- condamné l'Etat à verser à la commune d'Ahuy la somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations financières qu'elle a versées, au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016, à l'association foncière urbaine " Le Clos des Aiges " au titre des dépenses d'aménagement et d'équipement ;
- renvoyé la commune d'Ahuy devant la directrice régionale des finances publiques de la région Bourgogne-Franche-Comté et la préfète de la Côte-d'Or pour qu'il soit procédé à la liquidation du rappel visé à l'article 1er du jugement.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2017, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter la demande de la commune d'Ahuy.
Il soutient que :
- c'est à bon droit que la direction régionale des finances a fait imputer les dépenses sur le compte 6558 " autres contributions obligatoires " de la section de fonctionnement, et que la préfète de la Côte-d'Or a exclu ces dépenses de l'assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ;
- la commune d'Ahuy ayant cédé les parcelles à l'association foncière urbaine " Le Clos des Aiges ", la condition de patrimonialité n'est plus remplie ;
- les sommes ont été inscrites en section de fonctionnement et non en section d'investissement du compte administratif de la commune ;
- l'association foncière urbaine étant assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, ses opérations ont donné lieu à récupération de la taxe, et par suite les participations devaient être enregistrées hors taxes dans les comptes de la commune ;
- ces immobilisations n'étant pas grevées de taxe sur la valeur ajoutée, elles ne sont par suite pas éligibles au fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2018, la commune d'Ahuy, représentée par Me C..., conclut :
- au rejet de la requête ;
- à l'annulation du jugement en ce qu'il exclut l'éligibilité au fond de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée de la part des fonds versés par la commune à l'association foncière urbaine correspondant aux dépenses de remembrement ;
- à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens présentés par le ministre ne sont pas fondés et que le jugement attaqué doit être réformé en ce qu'il n'a pas tenu compte des dépenses de remembrement qui se sont avérées indispensables à la réalisation des travaux d'aménagement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune d'Ahuy ;
Considérant ce qui suit :
1. En vue de la réalisation d'un futur quartier sur le territoire de la commune d'Ahuy, une convention entre cette commune et l'association foncière urbaine " Le Clos des Aiges " a été approuvée par le conseil municipal le 27 juin 2011. En application de celle-ci, la commune a versé à l'association, à compter de 2013 et jusqu'en 2016, des participations financières sous forme d'appels de fonds, calculés en fonction de l'avancée des travaux réalisés. La commune d'Ahuy, par un recours du 18 juillet 2016, formé auprès de la préfète de la Côte-d'Or et de la directrice générale des finances publiques de la Côte-d'Or, a demandé à ce que les positions de ces autorités sur la possibilité de bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) soient réexaminées, ou que lui soit versée une somme de 172 274,33 euros correspondant au préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'impossibilité de bénéficier du FCTVA pour les appels de fonds versés à l'association foncière urbaine " Le Clos des Aiges ". Par courrier du 29 août 2016, la préfète de la Côte-d'Or a refusé de faire droit à sa demande, en faisant valoir que les redevances en cause devaient être considérées comme des dépenses de fonctionnement de la commune non éligibles au FCTVA. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 27 septembre 2017 qui a, à la demande de la commune d'Ahuy, condamné l'Etat à lui verser la somme correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les participations financières qu'elle a versées, pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016, à l'association foncière urbaine " Le Clos des Aiges " au titre des dépenses d'aménagement et d'équipement. La commune d'Ahuy présente des conclusions incidentes tendant à ce qu'il soit tenu compte des dépenses de remembrement qui se sont avérées indispensables à la réalisation des travaux d'aménagement.
Sur la responsabilité de l'Etat :
2. Aux termes de l'article L. 1615-1 du code général des collectivités territoriales : " Les ressources du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée des collectivités territoriales comprennent les dotations ouvertes chaque année par la loi et destinées à permettre progressivement le remboursement intégral de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses réelles d'investissement ainsi que sur leurs dépenses d'entretien des bâtiments publics et de la voirie payées à compter du 1er janvier 2016. (...) ". Aux termes de l'article L. 1615-2 de ce code: " Les ressources destinées au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, visé à l'article L. 1615-1, sont réparties entre (...) les communes (...) au prorata de leurs dépenses réelles d'investissement, telles qu'elles sont définies par décret. ". Selon l'article L. 1615-7 du même code: " Les immobilisations cédées à un tiers ne figurant pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ne donnent pas lieu à attribution du fonds. (...) ". Aux termes de l'article R. 1615-1 du même code : " I. - Les dépenses réelles d'investissement des collectivités territoriales (...) ouvrant droit aux attributions du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée en vertu de l'article L. 1615-1 sont, sous réserve des dispositions prévues aux articles R. 1615-2 et R. 1615-3, les dépenses comptabilisées à la section d'investissement du compte administratif principal et de chacun des comptes administratifs à comptabilité distincte des collectivités ou établissements mentionnés à l'article L. 1615-2, au titre : 1° Des immobilisations et immobilisations en cours, y compris les dépenses d'immobilisation réalisées pour le compte des collectivités et établissements par des mandataires légalement autorisés (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les dépenses réelles d'investissement comptabilisées à la section d'investissement du compte administratif, seules éligibles au FCTVA, doivent être des dépenses d'investissement, c'est-à-dire celles qui ont pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans le patrimoine ou qui, concernant des éléments existants, ont pour effet d'augmenter la durée de leur utilisation. Elles doivent être réalisées par ou pour le compte de la collectivité publique et sont destinées à être intégrées à titre définitif dans le patrimoine de ladite collectivité.
