du 20 janvier 1984 : " Les emplois de chaque collectivité (...) sont créés par 1 'organe délibérant de la collectivité. La délibération précise le grade (...) correspondant à l'emploi créé (...) ". Selon l'article 39 de la même loi et l'article 8 du décret du 10 janvier 1995 susvisé, alors applicable, les fonctionnaires territoriaux de catégorie C peuvent bénéficier d'une promotion interne dans le cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux par voie d'inscription sur une liste d'aptitude.
3. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 10 janvier 1995 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux : " Les rédacteurs sont chargés de l'instruction des affaires qui leur sont confiées et de la préparation des décisions.
Ils exercent leurs fonctions dans l'une des spécialités suivantes:
1o Administration générale: dans cette spécialité, ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative et financière, de suivi de la comptabilité et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l'élaboration et à la réalisation des actions de communication, d'animation et de développement économique, social et culturel de la collectivité (...) ". Ces dispositions ont été abrogées à compter du 1er août 2012 par le décret du 30 juillet 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des rédacteurs territoriaux, dont l'article 3 dispose que : " I. - Les rédacteurs territoriaux sont chargés de fonctions administratives d'application. Ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative, budgétaire et comptable, et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l'élaboration et à la réalisation des actions de communication, d'animation et de développement économique, social, culturel et sportif de la collectivité. Les rédacteurs peuvent se voir confier des fonctions d'encadrement des agents d'exécution. Ils peuvent être chargés des fonctions d'assistant de direction ainsi que de celles de secrétaire de mairie d'une commune de moins de 2 000 habitants. (...) ". Enfin, l'article 3 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints administratifs territoriaux dispose que : " I. - Les adjoints administratifs territoriaux sont chargés de tâches administratives d'exécution, qui supposent la connaissance et comportent l'application de règles administratives et comptables. Ils peuvent être chargés d'effectuer divers travaux de bureautique et être affectés à l'utilisation des matériels de télécommunication. Ils peuvent être chargés d'effectuer des enquêtes administratives et d'établir des rapports nécessaires à l'instruction de dossiers. Ils peuvent être chargés de placer les usagers d'emplacements publics, de calculer et de percevoir le montant des redevances exigibles de ces usagers. II. - Lorsqu'ils relèvent des grades d'avancement, les adjoints administratifs territoriaux assurent plus particulièrement les fonctions d'accueil et les travaux de guichet, la correspondance administrative et les travaux de comptabilité. Ils peuvent participer à la mise en oeuvre de l'action de la collectivité dans les domaines économique, social, culturel et sportif. Ils peuvent être chargés de la constitution, de la mise à jour et de l'exploitation de la documentation ainsi que de travaux d'ordre. Ils peuvent centraliser les redevances exigibles des usagers et en assurer eux-mêmes la perception. Ils peuvent être chargés d'assurer la bonne utilisation des matériels de télécommunication. Ils peuvent être chargés du secrétariat de mairie dans une commune de moins de 2 000 habitants. Ils peuvent se voir confier la coordination de l'activité d'adjoints administratifs territoriaux du premier grade ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du profil du poste occupé par Mme I..., dans sa version mise à jour en décembre 2010, corroboré par ses fiches d'entretien professionnel de 2008 et 2009, que le poste qu'elle occupait en qualité d'adjoint administratif comportait essentiellement des tâches administratives d'exécution telles que des tâches de saisie, de vérification, de mise en forme et d'édition des délibérations du conseil municipal, de contrôle de pièces avant transmission au contrôle de légalité ou encore de classement et d'archivage de documents. La circonstance qu'en 1996, l'avis de vacance relatif à ce poste, au demeurant peu précis quant à la nature des missions confiées, l'ait ouvert aux agents de catégorie C et B ne saurait suffire à remettre en cause la réalité des tâches ainsi énumérées par le profil de poste. Mme I... ne démontre pas que celui-ci ne correspondait pas aux fonctions effectivement exercées jusqu'à sa nomination en tant que rédacteur stagiaire en septembre 2014. En outre, il résulte de la nouvelle mise à jour du profil de son poste opérée à cette occasion que celui-ci a alors été étoffé de nouvelles tâches, notamment celles de référent des groupes politiques et de contrôle des décisions du maire avant transmission au contrôle de légalité. Ainsi, et contrairement à ce que prétend Mme I..., le poste qu'elle occupait jusqu'à sa nomination en qualité de rédacteur ne relevait pas de ce cadre d'emplois. Par suite, la commune de Saint-Etienne n'a pas commis de faute en refusant de procéder à une telle nomination sur ce poste, antérieurement à l'arrêté du 17 septembre 2014.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'avant de pourvoir, en recourant à des agents contractuels, les postes de " gestionnaire subventions aux associations " et de " assistant de gestion profil relais commande publique ", la commune de Saint-Etienne a émis deux avis de mobilité interne, lesquels, en se bornant à mentionner le cadre d'emplois et la catégorie dont relevaient ces postes, n'avaient nullement pour effet d'exclure la candidature d'agents inscrits sur la liste d'aptitude au cadre d'emplois de rédacteur territorial. Il est constant que Mme I... n'a pas présenté de candidature à ces postes. Par suite, elle ne démontre ni que la commune de Saint-Etienne aurait illégalement eu recours à des agents contractuels, ni que la rédaction de ces avis serait directement à l'origine de sa nomination tardive en tant que rédacteur territorial et, par suite, des préjudices qu'elle invoque.
6. En troisième lieu, si Mme I... invoque la nomination en qualité de rédacteurs territoriaux dont ont bénéficié d'autres agents sur les postes qu'ils occupaient auparavant et dans des délais plus brefs que celui au terme duquel sa propre nomination est intervenue, il ne résulte nullement de l'instruction qu'elle se trouvait dans une situation identique à la leur, eu égard aux différents postes en cause et aux compétences respectives de ces agents. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la date de sa nomination serait de nature à caractériser une rupture d'égalité.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Etienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme I.... En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme I... une somme de 700 euros au titre des frais exposés par la commune de Saint-Etienne.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme I... est rejetée.
Article 2 : Mme I... versera à la commune de Saint-Etienne une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... I... et à la commune de Saint-Etienne.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, où siégeaient :
Mme E... A..., présidente de chambre,
M. Pierre Thierry, premier conseiller,
Mme C... G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.
N° 18LY02933 2