Par un jugement n° 1601161 du 6 juin 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 22 août 2016, Mme A... E... épouse D..., représenté par Me Huard, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1601161 du 6 juin 2016 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 février 2016 par lequel le préfet de la Savoie a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Savoie de réexaminer sa demande de renouvellement de titre de séjour et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour,
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- le préfet ne s'est pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle, dès lors qu'il n'a pas examiné sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;
- le rejet implicite de cette demande n'est pas motivé ;
- le rejet exprès de la demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît la circulaire du 30 octobre 2004 du ministre de l'intérieur ;
- il est entaché d'erreur de fait et méconnaît le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la communauté de vie entre elle et son époux n'a pas cessé ;
- il méconnaît le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code, dès lors qu'elle est victime de violences conjugales de la part de son conjoint ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle, dès lors que la communauté de vie entre elle et son époux n'a pas cessé, qu'elle est victime de violences conjugales, qu'elle séjourne depuis plus de deux ans en France dont elle parle la langue, où elle est entrée régulièrement et où elle a trouvé un travail et qu'elle n'a plus de famille dans son pays d'origine pouvant l'aider à se réinsérer ou la prendre en charge ;
s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Le mémoire en défense présenté par le préfet de la Savoie, enregistré le 23 mars 2018, n'a pas été communiqué.
Mme E... épouse D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur ;
Sur le refus de renouvellement de titre de séjour :
1. Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que Mme E... épouse D... a saisi le 9 juillet 2015 le préfet de la Savoie d'une demande de renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " que le préfet a rejetée par la décision expresse en litige du 17 février 2016 ; que si elle produit un courrier du 22 décembre 2015 par lequel son conseil sollicite du préfet de la Savoie la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que ce courrier soit parvenu aux services préfectoraux avant l'édiction de la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation personnelle en n'examinant pas, par la décision contestée, son droit au séjour au titre de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ;
2. Considérant, en deuxième lieu, que Mme E... épouse D... ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que le prétendu rejet implicite de sa demande de carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ne serait pas motivé, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel qu'elle aurait sollicité, en application de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, la communication des motifs d'une telle décision implicite ;
3. Considérant, en troisième lieu, que le refus exprès de renouvellement de sa carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " opposé à Mme E... épouse D..., qui énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée qui en constituent le fondement, satisfait à l'obligation de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté comme non-fondé ;
4. Considérant, en quatrième lieu, que Mme E... épouse D... ne saurait utilement se prévaloir des termes de la circulaire du 30 octobre 2004 du ministre de l'intérieur, lesquels sont dépourvus de caractère impératif ;
5. Considérant, en cinquième lieu, que Mme E... épouse D... déclare sans l'établir être domiciliée... ; que, dans ces conditions, la communauté de vie entre les époux doit être regardée comme ayant cessé à la date de la décision en litige du 17 février 2016 qui porte refus de renouvellement de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de conjoint de ressortissant français ; que, par suite, cette décision, qui n'est pas entachée d'erreur de fait, ne méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences conjugales de la part de son conjoint et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". " ;
7. Considérant que les trois certificats médicaux des 8 juillet 2015, 16 novembre 2015 et 15 juin 2016, produits en appel par Mme E... épouse D..., ne sont pas suffisants pour établir que, comme elle l'affirme, la communauté de vie entre elle-même et son époux aurait été rompue en raison de violences conjugales qu'elle aurait subies ; que, par suite, la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
8. Considérant, en septième lieu, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, que la communauté de vie entre Mme E... épouse D..., ressortissante marocaine née le 1er janvier 1973, et son époux de nationalité française était rompue à la date de la décision en litige et que la réalité des violences conjugales alléguées n'est pas établie ; que la circonstance que l'intéressée est titulaire d'un contrat à durée déterminée ne suffit pas à caractériser l'insertion professionnelle en France dont elle se prévaut ; qu'il est constant qu'elle est entrée en France le 25 septembre 2014, soit moins d'un an et demi avant que soit prise la décision litigieuse ; qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de quarante-et-un ans ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme E... épouse D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante ;
9. Considérant, en dernier lieu, que Mme E... épouse D... ne remplissant pas les conditions pour obtenir le renouvellement de sa carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 et du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi qu'il a été dit aux points 5 et 7, le préfet n'était pas tenu, en application du premier alinéa de l'article L. 312-2 du même code, de consulter la commission du titre de séjour avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de titre de séjour ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 1 à 9 que Mme E... épouse D... n'est pas fondée à exciper, à l'encontre de la décision en litige, de l'illégalité du refus de renouvellement de titre de séjour ;
11. Considérant, d'autre part, que, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 8, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme E... épouse D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... épouse D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... épouse D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.
Délibéré après l'audience du 3 avril 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
M. Hervé Drouet, président assesseur,
Mme C... B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 26 avril 2018.
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N° 16LY02933
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