Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 mars 2019, et un mémoire enregistré le 25 octobre 2019, M. B..., représenté par Me Bertrand-Hébrard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision du 9 janvier 2017 par laquelle le maire de Saint-Jean-Bonnefonds a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail depuis le 28 juin 2013, ensemble la décision du 7 février 2017 ayant rejeté son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de Saint-Jean-Bonnefonds de reconnaître le lien entre sa pathologie et le service, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-Bonnefonds une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des prescriptions de l'article L.9 du code de justice administrative, dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur toutes les circonstances de fait mentionnées dans ses écritures ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en n'appréciant pas si ses conditions de travail pouvaient être regardées comme directement à l'origine de sa pathologie dépressive et en faisant état de l'absence de " circonstance particulière " concernant ces conditions ;
- le jugement est entaché de plusieurs erreurs de fait concernant " le compagnonnage ", " les formations internes " et " la dispense des permanences du samedi matin " qu'il mentionne ;
- la pathologie dont il souffre est imputable au service, et le jugement est ainsi entaché d'erreur d'appréciation au regard des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de dénaturation des pièces du dossier.
Par des mémoires en défense enregistrés le 5 juillet 2019 et le 9 janvier 2020, la commune de Saint-Jean-Bonnefonds, représentée par Me Verne, avocat (SELARL Itinéraires Avocats), conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est suffisamment motivé en fait comme en droit ;
- il n'est pas entaché d'erreur de droit car le tribunal a examiné l'ensemble des conditions d'exécution du service pour apprécier l'existence d'un lien entre la pathologie du requérant et le service et ne s'est pas fondé sur l'absence de volonté de nuire de l'administration pour écarter l'imputabilité au service de cette pathologie ;
- le tribunal n'a commis aucune erreur de fait ;
- la pathologie de M. B..., personnalité fragile ayant de lourds antécédents, n'est pas imputable au service et le moyen tiré de la violation des dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 n'est pas fondé.
Par ordonnance du 10 novembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 décembre 2020.
Vu le jugement et la décision attaqués et les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2021 :
- le rapport de M. Tallec, président ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
- les observations de Me Armand, avocat, représentant la commune de Saint-Jean-Bonnefonds.
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir été recruté par la commune de Saint-Jean-Bonnefonds, dans le cadre d'un " contrat d'accompagnement dans l'emploi ", à compter du 10 décembre 2007, pour exercer des fonctions d'agent de surveillance de la voie publique, M. D... B... a été nommé adjoint technique territorial de deuxième classe stagiaire le 10 décembre 2009, pour exercer les mêmes fonctions, et titularisé le 10 décembre 2010. Victime, le 18 octobre 2010, d'un accident sur la voie publique reconnu imputable au service, il a repris son travail à mi-temps thérapeutique à partir du 27 juin 2011, puis, après avis favorable de la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales de la Loire, le maire de Saint-Jean-Bonnefonds l'a affecté, par arrêté du 14 juin 2012, sur un poste administratif sédentaire à temps plein, à compter du 27 juin 2012. Présentant un état dépressif, M. B... a été placé en arrêt de travail à compter du 28 juin 2013. Le 16 juillet 2013, le maire a pris, après avis favorable de ladite commission, un nouvel arrêté, portant reconnaissance de l'inaptitude de l'intéressé aux fonctions d'agent de surveillance de la voie publique, et précisant qu'il était apte au poste de travail occupé depuis le 27 juin 2012. M. B... a ensuite été placé en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée, prolongé jusqu'au 27 décembre 2016 par arrêté du 30 mai 2016.
2. M. B... a demandé le 4 juillet 2016 à la commune la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Par lettre du 8 juillet 2016, le maire a informé l'intéressé de la réalisation d'une expertise avant la saisine de la commission de réforme. Le 17 août 2016, le docteur Courtine, psychiatre agréé, a conclu de manière défavorable à l'imputabilité au service de la dépression de M. B.... Dans sa séance du 4 octobre 2016, la commission de réforme a demandé l'organisation d'une nouvelle expertise, confiée au docteur Sillito, psychiatre, qui a conclu le 13 novembre 2016 à l'imputabilité au service de cette maladie. Le 8 décembre 2016, la commission de réforme a émis un avis favorable à " l'imputabilité au service des arrêts de travail de M. B... à compter du 28 juin 2013 ". Le 9 janvier 2017, le maire de Saint-Jean-Bonnefonds a décidé de ne pas faire droit à la demande du requérant, qui a présenté un recours gracieux, rejeté le 7 février 2017. Le 10 avril 2017, M. B... a saisi le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa requête par jugement n° 1703063 du 30 janvier 2019. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
4. Il résulte de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont clairement et précisément indiqué les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils s'étaient fondés pour rejeter les demandes de M. B.... Ils n'étaient pas tenus d'évoquer tous les éléments de fait mentionnés dans les écritures du requérant. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ce jugement ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 57 de la loi susvisée du 26 janvier 1984, dans sa version applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...), le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie (...) l'imputation au service (...) de la maladie est appréciée par la commission de réforme ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite, sauf s'il entre dans les cas prévus pour l'octroi d'un congé de longue maladie ou de longue durée limitant la période de maintien de cette rémunération. L'imputabilité au service de cette maladie est appréciée par la commission de réforme qui rend un avis ne liant pas l'autorité territoriale.
6. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
7. M. B... soutient que la dépression dont il souffre a pour origine une importante modification des conditions de son activité professionnelle, résultant de son affectation sur un poste administratif sédentaire à compter du 27 juin 2012, ne correspondant pas, selon lui, à ses compétences, eu égard notamment aux difficultés rencontrées dans l'expression écrite. Toutefois, les éléments qu'il produit ne permettent pas d'établir que les nouvelles tâches qui lui ont alors été confiées, relatives à la gestion clientèle du service de l'eau et à celle des salles municipales de réunion, pour la réalisation desquelles il a bénéficié d'un soutien et d'un encadrement adaptés, ne seraient pas en rapport avec les aptitudes de M. B..., dont la manière de servir a, au demeurant, fait l'objet d'une appréciation favorable de sa hiérarchie. En outre, si le requérant se prévaut des avis favorables à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie de son psychiatre traitant, du médecin du travail et du second expert l'ayant examiné, les avis en cause reposent sur les seules déclarations du patient et ne sont pas de nature à contredire les conclusions de la première expertise, pour laquelle le praticien agréé a procédé à un examen complet de la situation de M. B..., en ne se limitant pas à l'activité professionnelle de ce dernier. Enfin, il n'est pas contesté qu'antérieurement à l'affectation litigieuse, M. B... a souffert de troubles anxio-dépressifs ayant justifié une prise en charge psychiatrique. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme établi que l'état dépressif de M. B... serait en lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou des conditions de travail propres à susciter le développement de la maladie en cause.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges, qui n'ont pas dénaturé les pièces du dossier, ont rejeté ses conclusions tendant à l'annulation du refus du maire de la commune de Saint-Jean-Bonnefonds de reconnaître l'imputabilité de sa maladie au service.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
10. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Jean-Bonnefonds, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de ladite commune présentées sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean-Bonnefonds présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de Saint-Jean-Bonnefonds
Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme A... C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 15 avril 2021.
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N° 19LY01127