Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, M. C... J..., représenté par Me Si Hassen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 août 2019 et l'arrêté du 13 février 2019 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui sera versée à Me Si Hassen sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- le préfet de la Côte-d'Or n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait ; il n'a pas commis de violences à l'encontre de son épouse ; les faits ne sont pas établis, l'un des courriers produits par le préfet de la Côte-d'Or est un faux ; il ne lui appartenait pas de formuler des hypothèses sur l'identité de l'auteur de ces lettres ; la communauté de vie n'a pas cessé sauf épisodiquement pour des raisons professionnelles ; il contribue à l'entretien et l'éducation de ses enfants ;
- elle méconnaît les dispositions du 4° et 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention signée le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2020 le préfet de la Côte-d'Or représenté par Me Claisse conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. C... J... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 novembre 2019.
Des pièces présentées par M. C... J... ont été enregistrées le 30 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée le 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... J..., ressortissant tunisien, né le 26 août 1987, entré régulièrement en France le 11 janvier 2014, s'est marié avec Mme F..., ressortissante française, le 19 décembre 2015. Il a ainsi bénéficié d'un titre de séjour en qualité de conjoint de français valable du 13 septembre 2016 au 12 septembre 2017. Sont nés de cette union K..., le 28 janvier 2017 et E..., le 23 novembre 2018. Par un arrêté du 13 février 2019, le préfet de la Côte-d'Or a rejeté la demande de M. C... J... de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français sous trente jours. M. C... J... relève appel du jugement rendu le 27 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ".
3. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Dijon, Mme F... a, par plusieurs déclarations concordantes, la dernière étant une main courante du 16 octobre 2018, fait état de ce qu'elle s'était séparée de son mari depuis fin juin 2018 en raison de son caractère impulsif voire violent, des pressions psychologiques et physiques qu'il exerçait sur elle et que ce dernier ne subvenait pas aux besoins de son enfant. Toutefois, ses déclarations ont par la suite été contredites, et sont dans l'ensemble contradictoires. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que, à l'exception d'une courte période de séparation, M. C... J... ait vécu séparé de sa fille K... et, depuis sa naissance, de son fils E.... Il a ainsi nécessairement participé à leur éducation et les liens d'affection qu'il entretient avec ces derniers ne sont pas contestés. Il ressort en outre d'une attestation du 25 février 2019 que K... fréquentait alors une structure multi accueil pour enfants où elle était déposée et récupérée par son père, et de deux autres attestations que M. C... J... était également présent à des rendez-vous médicaux, avec son épouse, concernant ses deux enfants : en décembre 2018, pour son fils et en janvier 2019, pour sa fille. Enfin, il ressort des nombreuses pièces produites par M. C... J..., outre des photos de moments familiaux avec ses deux enfants, des attestations de proches indiquant son implication pour l'éducation de ses enfants et l'affection qu'il leur porte, des factures et des relevés bancaires, indiquant que M. C... J... a réglé diverses dépenses au moins entre novembre 2018 et février 2019. Ces éléments permettent d'établir que M. C... J... contribuait également à l'entretien de ses enfants à la date de la décision attaquée. Dans ces circonstances, il est fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que les autres décisions de l'arrêté du 13 février 2019 doivent être annulées par voie de conséquence et que M. C... J... est fondé à soutenir c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ".
5. Les motifs d'annulation de la décision litigieuse impliquent nécessairement que le préfet de la Côte-d'Or délivre à M. C... J... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu de prescrire l'exécution de cette mesure dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :
6. M. C... J... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocate, Me A... G..., peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... G... , avocate de M. C... J... , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui lui seront versés.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901073 du tribunal administratif de Dijon du 27 août 2019 et l'arrêté du 13 février 2019 du préfet de la Côte-d'Or sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. C... J... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le mois qui suivra la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à Me A... G..., avocate de M. C... J... sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle .
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... J... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 4 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... D..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 14 janvier 2021.
No 19LY042822