Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 10 octobre 2020 et 11 février 2021, M. A... C..., représenté par Me Lantheaume, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision contestée ;
2°) d'enjoindre au directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes de procéder à l'effacement dans les registres visés à l'article R. 57-7-30 du code de procédure pénale de la sanction disciplinaire contestée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le rapporteur public ne pouvait pas être dispensé de prononcer des conclusions à l'audience ;
- la décision d'engagement des poursuites disciplinaires a été prise par une autorité incompétente ;
- le rapport d'enquête a été établi tardivement et il ne comporte aucun élément relatif à sa personnalité, de sorte que le directeur de la maison d'arrêt n'a pas été mis en mesure d'apprécier au mieux l'opportunité des poursuites, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale ;
- la commission de discipline réunie le 10 janvier 2019 s'est prononcée en l'absence de l'assesseur extérieur, le privant d'une garantie reconnue au détenu.
Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.
Par une décision du 23 septembre 2020, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 janvier 2019, le président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas a infligé à M. B... A... C... une sanction de quinze jours de mise en cellule disciplinaire dont dix jours assortis d'un sursis actif pendant six mois. Cette décision a été confirmée le 18 février 2019, après l'exercice du recours administratif préalable obligatoire, par le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes. M. A... C... relève appel du jugement du 3 juillet 2020 par lequel tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 18 février 2019.
2. En vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs./ Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement./ Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ".
3. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même qu'il ne dispose que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.
4. Il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour s'assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l'article R. 57-7-12. Si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n'est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu'un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire.
5. Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline réunie le 10 janvier 2019 s'est prononcée en l'absence de l'assesseur extérieur. Si l'administration pénitentiaire avait en temps utile adressé à ce dernier ainsi qu'à son suppléant le planning des réunions pour le premier trimestre de l'année 2019, elle ne les a pas sollicités pour s'assurer de la présence effective le 10 janvier 2019 de l'un ou de l'autre. Dans ces conditions, alors qu'aucune circonstance ne faisait obstacle au report de la tenue de la commission de discipline à une date ultérieure, M. A... C..., bien qu'il ait donné son accord à la tenue de la séance dans cette composition, a de fait été privé d'une garantie faute pour l'administration d'avoir respecté son obligation de convocation. La privation de cette garantie a vicié la procédure disciplinaire.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre la décision du 18 février 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes et à demander l'annulation de ce jugement et de cette décision.
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement la suppression dans les registres visés à l'article R. 57-7-30 du code de procédure pénale de la mention de la sanction disciplinaire annulée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au directeur de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, sous réserve que M. D... y soit encore écroué, de procéder à cet effacement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
8. M. A... C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Lantheaume, avocat de M. D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Lantheaume.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903170 du tribunal administratif de Lyon du 3 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : La décision du 18 février 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au directeur de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas, sous réserve que M. A... C... y soit encore écroué, de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'effacement de la sanction disciplinaire annulée des registres visés à l'article R. 57-7-30 du code de procédure pénale.
Article 4 : L'État versera à Me Lantheaume la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C..., au garde des sceaux, ministre de la justice et à Me Lantheaume.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
M. Rivière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2022.
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N° 20LY02931