Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 août 2017, la société Six M D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté cette demande ;
2°) de condamner l'établissement public national Antoine Koenigswarter à lui verser ces sommes ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement public national Antoine Koenigswarter les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande devant le tribunal était recevable dès lors que les dispositions de l'article 50.1.1 du CCAG travaux ne sont pas applicables aux décomptes de liquidation, qu'elle a adressé un mémoire en réclamation à l'établissement public le 3 décembre 2015 et qu'en contestant et refusant ce mémoire en réclamation l'établissement public a renoncé à se prévaloir des dispositions procédurales du CCAG ;
- les sommes liés aux marchés de substitution ne peuvent être mises à sa charge dès lors d'une part que la procédure de résiliation est irrégulière faute de constatation contradictoire préalable et du fait du caractère incomplet de la décision de résiliation, de l'absence d'avis du maître d'oeuvre, du défaut de motivation de la décision de résiliation et d'autre part que les marchés de substitution sont irréguliers dans la mesure où leur contenu n'a pas été porté à sa connaissance, les règles de mise en concurrence n'ont pas été respectées, ils n'ont pas été attribués aux offres économiquement les plus avantageuses, l'identité du signataire de ces marchés pour l'établissement public n'est pas mentionnée sur ces marchés, elle n'a pas été tenue informée du déroulement des travaux de substitution ;
- les sommes de 119 765,23 euros et 185 091,72 euros lui sont dues au titre des marchés correspondants aux lots 11 et 12 et des travaux supplémentaires qu'elle a effectués.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 octobre 2018, l'établissement public national Antoine Koenigswarter, représenté par Me B... et Me G..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Six M D... une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable à défaut de moyens d'appel dirigés contre le jugement ;
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2019 par une ordonnance du 14 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de Mme F...,
- et les observations de Me C..., représentant la société Six M D... et celles de Me E..., représentant l'établissement Antoine Koenigswarter ;
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement public national Antoine Koenigswarter a conclu avec la société Six M le 29 juillet 2011 deux marchés correspondants aux lots n° 11 "chauffage/ventilation" et n° 12 "plomberie" dans le cadre de l'opération de construction d'un institut médico-éducatif à Auxerre, pour des montants respectifs de 850 000 euros hors taxes, et 362 000 euros hors taxes. A la suite de la résiliation de ces deux marchés aux frais et risques de la société, par un courrier notifié le 7 juillet 2014, des marchés de substitution ont été conclus avec plusieurs entreprises. La société Six M D..., venant aux droits de la société Six M, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à ce que l'établissement public national Antoine Koenigswarter soit condamné à lui verser les sommes de 119 765,23 euros au titre du lot n° 11 et 185 091,72 euros au titre du lot n° 12, outre intérêts et capitalisation des intérêts.
2. Aux termes de l'article 47.2.1 du CCAG travaux approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 applicable : " En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire ". Aux termes de son article 48.4 : " En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire (...) pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. Ce marché de substitution est transmis pour information au titulaire défaillant (...) le décompte général du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. ". Aux termes de l'article 50.1.1 du même CCAG : " Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du décompte général. Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. ".
3. Il résulte de ces dispositions que le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des travaux exécutés, qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux.
4. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 25 novembre 2015 notifié le 3 décembre suivant, l'établissement Antoine Koenigswarter a adressé à la société Six M les décomptes de liquidation des marchés. Si la société a transmis à l'établissement Antoine Koenigswarter, par courrier du 3 décembre 2015, notifié le 7 décembre suivant, un "mémoire en réclamation" comportant ses propres projets de décompte, il ressort des termes mêmes de ce document, et en particulier des sommes sur lesquelles il porte, que la société l'a établi avant même d'avoir pris connaissance du décompte de liquidation établi par l'établissement Antoine Koenigswarter, dont aucun élément n'est contesté à cette occasion. Ce document ne peut donc être regardé comme constituant un mémoire en réclamation portant sur le décompte de liquidation du marché.
5. Contrairement à ce que soutient la société requérante, en se bornant à rappeler, dans son courrier du 22 décembre 2015, qu'en vertu de l'article 42.1.2 du CCAG travaux le titulaire du marché résilié n'a "aucune capacité à établir lui-même les décomptes de liquidation" et qu'il ne pouvait donc que "contester et refuser" les projets de décomptes et le "mémoire en réclamation" que lui avait adressés la société, l'établissement Antoine Koenigswarter n'a pas entendu renoncer à se prévaloir des clauses procédurales du CCAG travaux sur lequel, au contraire, il se fondait.
6. En cas de résiliation du marché, il résulte des dispositions précitées de l'article 47.2.1 du CCAG travaux que le décompte de liquidation du marché se substitue au décompte général établi dans les autres cas. Le moyen tiré de ce que les dispositions du CCAG relatives à la contestation du décompte général ne seraient pas applicables au décompte de liquidation n'est dès lors pas fondé et doit être écarté.
7. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et alors que la société requérante conteste les sommes mises à sa charge par ces décomptes de liquidation au titre des travaux réalisés à ses frais et risques, la demande présentée devant le tribunal administratif de Dijon par la société Six M D... devait être précédée d'un mémoire en réclamation contre ces décomptes dans les quarante-cinq jours suivant leur notification. Par suite, la demande de la société, qui n'a pas adressé un tel mémoire à l'établissement Antoine Koenigswarter dans ce délai, était irrecevable.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête par l'établissement public intimé, que la société Six M D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à la condamnation de l'établissement Antoine Koenigswarter à lui verser les sommes de 119 765,23 euros au titre du lot n° 11 et 185 091,72 euros au titre du lot n° 12.
9. En l'absence de dépens exposés à l'occasion du présent litige, les conclusions de la société Six M D... tendant au remboursement de frais qui auraient été exposés dans ce cadre ne peuvent qu'être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'établissement Antoine Koenigswarter, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la société Six M D... une somme au titre des frais liés au litige. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à ce titre à la charge de la société Six M D... la somme de 2 000 euros à verser à l'établissement Antoine Koenigswarter.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Six M D... est rejetée.
Article 2 : La société Six M D... versera une somme de 2 000 euros à l'établissement public national Antoine Koenigswarter au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Six M D... et à l'établissement public national Antoine Koenigswarter.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme H..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 novembre 2019.
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N° 17LY03087