Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier 2019 et 17 janvier 2020, Mme F... D... C... née H... représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 novembre 2018 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Dijon à lui verser une somme de 460 euros au titre des honoraires d'avocats engagés ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Dijon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- dès lors, que les faits établis peuvent être qualifiés d'agissements répétés susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral, la décision implicite de refus de protection fonctionnelle a été prise en violation des dispositions des articles 6, 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 juillet 2019 et 5 février 2020, le centre hospitalier universitaire de Dijon représenté par Me G... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier, notamment la décision du défenseur des droits du 17 décembre 2019 ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... D... a été recrutée par le centre hospitalier universitaire de Dijon le 24 octobre 2016 en qualité d'aide-soignante contractuelle au sein du service de psychiatrie. Son contrat a fait l'objet de quatre renouvellements successifs de trois mois jusqu'au 31 janvier 2018. Mme F... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle le centre hospitalier universitaire de Dijon a implicitement refusé de prendre en charge les honoraires d'avocat au titre de la protection fonctionnelle, d'autre part, de condamner l'établissement à lui verser une somme de 460 euros au titre des honoraires d'avocats engagés. Par jugement du 29 novembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande dont Mme F... D... relève appel.
2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...). ". Aux termes de l'article 11 de la même loi : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire (...). / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...). ".
3. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce au vu des éléments dont elle dispose à la date de la décision, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.
4. D'autre part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration, dont il relève, à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se déterminant au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels agissements répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas de telles limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées. A cet égard, une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral, qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements.
5. Si Mme F... D... soutient d'une part, que dès sa prise des fonctions, elle a été la cible de remarques désobligeantes et méprisantes relatives à l'exécution de son travail, d'autre part, que certaines collègues de travail lui ont fait subir des provocations inutiles en raison de ses compétences dans le soin par le massage, elle ne l'établit pas. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les seuls agissements et paroles qui permettraient de caractériser une situation de harcèlement moral résultent des seuls propos déplacés, voir blessants et humiliants, relatifs à l'odeur que dégagerait Mme F... D..., tenus par une infirmière du service de psychiatrie le 5 mai 2017. Ces propos, qui n'ont été réitérés par l'intéressée, qu'à la demande de la hiérarchie de l'hôpital, lors de deux entretiens de conciliation les 9 et 22 mai 2017, ne peuvent donc être regardés comme ayant été proférés qu'une seule fois le 5 mai 2017 et ne peuvent, par suite, être qualifiés d'agissements répétés, lesquels ne peuvent, seuls, être regardés comme constituant un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par ailleurs, ces propos ont justifié que le centre hospitalier universitaire de Dijon, à la suite du congé maladie de Mme F... D... du 31 mai 2017 au 8 août 2017 et avec son accord, l'affecte en service de pneumologie.
6. Compte tenu que les propos tenus le 5 mai 2017 ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983, Mme F... D... n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le centre hospitalier universitaire de Dijon aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article 11 précité de la loi du 13 juillet 1983 et commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle qu'elle avait sollicitée à raison d'un tel harcèlement.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme F... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions tendant d'une part, à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Dijon à lui verser une somme de 460 euros au titre des honoraires d'avocats engagés et d'autre part, au versement de sommes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... D... née H... et au centre hospitalier universitaire de Dijon.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 janvier 2021.
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N° 19LY00316