Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 1er juin 2018, M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler les décisions du 16 octobre 2017 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de renouveler sa carte de séjour temporaire, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le Maroc comme pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois après la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" ou, à défaut, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de lui notifier une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- les premiers juges ont statué " ultra petita " sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et de l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne alors que le préfet n'y avait pas répondu ;
- les premiers juges auraient dû informer les parties qu'ils étaient susceptibles de se fonder sur un moyen d'ordre public ;
- les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;
- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les dispositions de l'article 3 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et de l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne ont été méconnues et l'arrêté en litige est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en raison de la qualité de ressortissante de l'Union européenne de sa compagne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.
Il déclare s'en rapporter à ses écritures de première instance.
La demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle de M. B...a été classée sans suite par décision du 27 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Chevalier-Aubert, présidente-assesseure ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 15 juin 1984, de nationalité marocaine, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour mention " vie privée et familiale " en sa qualité de parent d'une enfant française née en 2012. Par un arrêté du 16 octobre 2017 le préfet de la Drôme, a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B...relève appel du jugement du 27 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal, après avoir visé le moyen portant sur la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 et de l'article 20 du traité de fonctionnement de l'Union européenne invoqué par M.B..., l'a écarté comme inopérant. Ce faisant, il n'a ni statué " ultra petita " ni ne s'est fondé sur un moyen d'ordre public qu'il aurait relevé sans le soumettre au contradictoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; (...) ".
4. D'une part, il est relevé dans l'arrêté en litige, dont les termes ne sont pas contestés sur ce point, que si M. B...a ouvert un livret A au nom de son enfant, il retire systématiquement quelques jours plus tard les versements en espèces effectués sur ce compte, dont le solde s'établit à 0,22 euros au 13 juillet 2017. D'autre part, en se bornant à produire deux attestations de sa voisine et du père de l'enfant de sa compagne, rédigées en termes non circonstanciés, M. B... n'établit pas contribuer à l'éducation de sa fille. Ainsi, M. B... n'établit pas, par les pièces qu'il produit, qu'à la date de l'arrêté en litige, il contribuait de manière effective à l'entretien et à l'éducation de sa fille depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré en France en 2013. Il soutient qu'il vit depuis 2013 avec une ressortissante portugaise et la fille de cette dernière et bénéficie d'une promesse d'embauche. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que la vie commune du couple ne pourrait se reconstituer dans l'un ou l'autre pays dont ils ont la nationalité. Il ne conteste avoir conservé des attaches familiales au Maroc, pays dans lequel résident son père et ses trois frères. La seule production d'une promesse d'embauche n'atteste pas d'une insertion professionnelle particulière. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
8. Ainsi qu'il a été dit au point 4, M. B... ne rapporte pas la preuve d'une contribution effective à l'entretien et à l'éducation de sa fille. Par suite, le préfet de la Drôme n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de l' enfant de M.B... en prenant l'arrêté contesté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un Etat membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ". Ces dispositions, qui ont d'ailleurs été transposées aux articles L. 121-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. ne régissent que la situation des membres de la famille d'un ressortissant de l'Union, M.B..., qui n'est ni le conjoint d'un citoyen de l'Union ni son "partenaire enregistré" au sens des articles 2a et 2b de la directive 2004/38/ CE du Parlement, ne peut, par suite, utilement s'en prévaloir au seul motif que sa compagne est de nationalité portugaise.
10. En cinquième et dernier lieu, il résulte des circonstances de fait précédemment énoncées qu'en refusant le renouvellement de son titre de séjour à M. B...et en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet de la Drôme n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences que cette décision est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M .B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat les frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, présidente-assesseure,
Mme D...C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 4 juin 2019.
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N° 18LY01985
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