Par une requête enregistrée le 26 février 2020, M. H... C..., représenté par Me Couderc, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône à titre principal, en cas d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à titre subsidiaire en cas d'annulation de la seule décision portant obligation de quitter le territoire français, de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
1°) s'agissant de la décision portant refus d'admission au séjour :
- elle est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où, en méconnaissance de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il n'est pas démontré que le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ait été saisi ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
2°) s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;
3°) s'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
4°) s'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- l'accord-cadre franco-tunisien relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations du 28 avril 2008, publiés par décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, president-assesseur,
- et les observations de Me Lefevre, représentant M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 20 mars 1948, relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 novembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 octobre 2018 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 1° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). Selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner, pour lui, des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. La décision attaquée se fonde sur la circonstance que si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité au sens des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les soins nécessités par son état de santé et le traitement approprié existent dans le pays dont il est originaire. Le préfet a, sur ce point, repris l'indication médicale de l'avis du collège des médecins de l'OFII, lequel a bien été saisi, contrairement à ce qui est soutenu. M. C... ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, notamment un compte rendu d'hospitalisation de 2016, qui fait état de ses pathologies (pneumopathie, hypertension, cardiopathie, hyperthyroïdie), que son traitement ne serait pas disponible dans son pays d'origine, alors même qu'il a passé une échographie cardiaque le 15 octobre 2019 et une scintigraphie myocardique le 22 novembre 2019. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 précitées.
5. M. C... fait valoir, d'une part, qu'il a résidé régulièrement en France durant vingt années, de 1969 à 1989, que ses attaches familiales se situent en France où résident un frère, un oncle, deux de ses filles et deux petites-filles, d'autre part, qu'il est dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine comme l'a d'ailleurs constaté la préfecture en reconnaissant qu'il ne pouvait pas justifier d'une adresse en Tunisie pour rejeter sa demande de carte de résident " retraité ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. C... a résidé régulièrement dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 68 ans où résident d'ailleurs trois de ses frères et sa soeur. En outre, l'appelant n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que sa vie privée et familiale serait désormais installée en France. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Les moyens, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien qui renvoie aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent ainsi être écartés. En l'absence d'argumentation spécifique, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit également être écarté.
6. Enfin, en se bornant à soutenir qu'il a vécu plus de vingt ans en situation régulière au cours desquelles il a pu exercer l'essentiel de son activité professionnelle et qu'il relève d'une situation d'une exceptionnelle gravité compte tenu de son âge et de son état de santé, M. C... n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au titre de sa vie privée et familiale.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français devra, par voie de conséquence, être écarté.
8. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. C..., doivent, en l'absence de tout élément particulier invoqué tenant à cette obligation, être écartés par les mêmes motifs que ceux développés au point 5.
En ce qui concerne les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
9. En l'absence d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire et celui tiré de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination devra, par voie de conséquence, être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Paix, présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2021.
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N° 20LY00870