Procédure devant la cour
I. - Par une requête, enregistrée le 23 mai 2017 sous le n° 17LY02090 et un mémoire enregistré le 6 mars 2018, non communiqué en application de l'article R.611-1 du code de justice administrative, la commune d'Ambilly, représentée par Me I..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Grenoble;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier pour défaut de signature de la minute ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors que le directeur de cabinet et l'assistante des ressources humaines de la commune n'ont pas été entendus simultanément ;
- ce vice de procédure, n'a en tout état de cause pas exercé d'influence sur la décision attaquée et n'a privé M. A... d'aucune garantie ;
- elle n'était pas tenue de saisir le conseil de discipline dans un délai déterminé à compter de la survenance des faits ;
- le conseil de discipline a statué dans le délai requis ;
- M. A... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le conseil de discipline n'a pas méconnu le principe d'impartialité ;
- la sanction disciplinaire n'est pas disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2017 et un mémoire enregistré le 7 mars 2018, non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, M. A..., représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune d'Ambilly au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il demande en outre que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune au titre de l'ensemble des préjudices subis.
Il fait valoir que les moyens présentés par la commune d'Ambilly ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées en application de l'article R. 611 7 du code de justice administrative, par courrier du 11 octobre 2018, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires de M. A... qui ont été présentées après l'expiration du délai d'appel et qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal.
Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2018, la commune d'Ambilly répond à ce moyen d'ordre public.
Par un mémoire, enregistré le 15 octobre 2018, M. A... répond à ce moyen d'ordre public.
II. - M. B... A... a présenté le 9 août 2017, une demande en vue d'obtenir l'exécution du jugement n° 1402696 du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble.
Par décision du 19 janvier 2018, le président de la cour a procédé au classement administratif de la demande de M. A....
Par lettre, enregistrée le 14 février 2018, M. A... a contesté la décision de classement.
Par une ordonnance du 15 février 2018, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle sous le n° 18LY00595.
Par des lettres, enregistrées les 11, 14 et 15 mai 2018 M. A..., représenté par Me J... demande à la cour de condamner la commune d'Ambilly au paiement d'une astreinte de 200 euros par jour jusqu'à l'exécution du jugement n° 1402696 du 28 mars 2017 et de mettre à sa charge une somme de 2 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une lettre, enregistrée le 11 mai 2018, la commune d'Ambilly, représentée par Me I..., demande le rejet de la demande d'exécution et que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me I..., représentant M.A... ;
1. Considérant que M. A..., rédacteur principal de deuxième classe, alors chargé des fonctions de directeur des ressources humaines de la commune d'Ambilly a, par arrêté du 3 avril 2014 du maire d'Ambilly, été exclu de ses fonctions pour une durée de six mois ;
2. Considérant, d'une part, que, par sa requête susvisée n° 17LY02090, la commune d'Ambilly relève appel du jugement du 28 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 3 avril 2014 et a enjoint au maire d'Ambilly de reconstituer la carrière de M. A... et d'effacer la sanction de son dossier ; que dans le cadre de la même instance, M. A... présente des conclusions d'appel incident de ce jugement, en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait de la sanction infligée ;
3. Considérant, d'autre part, que par sa requête susvisée n° 18LY00595, M. A... demande l'exécution du jugement attaqué du tribunal administratif de Grenoble ;
4. Considérant que les deux requêtes n° 17LY02090 et n° 18LY00595, respectivement présentées par la commune d'Ambilly et par M. A..., concernent le même jugement et présentent à juger des questions communes ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;
Sur la requête n° 17LY02090 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret susvisé du 18 septembre 1989 : " (...) Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. (...) " ;
6. Considérant que pour prononcer l'annulation de la décision attaquée comme prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions sus rappelées de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989, le tribunal s'est fondé sur l'attestation établie le 23 juillet 2015 par Mme H..., qui a siégé au conseil de discipline en qualité de représentant du personnel, selon laquelle MmeG..., assistante RH et M.C..., directeur de cabinet, ont été entendus ensemble en qualité de témoins lors de la séance du 24 février 2014 au cours de laquelle du conseil de discipline a statué sur le dossier de M.A... ;
