Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2018, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement susmentionné du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la décision précitée du 2 juin 2016 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lyon ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier pour ne pas avoir répondu aux conclusions, présentées dans un mémoire enregistré le 28 décembre 2016, tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de communiquer les " enregistrements de vidéosurveillance litigieux, de les visionner et de les verser dans le cadre de la présente instruction et persiste dans les conclusions de ses précédentes écritures " ;
- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit pour avoir retenu que l'absence de communication des enregistrements de vidéosurveillance n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision prise ni ne l'a privé d'une garantie, alors que les documents communiqués dans le cadre de la procédure sont lacunaires et qu'il n'a pu faire valoir que l'hypothèse de son rapprochement du surveillant de manière virulente avec une raquette à la main n'a pas été confirmée par la description de la vidéosurveillance réalisée par l'enquêteur et qu'il a été victime d'une provocation du surveillant avant les violences par un geste de ce dernier vers son visage ;
- la décision du 2 juin 2016 a été prise en méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire en raison du refus de visionner les enregistrements de vidéosurveillance, qu'il sollicitait, alors qu'il contestait les faits ;
- elle est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'il n'a jamais voulu porter un coup et qu'il n'a pas été retenu que le surveillant a commis un geste non professionnel à son encontre et que la simulation d'un coup de tête a été faite en réponse à cette provocation.
Par un mémoire enregistré le 2 juillet 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen tenant aux provocations dont le requérant aurait fait l'objet est inopérant ;
- les autres moyens du requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... ;
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a été incarcéré le 17 janvier 2009 puis écroué au centre de détention de Roanne le 12 juin 2012. Le 26 avril 2016, il a fait l'objet d'un compte rendu d'incident pour avoir insulté et tenté d'agresser un surveillant lors d'une séance de sport. Après avoir été sanctionné, le 11 mai 2016 par la commission de discipline de deux mois de privation d'activité culturelle, sportive ou de loisir, la directrice interrégionale des services pénitentiaires de Lyon a, par une décision du 2 juin 2016, prise sur recours administratif préalable de l'intéressé, réformé cette décision de la commission de discipline en ramenant cette privation d'activités à une période d'un mois. Par un jugement du 9 octobre 2018, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Si dans son mémoire enregistré le 28 décembre 2016 au greffe du tribunal administratif de Lyon, M. C... a demandé à ce tribunal d'enjoindre à l'administration la communication des enregistrements de vidéosurveillance, de les visionner et de les verser dans le cadre de la présente instruction, de telles conclusions ne relevaient pas des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, mais devaient être regardés comme une demande adressée à la juridiction de mise en oeuvre de ses pouvoirs propres d'instruction, à laquelle les premiers juges, qui ne sont pas tenus de recourir, pouvaient ne pas répondre. En tout état de cause, le tribunal, qui a visé cette demande comme constituant des conclusions à fin d'injonction, l'a expressément rejetée par voie de conséquence du rejet des conclusions à fin d'annulation. M. C... n'est donc pas fondé à soutenir que le jugement contesté est irrégulier en tant qu'il a omis de statuer sur une telle demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article 726 du code de procédure pénale : " Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'Etat. /Ce décret précise notamment : /(...)/4° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d'office, en bénéficiant le cas échéant de l'aide de l'Etat pour l'intervention de cet avocat. Ce décret détermine les conditions dans lesquelles le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition et celles dans lesquelles l'avocat, ou l'intéressé s'il n'est pas assisté d'un avocat, peut prendre connaissance de tout élément utile à l'exercice des droits de la défense, sous réserve d'un risque d'atteinte à la sécurité publique ou à celle des personnes ; /(...) ". Aux termes de l'article R. 57-6-9 du même code : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent, la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande. L'autorité compétente peut décider de ne pas communiquer à la personne détenue, à son avocat ou au mandataire agréé les informations ou documents en sa possession qui contiennent des éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes ou des établissements pénitentiaires. ". En vertu de l'article R. 57-7-16 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. /La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. /Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. / (...) ".
4. En premier lieu, la simulation de porter un coup de tête au surveillant est matériellement établie par les propres déclarations de l'intéressé devant la commission de discipline et le compte rendu d'incident cité au point 1 et quatre comptes rendus professionnels. Par suite, et dès lors qu'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en ne retenant pas le grief d'avoir craché sur le moniteur mais prenant seulement en compte la circonstance que cette simulation de coup de tête fait suite à un geste menaçant du surveillant moniteur de sport en direction de l'intéressé, geste qui fait lui-même suite à des invectives et insultes du requérant, dont l'exactitude matérielle n'est pas contestée par ce dernier et surtout a été reconnue par un arrêt du 1er juillet 2019 de la cour d'appel de Lyon, confirmant un jugement du 18 avril 2017 du tribunal correctionnel de Roanne, dont les constatations de fait sont revêtues de l'autorité absolue de chose jugée, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la sanction litigieuse est entachée d'une erreur de fait.
5. En second lieu, le respect des droits de la défense préalablement au prononcé d'une sanction, qui constitue un principe général du droit, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus.
6. Ainsi qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, la sanction litigieuse n'est pas fondée sur des faits révélés par le visionnage des enregistrements de vidéosurveillance. Par suite, les premiers juges ont pu à juste titre considérer que le défaut de transmission des images de vidéosurveillance au requérant n'avait pas, en l'espèce, privé l'intéressé d'une garantie, ni exercé une influence sur le sens de la décision prise, alors même que ces enregistrements n'ont pas permis de constater des crachats du requérant en direction du surveillant contrairement à ce que retient cette sanction, qui ne fait elle-même pas état de la main levée par le surveillant en direction du détenu, en réaction à ses invectives et insultes, proférées avant la simulation par M. C... d'un coup de tête. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que la sanction litigieuse a été prise en méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire en raison du refus de visionner les enregistrements de vidéosurveillance.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée et par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
M. D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.
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N° 18LY03928