Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2019 la garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges, par le jugement attaqué qui est insuffisamment motivé sur ce point, ont estimé que M. B... avait été effectivement privé d'une garantie dans la mesure où l'administration pénitentiaire, qui a établi qu'elle avait accompli toutes les diligences, ne peut être tenue pour responsable de l'absence de l'assesseur extérieur et elle a proposé à l'intéressé le report de la réunion de la commission de discipline.
M. B..., auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- et les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 10 janvier 2019, le président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Lyon-Corbas a infligé à M. C... B..., qui y était alors détenu, une sanction de dix jours de mise en cellule disciplinaire dont sept jours assortis d'un sursis actif pendant six mois. Cette décision a été confirmée le 18 février 2019 sur recours administratif préalable obligatoire par le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes. La garde des sceaux, ministre de la justice, relève appel du jugement du 8 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 février 2019 et lui a enjoint de procéder à l'effacement dans le dossier de M. B... A... la sanction disciplinaire annulée.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que pour juger que M. B... avait été privé d'une garantie, le tribunal s'est fondé sur l'irrégularité de la composition de la commission de discipline de la maison d'arrêt qui a siégé le 10 janvier 2019 sans la présence du second assesseur extérieur à l'administration pénitentiaire. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé en ce qu'il ne préciserait pas sur quels éléments le tribunal s'est fondé pour juger que M. B... avait été privé d'une garantie doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu de l'article 726 du code de procédure pénale, la commission disciplinaire appelée à connaître des fautes commises par les personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire. Aux termes de l'article R. 57-7-6 du même code : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-7 du même code : " Les sanctions disciplinaires sont prononcées, en commission, par le président de la commission de discipline. Les membres assesseurs ont voix consultative ". L'article R. 57-7-8 du même code dispose que : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs./ Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement./ Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. La liste de ces personnes est tenue au greffe du tribunal de grande instance ". Enfin, aux termes de l'article R. 57-7-12 du même code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ".
4. Il résulte de ces dispositions que la présence dans la commission de discipline d'un assesseur choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire, alors même qu'il ne dispose que d'une voix consultative, constitue une garantie reconnue au détenu, dont la privation est de nature à vicier la procédure, alors même que la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, prise sur le recours administratif préalable obligatoire exercé par le détenu, se substitue à celle du président de la commission de discipline.
5. Il appartient à l'administration pénitentiaire de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour s'assurer de la présence effective de cet assesseur, en vérifiant notamment en temps utile la disponibilité effective des personnes figurant sur le tableau de roulement prévu à l'article R. 57-7-12. Si, malgré ses diligences, aucun assesseur extérieur n'est en mesure de siéger, la tenue de la commission de discipline doit être reportée à une date ultérieure, à moins qu'un tel report compromette manifestement le bon exercice du pouvoir disciplinaire.
6. Il est constant que la commission de discipline réunie le 10 janvier 2019 s'est prononcée en l'absence de l'assesseur extérieur. Si l'administration pénitentiaire avait en temps utile adressé à ce dernier ainsi qu'à son suppléant le planning des réunions pour le premier trimestre de l'année 2019, elle ne les a pas sollicités pour s'assurer de la présence effective le 10 janvier 2019 de l'un ou de l'autre. Dans ces conditions, alors qu'aucune circonstance ne faisait obstacle au report de la tenue de la commission de discipline à une date ultérieure, M. B..., bien qu'il ait donné son accord à la tenue de la séance dans cette composition, a de fait été privé d'une garantie faute pour l'administration d'avoir respecté son obligation de convocation. La privation de cette garantie a vicié la procédure disciplinaire.
7. Il résulte de ce qui précède que la garde des sceaux, ministre de la justice, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 février 2019 du directeur interrégional des services pénitentiaires d'Auvergne-Rhône-Alpes et lui a ordonné de procéder à l'effacement des sanctions annulées dans le dossier de M. B.... Sa requête est donc rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la garde des sceaux, ministre de la justice est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, présidente assesseure,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2021.
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N° 19LY04518