Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 22 janvier et 6 mars 2020, M. B..., représenté par Me Augeyre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 21 novembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 juillet 2018 ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- le conseil de discipline était irrégulièrement composé ; il n'aurait pas pu comporter de membres ayant le grade de caporal-chef, inférieur à celui de sergent-chef qu'il détient en sa qualité de sapeur-pompier professionnel ;
- la résiliation de son engagement procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; les faits ne sont pas établis.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2020, le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire, représenté par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable pour être insuffisamment motivée, outre que le requérant ne demande pas l'annulation de l'arrêté SDIS n° 2018-663 du 5 juillet 2018 ;
- les moyens soulevés sont infondés.
Par une ordonnance du 27 mai 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2012-1132 du 5 octobre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Couderc pour le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... relève appel du jugement du 21 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire du 5 juillet 2018 prononçant la résiliation de son engagement de sapeur-pompier volontaire
Sur la légalité de l'arrêté du 5 juillet 2018 :
En ce qui concerne la composition du conseil de discipline :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 723-40 du code de la sécurité intérieure : " L'autorité de gestion peut, après avis du conseil de discipline départemental, prononcer contre tout sapeur-pompier volontaire : 1° L'exclusion temporaire de fonctions pour six mois au maximum ; 2° La rétrogradation ; 3° La résiliation de l'engagement. ". Aux termes de l'article R. 723-40 du même code : " Le conseil de discipline départemental est saisi par un rapport introductif de l'autorité de gestion qui exerce le pouvoir disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 723-77 de ce code : " Le conseil de discipline départemental, institué auprès du service départemental d'incendie et de secours, est compétent pour donner un avis sur toutes les questions relatives à la discipline des sapeurs-pompiers volontaires du corps départemental, des corps communaux et intercommunaux d'un grade inférieur à celui de commandant. / Le conseil de discipline (...) / Il ne peut comporter de sapeur-pompier volontaire d'un grade inférieur à celui du sapeur-pompier volontaire dont le cas est examiné ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 723-86 du code de la sécurité intérieure : " Les sapeurs-pompiers professionnels peuvent être engagés en qualité de sapeur-pompier volontaire, dans une appellation ou un grade identique à celui qu'ils détiennent ou à celui qu'ils détenaient au moment de la cessation de leurs fonctions, lorsqu'ils ont cessé celles-ci depuis moins de cinq ans. / Dans ce cas, le sapeur-pompier volontaire doit en informer le directeur du service départemental d'incendie et de secours où il exerce en qualité de sapeur-pompier professionnel ". Aux termes de l'article R. 723-87 du même code : " L'avancement de grade des sapeurs-pompiers professionnels, des personnels militaires et des personnels de l'aviation civile mentionnés à l'article R. 723-86 en activité à ce titre entraîne l'avancement concomitant au même grade en qualité de sapeur-pompier volontaire, dans la limite des postes disponibles et sans consultation des commissions consultatives prévues aux articles R. 723-73, R. 723-74, R. 723-75 et R. 723-76 / Ces personnels ne peuvent détenir, en qualité de sapeur-pompier volontaire, un grade supérieur à celui qu'ils détiennent en qualité de sapeur-pompier professionnel, de personnel militaire ou de personnel de l'aviation civile dans le même département.".
4. M. B... exerce depuis 1989 les fonctions de sapeur-pompier volontaire à Aurec-sur-Loire. Il est également sapeur-pompier professionnel depuis le 1er avril 2006 dans le département des Yvelines. Le requérant soutient que le conseil de discipline n'aurait pas dû comporter de membres ayant le grade de caporal-chef, ce grade étant inférieur à celui qui aurait dû être retenu dès lors qu'il détient le grade de sergent-chef en sa qualité de sapeur-pompier professionnel. Toutefois, M. B..., qui a d'abord exercé les fonctions de sapeur-pompier volontaire avant de les cumuler avec sa qualité de sapeur-pompier professionnel dans un autre département, ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 723-87 cité au point 2, qui n'envisagent que la situation des sapeurs-pompiers professionnels engagés ensuite en qualité de sapeur-pompier volontaire, l'avancement concomitant étant au demeurant subordonné à l'existence d'un poste disponible. Le requérant ayant le grade de caporal-chef en sa qualité de sapeur-pompier volontaire, le conseil de discipline qui a examiné son cas pouvait comporter des sapeurs-pompiers de ce même grade. Le moyen selon lequel le conseil de discipline de Haute-Loire, saisi sur le fondement de l'article R. 723-40 cité au point 2, aurait été irrégulièrement composé, doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la matérialité des faits et l'erreur d'appréciation :
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. D'une part, il est reproché tout d'abord à M. B... d'avoir, au cours d'une intervention le 6 mars 2018, tenu à une jeune sapeur-pompier volontaire victime d'un malaise sur son lieu de travail, des propos à connotation sexuelle lors de son arrivée aux urgences alors qu'elle se trouvait seule avec lui. Il ressort du témoignage circonstancié de l'un des trois membres de l'équipage, qu'il a tenu des propos identiques au sujet de la victime au moment de partir en intervention. Si les deux autres membres de l'équipage, dont l'un est son ami, déclarent n'avoir rien entendu de ces propos, et si la victime n'a informé sa hiérarchie de ces faits que dans la soirée du dimanche 11 mars 2018 pour ne porter plainte que le 18 mars suivant, ces circonstances, de même que le classement sans suite du volet pénal de l'affaire, ne suffisent pas pour contester la matérialité des faits reprochés, suffisamment établie par le compte-rendu de la réunion qui a eu lieu le 14 mars 2018 et les conclusions du rapport d'enquête administrative. Il est également constant que M. B... s'est rendu le 21 mars 2018, en tenue de sapeur-pompier, au domicile de la victime, insistant lourdement pour rencontrer sa mère. Ce comportement a provoqué un nouveau malaise avec perte de connaissance de la victime, qui a conduit à ce qu'elle soit transportée à nouveau à l'hôpital. L'enquête administrative a enfin révélé que M. B... a adopté un comportement souvent contraire aux valeurs véhiculées par l'engagement de sapeur-pompier volontaire et parfois même non conforme à l'attitude attendue d'un sapeur-pompier en intervention. Dans son rapport de saisine du conseil de discipline, l'autorité de gestion lui reproche la tenue régulière de propos injurieux envers ses supérieurs hiérarchiques et à caractère raciste envers un de ses collègues et le port volontaire non autorisé du galon de sergent ou de sergent-chef, faits dont la matérialité n'est pas contestée par le requérant.
7. D'autre part, M. B... avait déjà été sanctionné d'un avertissement en 2009 et d'une exclusion temporaire de fonctions de six mois en 2015. Eu égard, d'une part, à la gravité des faits qui se sont déroulés le 6 mars 2018, qu'il minimise, d'autre part, à son comportement général, incompatible avec les obligations qui incombent aux sapeurs-pompiers volontaires, enfin, à la nécessité de préserver la réputation du service, le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, en prononçant après avis favorable à l'unanimité du conseil de discipline, la résiliation de l'engagement de M. B..., n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que le requérant demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera la somme de 1 000 euros au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022.
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N° 20LY00338