Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 16 avril 2019, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 janvier 2019 ainsi que les décisions du préfet de la Loire du 23 juillet 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou de réexaminer sa demande de titre de séjour, en lui ayant auparavant délivré sous huit jours une autorisation provisoire de séjour, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui sera versée à Me B... sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. D... a produit de nouvelles pièces le 15 novembre 2019 à 19 heures 41.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
le jugement est entaché d'une contradiction dans ses motifs car le tribunal administratif de Lyon ne pouvait considérer que son pays de destination était suffisamment précis et ne pas annuler la décision de refus de titre de séjour au motif que le traitement requis par son état de santé serait disponible dans son pays d'origine ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :
ces décisions sont entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
elles méconnaissent le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête de M. D....
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller ;
Considérant ce qui suit :
1. M. E... D..., ressortissant de République démocratique du Congo, né en 1962, expose qu'ayant fui son pays d'origine, il est arrivé en France le 19 juin 2014 pour y solliciter l'asile, ce qui lui a été refusé par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides, par une décision du 29 mai 2015, confirmée le 6 janvier 2016 par la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 23 juillet 2018, le préfet de la Loire a rejeté la demande de titre de séjour qu'il avait formée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le tribunal administratif de Lyon par un jugement du 15 janvier 2019, a annulé la décision du préfet de la Loire fixant ce pays de destination et a rejeté le surplus des conclusions à fin d'annulation de M. D... dirigées contre l'arrêté du 23 juillet 2018. Ce dernier demande l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet de la Loire s'est limité à mentionner au sujet de la nationalité de M. D... que celle-ci était " congolaise ". Pour rejeter la demande de titre de séjour de M. D... présentée en qualité d'étranger malade, le préfet de la Loire a considéré qu'aucune pièce du dossier ne contredisait l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 avril 2018 selon lequel l'intéressé pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé " dans le pays dont il est originaire ". Il a également désigné comme pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement du territoire " le pays dont il a la nationalité ". Le tribunal administratif de Lyon, au point 13 de son jugement, a considéré que cette seule mention de la " nationalité congolaise " de M. D... ne permettait pas de déterminer si, en désignant le pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement du territoire, le préfet avait entendu fixer la République du Congo ou la République démocratique du Congo et que cette imprécision révélait un défaut d'examen de sa situation particulière.
3. M. D... soutient qu'en retenant le motif de cette imprécision pour annuler seulement la décision fixant le pays de destination et non le refus de titre de séjour en écartant le moyen de la méconnaissance de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement d'une contradiction de motifs qui le rend irrégulier.
4. La contradiction dans les motifs d'un jugement en affecte le bien-fondé et non la régularité. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit par suite être écarté.
Sur la légalité des décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français :
5. Il ressort, en premier lieu, des pièces du dossier, que dans son arrêté litigieux préfet de la Loire a indiqué de façon erronée que celui-ci était pris en réponse à une demande de renouvellement de titre de séjour. Il est également mentionné dans les motifs de cet arrêté que la durée du séjour de l'intéressé est courte alors qu'à la date de la décision attaquée, il n'était pas contesté qu'il vivait en France depuis un peu plus de quatre années, et que sa nationalité est " congolaise ", ce qui est imprécis. Pour regrettables que soient cette erreur et ces approximations, celles-ci ne sont pas révélatrices d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors, d'une part, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le préfet de la Loire se serait mépris sur la nationalité du requérant ou qu'il en aurait eu une connaissance imparfaite lorsqu'il a examiné sa situation tant au regard de son droit au séjour que, d'ailleurs, au regard d'une éventuelle mesure d'éloignement. D'autre part, l'arrêté fait état d'informations précises relatives à la situation de M. D... telles que ses date et lieu de naissance, le sens et la date de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les dates des décisions de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile le concernant. Il mentionne également le rapport du Dr Cireno fait devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration, rédigé sur la base des informations données par le requérant et qui expose la situation médicale de ce dernier. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté.
6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11, 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par les motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon aux points 6 et 9 de son jugement et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que, s'il n'est pas contesté qu'à la date de la décision attaquée M. D... vivait en France depuis un peu plus de quatre années, où il est arrivé à l'âge de cinquante-deux ans, il ne soutient pas y disposer d'attache familiale ou y avoir noué des liens affectifs intenses et durables, en dépit de sa participation au " jardin partagé " de la commune d'Andrézieux-Bouthéon et à un stage dans un centre rééducation professionnelle. Les simples perspectives professionnelles dont il allègue qu'elles lui seraient ouvertes en France ne sont pas non plus de nature à établir des liens durables et une intégration particulière. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les décisions dont il demande l'annulation ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur les frais d'instance :
10. Les conclusions à fin d'annulation de M. D... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque la présente décision n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B....
Copie en sera délivrée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2019 à laquelle siégeaient :
Mme C... A..., présidente de chambre,
Mme F..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
No 19LY014722