Par un jugement n° 1800266 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018, Mme B...A..., représentée par Me Borges de Deus Correia, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2017 du préfet de l'Isère ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois après la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale", ou, à défaut, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de lui notifier une nouvelle décision ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi relative à l'aide juridique, sous réserve qu'il renonce au bénéficie de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de statuer sur les moyens tirés, d'une part, de ce qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et, d'autre part, de ce qu'en décidant de l'éloigner vers la Serbie dans un délai de trente jours alors que son fils ainé terminait sa classe de cours préparatoire, le préfet a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant ;
- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en ne lui accordant pas à titre dérogatoire un titre de séjour sur ce fondement, le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence ;
- l'arrêté en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le père des enfants avait la même nationalité qu'elle et qu'il n'avait pas vocation à séjourner durablement en France alors qu'aucun élément ne permet de savoir dans quel pays il séjourne ;
- le délai de trente jours assortissant cette obligation méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et porte une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A...a été admise en dernier lieu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante serbe née le 23 juillet 1995, entrée en France le 16 juin 2010, selon ses déclarations, relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 5 décembre 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, désignation du pays de renvoi et l'astreignant à se présenter une fois par semaine au commissariat de police de Grenoble.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, en soutenant que " c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ce moyen sans statuer sur ce moyen tiré de la méconnaissance de l'étendue de son pouvoir d'appréciation par le préfet ", Mme A...énonce à la fois que les premiers juges ont écarté un moyen et qu'ils ne se sont pas prononcés dessus. Cette contradiction ne permet pas à la cour d'apprécier le bien-fondé du moyen tiré de l'omission à statuer.
3. En second lieu, Mme A...soutient que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce " qu'en décidant de l'éloigner vers la Serbie dans le délai de trente jours alors que son fils ainé terminait sa classe de cours préparatoire, le préfet n'a pas pris en compte et a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant ". Toutefois, il ressort du considérant 20 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu à ce moyen.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) 8° A l'étranger reconnu réfugié en application du livre VII ainsi qu'à : a) Son conjoint, son partenaire avec lequel il est lié par une union civile ou son concubin, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre de la réunification familiale dans les conditions prévues à l'article L. 752-1 ; b) Son conjoint ou son partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est postérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile, à condition que le mariage ou l'union civile ait été célébré depuis au moins un an et sous réserve d'une communauté de vie effective entre époux ou partenaires (...). ".
5. Si Mme A...se prévaut de l'obtention par son époux de la qualité de réfugié et déclare, en tout état de cause sans l'établir, que leur vie commune a débuté en juin 2016, il n'est pas contesté, toutefois, que le mariage avait été célébré depuis moins d'un an à la date de l'arrêté en litige. L'intéressée n'a pas davantage été autorisée à séjourner en France au titre de la réunification familiale. Ainsi, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu le 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté en litige ni des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait abstenu, faisant usage de son pouvoir d'appréciation, d'examiner la possibilité de délivrer à Mme A...à titre dérogatoire un titre de séjour.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
8. Mme A...déclare résider sur le territoire français depuis le 16 juin 2010. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue irrégulièrement en France en dépit des mesures d'éloignement prises à son encontre le 26 novembre 2012, le 26 juin 2014 et le 31 octobre 2016. Si elle fait état de son mariage, le 2 février 2017, avec un compatriote bénéficiant du statut de réfugié, cette union présente un caractère récent. Elle soutient également qu'elle est mère de deux enfants nés en France en 2010 et 2015 d'une précédente union. Toutefois, d'une part, il n'est pas établi que le père des enfants résiderait en France en situation régulière et entretiendrait des liens avec ses enfants. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...qui ne justifie en France d'aucune insertion particulière et qui conserve des liens familiaux dans son pays d'origine, où résident ses parents, son frère et ses soeurs, ne pourrait y retourner accompagnée de ses enfants, alors qu'elle conserve la possibilité de revenir y séjourner aux côtés de son époux en sollicitant un visa de long séjour auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises dans son pays d'origine. Il n'est ni établi ni allégué que l'aîné de ses enfants, scolarisé en cours élémentaire de première année, ne pourrait poursuivre normalement sa scolarité en Serbie. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de l'arrêté en litige sur la situation personnelle de MmeA....
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-12.(...) ".
10. Mme A...ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à établir qu'en refusant de l'admettre au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ".
12. La situation du fils aîné de MmeA..., élève en cours élémentaire de première année à la date de l'arrêté en litige, ne constitue pas, en l'espèce, au regard de son jeune âge, une circonstance particulière propre à justifier une prolongation du délai de départ volontaire de trente jours accordé à la requérante. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet aurait méconnu, d'une part, les dispositions du II précité de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
13. En sixième et dernier lieu, doit également être écarté, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés au point 7 ci-dessus, le moyen tiré de ce que l'arrêté, en ce qu'il fixe à trente jours le délai de départ volontaire assortissant l'obligation de quitter le territoire français, méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2017, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais non compris dans les dépens :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 12 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 mars 2019.
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N° 18LY02074