4. En premier lieu, aucune disposition de la convention conclue entre la commune d'Ahuy et l'association foncière urbaine " le clos des Aiges " ne prévoit que les parcelles objet des travaux seront cédées à l'association. La convention prévoit seulement dans son article 11 que la voirie, qui sera ouverte à la circulation publique, les espaces collectifs et les réseaux divers (éclairage public, assainissement, bassins de rétention...), seront cédés à la commune, dès réception des travaux par celle-ci, constatée par procès-verbal, pour un euro symbolique. Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, la commune d'Ahuy n'a cédé ni la propriété des parcelles, ni les immobilisations réalisées sur leur emprise, les aménagements et équipements réalisés par l'association foncière urbaine pour son compte ayant vocation à réintégrer le patrimoine communal dès leur réalisation achevée. Ainsi ces aménagements et équipements ne peuvent être regardés comme des immobilisations cédées à un tiers au sens des dispositions précitées de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales. Par suite, le ministre ne peut se prévaloir de la circonstance que l'association foncière urbaine n'est pas au nombre des collectivités ou établissements bénéficiaires du FCTVA et des dispositions de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales pour justifier que la préfète de la Côte-d'Or et la directrice régionale des fonctions publiques ont estimé que la commune d'Ahuy ne pouvait bénéficier du FCTVA pour les participations litigieuses.
5. En deuxième lieu, l'article 5 de la convention entre la commune et l'association foncière urbaine stipule que la participation est recouvrée sous forme d'appel de fonds successifs décidés par le conseil des syndics en fonction de l'avancement des travaux. L'article 37 des statuts de l'association prévoit que les bases de répartition des dépenses sont déterminées par le Conseil des Syndics en tenant compte de l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'association. Par suite, en l'espèce, les participations financières versées par la commune à l'association ne peuvent être considérées comme des participations aux dépenses de fonctionnement de l'association mais doivent être regardées comme des dépenses réelles d'investissement destinées à financer des équipements, réalisées par l'association foncière urbaine, pour le compte de la commune d'Ahuy, et éligibles au FCTVA.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des titres exécutoires produits, que les participations foncières acquittées par la commune ont été effectivement soumises à la taxe sur la valeur ajoutée contrairement à ce que soutient le ministre. Par ailleurs, celui-ci ne peut utilement soutenir que les participations litigieuses ne seraient pas éligibles au FCTVA en se bornant à soutenir que, l'association foncière urbaine étant assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée les travaux seraient susceptibles de donner lieu à récupération de la taxe sur la valeur ajoutée par cette dernière.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a reconnu l'Etat responsable de la faute commise par la direction régionale des finances publiques, qui a demandé à la commune d'Ahuy d'imputer les dépenses de viabilisation en cause sur le compte 6558 " autres contributions obligatoires " de la section de fonctionnement, et par la préfète de la Côte-d'Or, qui a, dans sa décision du 29 août 2016 refusé de reconnaître la possibilité pour ce type de dépenses d'être incluses dans l'assiette du FCTVA.
Sur le montant du préjudice indemnisable :
8. Le ministre ne conteste pas en appel l'appréciation faite par les premiers juges sur les modalités de détermination du préjudice indemnisable.
Sur les conclusions incidentes de la commune :
9. La commune d'Ahuy ne démontre pas davantage en appel qu'en première instance que les dépenses afférentes au remembrement de parcelles à l'intérieur du périmètre remplissent les conditions d'éligibilité au FCTVA. Par suite, les conclusions incidentes de la commune d'Ahuy doivent être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'Etat à réparer le préjudice de la commune d'Ahuy, et que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont partiellement rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la commune d'Ahuy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de la commune d'Ahuy sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à la commune d'Ahuy une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à la commune d'Ahuy, et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
M. B... A..., présidente de chambre,
Mme E..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 17 décembre 2019.
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N°17LY04199