Par un jugement n° 1909282 du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 19 novembre 2019 du préfet de l'Ardèche portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, a enjoint au préfet de procéder à l'effacement du signalement aux fins de non-admission dont M. A... fait l'objet au système d'information Schengen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020 et un mémoire, en réplique, enregistré le 7 septembre 2021, lequel n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Guerault, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt jusqu'au réexamen de son droit au séjour, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros , à verser à Me Guerault sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige méconnaît l'autorité de la chose jugée en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen particulier et d'erreur de droit dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur la délivrance d'un titre de séjour ;
- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut de motivation et d'erreur de droit au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige ne vise pas l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel il s'est pourtant fondé et est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté en litige méconnaît les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'un éloignement sur sa situation personnelle.;
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2021, le préfet de l'Ardèche conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant guinéen né le 19 janvier 1998, déclare être entré sur le territoire français le 3 juin 2016. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides du 23 octobre 2017 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 27 août 2018, le préfet de l'Ardèche, par un arrêté du 22 janvier 2019, l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 11 juin 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté et enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. A.... Consécutivement, par un arrêté en date du 19 novembre 2019, le préfet de l'Ardèche a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi de cette mesure d'éloignement, et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de douze mois, tout en l'astreignant à se présenter une fois par semaine à la brigade de la gendarmerie pour justifier de ses diligences effectuées en vue de son départ. Par un jugement du 20 juillet 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 19 novembre 2019 en tant qu'il interdit à M. A... le retour sur le territoire français pendant un an et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande dirigées contre cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement du 20 juillet 2020 en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. L'annulation pour excès de pouvoir d'une mesure d'éloignement prise à l'encontre d'un étranger, quel que soit le motif de cette annulation, n'implique pas la délivrance d'une carte de séjour temporaire mais impose seulement au préfet, en application des dispositions des articles L. 512-1 et L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour. Si, au terme de ce nouvel examen de la situation de l'étranger, le préfet refuse de délivrer un titre de séjour, il peut, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée s'attachant au jugement d'annulation, assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En application des principes mentionnés au point 2, et de l'injonction prescrite par le jugement susmentionné du 11 juin 2019, le préfet de l'Ardèche était tenu de réexaminer la situation de M. A... au regard de son droit au séjour.
4. En dépit du fait que l'obligation de quitter le territoire français se fonde sur les dispositions du 6° et non du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et même si le dispositif de son arrêté du 19 novembre 2019 ne comporte pas la mention explicite d'un refus de titre de séjour, le préfet de l'Ardèche a visé dans les motifs de son arrêté le 7° de l'article L. 313-11 de ce code, dont les dispositions concernent les conditions de délivrance d'une titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", a considéré que M. A... ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14-11 8° et L. 313-13 du même code, et qu'il ne justifiait pas non plus ni de l'intensité de liens personnels et familiaux en France et avec la France ou d'une intégration particulière ni de motifs humanitaires ou exceptionnels au titre de sa vie privée et familiale. Dans ces conditions, le préfet de l'Ardèche, contrairement à ce qui est soutenu, d'une part, s'est nécessairement prononcé sur la situation de M. A... au regard de son droit au séjour et pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée au jugement d'annulation du 11 juin 2019, obliger, par une nouvelle décision, M. A... à quitter le territoire français, d'autre part, a procédé à un examen particulier de sa situation, tant au regard des dispositions de l'article L. 313-11 que de celles de l'article L. 313-14, bien qu'il ne l'ait pas visé, et a suffisamment motivé sa décision de ne pas l'admettre au séjour.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait la démonstration d'une volonté réelle et manifeste d'intégration en France depuis qu'il y est entré à l'âge de 18 ans en nouant des relations personnelles amicales et intenses, ainsi qu'en participant régulièrement à des actions associatives culturelles, éducatives et sportives. Il produit à cet égard un nombre notable d'attestations précises et circonstanciées faisant état de cet investissement, de sa maîtrise du français et de ses qualités humaines et de sociabilité, ainsi que des promesses d'embauche. Il ressort toutefois de ces mêmes pièces que le requérant n'est pas dépourvu d'attaches familiales en dehors du territoire français, dès lors qu'il a déclaré avoir une concubine et un fils né en 2015, et que la durée de son séjour n'est que de trois ans. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, dès lors, être écartés, de même que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet de l'Ardèche dans l'appréciation des conséquences d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement sur sa situation personnelle.
7. Compte tenu de la situation de M. A... mentionnée au point précédent, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Ardèche aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la délivrance est subordonnée à des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Les conclusions à fin d'annulation de M. A... devant être rejetées, il s'ensuit que doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, puisque le présent arrêt n'appelle ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposée à l'occasion du litige soumis au juge.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2021.
No 20LY031402