Par un jugement n° 1307722 du 13 janvier 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2016, et un mémoire enregistré le 19 septembre 2016, MmeD..., représentée par Me Menichelli (SELARL BDMV Avocats), avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 janvier 2016 ;
2°) de condamner la commune de Villeurbanne à lui verser une indemnité totale de 298 700 euros en réparation du harcèlement moral subi, de la perte de salaire et de l'absence de reconstitution de sa carrière et en remboursement de frais administratifs et bancaires ;
3°) de condamner la commune de Villeurbanne à lui verser une indemnisation compte tenu de l'incapacité permanente partielle à laquelle elle risque d'être exposée en cas de séquelles ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Villeurbanne une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- la responsabilité pour faute de la commune doit être engagée ensuite des faits de harcèlement moral qu'elle a subis depuis 1993 et de son inertie face à ces agissements ;
- les agissements constitutifs de harcèlement moral sont à l'origine de dommages corporels et de dommages moraux actuels et à venir qui justifient que lui soit versée une indemnité de 200 000 euros ;
- elle est fondée à demander le versement d'une indemnité de 90 000 euros au titre de la perte de salaire et du préjudice de carrière qu'elle a subis ;
- les frais divers qu'elle a dû engager et les frais financiers subis du fait de sa perte de rémunération justifient le versement d'une indemnité de 8 700 euros ;
- ses demandes ne sont pas prescrites.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2016, la commune de Villeurbanne, représentée par Me A...(G...public), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir :
- à titre principal, que la requête est irrecevable en l'absence de moyens critiquant le jugement ;
- à titre subsidiaire, que les demandes indemnitaires de Mme D...sont prescrites ;
- à titre infiniment subsidiaire, que les demandes de Mme D...sont infondées en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral et de faute de l'administration ; que la circonstance que l'imputabilité au service de la pathologie de la requérante ait été reconnue n'est pas de nature à démontrer le harcèlement moral ; que le lien de causalité entre les fautes invoquées et les préjudices allégués n'est pas établi ; que le caractère direct, certain et actuel de chacun des préjudices allégués n'est pas établi ; que les prétentions indemnitaires de Mme D... sont en tout état de cause excessives.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me B...substituant Me F...représentant Mme D..., et de Me C...représentant la commune de Villeurbanne ;
1. Considérant que MmeD..., attachée principale territoriale, exerçait ses fonctions au sein de la commune de Villeurbanne depuis 1984 ; qu'elle a été placée en congé de maladie en janvier 2011 ; que, par arrêté du 29 novembre 2012, le maire de Villeurbanne a reconnu l'imputabilité de sa pathologie au service ; que Mme D...relève appel du jugement du 13 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Villeurbanne soit condamnée à lui verser une indemnité d'un montant total de 298 700 euros en réparation des différents préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont elle aurait été l'objet et de l'inertie fautive de la commune pour y remédier ;
Sur les conclusions indemnitaires :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) " ;
3. Considérant que Mme D...soutient avoir été victime de faits de harcèlement moral " de type organisationnel et/ou structurel " à compter de 1993, qui se seraient traduits par une mutation non consentie cette même année, par la réduction progressive et constante de ses responsabilités, par sa mise à l'écart des réunions et par la volonté de sa hiérarchie de l'évincer de la commune ; qu'elle produit des éléments montrant qu'en 1993, le directeur de la Maison du livre, de l'image et du son (MLIS), où elle était responsable administrative du réseau de lecture publique depuis 1990, a émis le souhait qu'elle soit mutée dans un autre service dans les plus brefs délais, que la directrice du service des affaires économiques, où elle était, depuis 1993, responsable des marchés forains, taxis, droit d'hoiries et permis de chasse, a préconisé, en décembre 1999, le remplacement du poste d'attaché principal, qu'elle occupait, par un poste de rédacteur et que sa charge de travail au sein de la direction des ressources humaines, où elle a été affectée en 2003, s'est réduite après qu'elle a achevé la rédaction d'un guide sur le temps de travail ;
4. Considérant, toutefois, que la requérante ne désigne pas précisément les auteurs des agissements dénoncés, qui auraient perduré pendant une période de près de vingt ans, et ne relate pas de fait précis qui permettrait d'identifier des actes constitutifs de harcèlement moral à son encontre ; qu'il résulte, au contraire, de l'instruction que la commune de Villeurbanne a tenté de satisfaire les attentes de Mme D...relatives au déroulement de sa carrière, notamment en donnant une suite favorable à ses demandes de changement de poste et en la nommant autant que possible dans des emplois correspondant à ses souhaits ; que la mutation de Mme D...en 1993 a ainsi fait suite, contrairement à ce qu'elle allègue, à une demande de sa part, formulée à deux reprises au cours de l'année 1992 et motivée par sa promotion au grade d'attaché principal, alors, en outre, que la commune de Villeurbanne ne s'est pas opposée à ce qu'elle suive des formations ;
5. Considérant, par ailleurs, que, s'il résulte de l'instruction, et notamment des expertises médicales dont elle a fait l'objet, que Mme D...a rencontré pendant de nombreuses années une situation de souffrance au travail, laquelle s'est traduite par des arrêts de travail, il ne résulte pas de l'instruction que le comportement de sa hiérarchie soit à l'origine de cette situation ni que la commune s'en soit désintéressée ; qu'ainsi, en mai 2000, la commune a accepté, sur proposition de MmeD..., de financer en sa faveur une procédure dite " outplacement ", dont l'objectif, assumé et revendiqué par cette dernière, était de quitter les effectifs de la commune au profit d'un emploi adapté à ses aspirations et à sa formation, le cas échéant dans le secteur privé ; qu'en 2010, la commune lui a de nouveau permis de bénéficier d'un accompagnement professionnel destiné à l'aider à retrouver une activité professionnelle conforme à ses souhaits et capacités, laquelle s'est achevé le 6 janvier 2011, date à laquelle une réunion de restitution a eu lieu en présence du délégué général et du directeur général des services ; qu'enfin, à la suite d'un avis médical d'inaptitude temporaire de Mme D...à ses fonctions, la commune lui a proposé en vain un poste à la direction des affaires juridiques le 14 mars 2011, dont il n'est pas établi qu'il ne correspondait pas à son grade ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que sa hiérarchie aurait intentionnellement réduit ses responsabilités dans le but de la déstabiliser ou de l'inciter à partir ; qu'il n'est pas davantage établi qu'elle l'aurait tenue à l'écart de réunions ;
6. Considérant que, eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus, Mme D...n'est fondée ni à soutenir qu'elle aurait fait l'objet, de la part de son employeur, d'agissements constitutifs de harcèlement moral, ni que la commune aurait fait preuve d'inertie face à de tels agissements ; que la circonstance que le maire de Villeurbanne a reconnu l'imputabilité au service de sa pathologie n'est pas de nature à établir l'existence d'un harcèlement moral ; que doit, par suite, être écarté le moyen tiré de ce que la commune de Villeurbanne aurait commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;
7. Considérant qu'en l'absence de faute de la commune de Villeurbanne, les conclusions de Mme D...tendant à l'indemnisation de ses préjudices financier et moral ainsi, en tout état de cause, que de son " éventuelle incapacité permanente partielle " doivent être rejetées ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la prescription opposée par la commune de Villeurbanne, que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les frais liés au litige :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D...une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle, en revanche, à ce que soit mise à la charge de la commune de Villeurbanne, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande Mme D...au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Mme D...versera à la commune de Villeurbanne une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D...et à la commune de Villeurbanne.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président-assesseur,
Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 mai 2018
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N° 16LY00867
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