7. Considérant que si le procès verbal de la séance du conseil de discipline mentionne seulement que Mme F... et M. C... ont confirmé le déroulement des faits et la violence de l'altercation entre M. A... et un agent, l'attestation susmentionnée de Mme H... est contredite par trois attestations circonstanciées établies par les témoins eux-mêmes et Mme E..., directrice générale des services de la commune d'Ambilly, selon lesquelles les témoins ont été entendus séparément ; qu'ainsi, et alors même que ces dernières attestations, produites pour la première fois en appel, sont datées du mois de mai 2017 et ne sont pas présentées selon les formes requises par l'article 202 du code de procédure civile, la commune d'Ambilly doit être regardée comme établissant que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la sanction en litige a été prise à l'issue d'une procédure régulière au regard des dispositions sus rappelées de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989 ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Ambilly est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté litigieux ; qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. A... :
S'agissant de la légalité externe :
9. Considérant, en premier lieu, qu'à la date de la décision contestée, aucun autre texte applicable ni aucun principe général du droit n'enfermait dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire à l'égard d'un fonctionnaire ; que, par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'aurait pas respecté un délai raisonnable pour le sanctionner ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13 du décret du 18 septembre 1989 susvisé : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter du jour où il a été saisi par l'autorité territoriale. (...) Le délai est ramené à un mois lorsque le fonctionnaire poursuivi a fait l'objet d'une mesure de suspension (...). " ;
11. Considérant que le délai fixé par ces dispositions n'étant pas prescrit à peine de nullité, la circonstance que le conseil de discipline, saisi le 7 janvier 2014, n'a rendu son avis que le 24 février 2014 après expiration du délai d'un mois n'est pas de nature à vicier la procédure au terme de laquelle a été prise la décision contestée ;
12. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que le conseil de discipline a, sans changement de sa composition pour les représentants des élus, statué le même jour sur le dossier de l'autre personne impliquée dans l'altercation à l'origine de la sanction disciplinaire n'était pas de nature à rendre irrégulière sa composition ou à remettre en cause l'impartialité de ses membres ;
13. Considérant, enfin, que M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont applicables qu'aux seules procédures juridictionnelles ;
S'agissant de la légalité interne :
14. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ;
15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 7 octobre 2013, une violente altercation a opposé M. A... à M. D..., agent de la commune, au cours de laquelle ont été échangés, dans le bureau de M. A..., des injures et des coups et qui a nécessité l'intervention d'autres agents de la commune pour séparer physiquement les protagonistes ;
16. Considérant qu'en admettant même que, comme il le soutient, M. A... ne serait pas à l'origine de l'altercation relatée ci-dessus et n'aurait fait que répondre à une agression dont il a été victime, l'absence de maîtrise dont il a fait preuve à cette occasion doit, eu égard en particulier à la nature de ses fonctions et aux responsabilités qui étaient alors les siennes, le faire regarder comme ayant eu un comportement fautif de nature à justifier que lui fût infligée une sanction disciplinaire ; qu'en lui infligeant, à raison de ces faits, une exclusion de fonctions pour une durée de six mois, d'ailleurs conforme à la proposition faite par le conseil de discipline, le maire d'Ambilly n'a pas entaché sa décision attaquée d'erreur d'appréciation ;
17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, la commune d'Ambilly est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 3 avril 2014 par laquelle son maire a infligé une sanction disciplinaire à M. A... ;
En ce qui concerne les conclusions d'appel incident de M. A... :
18. Considérant que, comme il vient d'être dit, la décision infligeant une sanction disciplinaire à M. A... n'est pas entachée d'illégalité ; qu'il suit de là que les conclusions d'appel incident par lesquelles M. A... demande la condamnation de la commune d'Ambilly à l'indemniser des préjudices qui ont résulté pour lui d'une telle décision doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur la requête n° 18LY00595 :
19. Considérant que dès lors que le jugement du tribunal administratif de Grenoble dont M. A... demande à la cour d'assurer l'exécution est annulé par le présent arrêt, les conclusions de sa requête n° 18LY00595 tendant à de telles fins sont devenues sans objet ;
Sur les frais liés au litige :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que M. A... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de la commune d'Ambilly, qui n'est pas partie perdante dans les présentes instances ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce même titre par la commune d'Ambilly ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18LY00595.
Article 2 : Le jugement n° 1402696 du 28 mars 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel incident sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la commune d'Ambilly tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. B... A... et à la commune d'Ambilly.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,
Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 novembre 2018.
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Nos 17LY02090, 18LY00595
mg