Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2017, MM. F...etE..., représentés par MeG..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 novembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet du maire de la commune de Saint-Honoré en date du 24 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au maire de cette commune d'ordonner le rétablissement des lieux aux frais de M.H..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Honoré une somme de 1 500 euros, à verser à chacun d'entre eux, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- M. H...n'avait pas reçu d'autorisation pour réaliser les travaux ayant affecté le chemin rural ; le document daté du 28 janvier 2014 ne saurait caractériser une telle autorisation car il ne mentionne ni les nom et prénom ni la qualité de son auteur ; le conseil municipal n'a pas non plus approuvé la réalisation de ces travaux, de sorte que les travaux réalisés ont été irrégulièrement entrepris ;
- les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les exigences de forme et de procédure, préalables à tout changement ou aménagement des chemins ruraux, n'ont pas été respectées ;
- le maire a été défaillant dans l'exercice de ses pouvoirs de police spéciale et générale ; les travaux engagés ont porté atteinte à l'intégrité du chemin rural ainsi qu'aux conditions de circulation sur ce chemin ; le maire n'a pas assuré la protection du domaine public routier de la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2017, la commune de Saint-Honoré, représentée par MeJ..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des appelants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les travaux engagés par M. H...ont été autorisés et les appelants ne sont ni recevables ni fondés, à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision du 28 janvier 2014 autorisant ces travaux ;
- le maire n'était pas tenu de faire usage de ses pouvoirs de police en l'absence de troubles à l'ordre public et d'obstacle à la circulation sur le chemin rural.
Par un mémoire, enregistré le 29 octobre 2018, M.H..., représenté par la SCP Croize-Soumagne et Besson-Mollard, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de MM. F...et E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les appelants ne démontrent pas leur intérêt à agir, leur requête est donc irrecevable ;
- les moyens qu'ils invoquent ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux ;
- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;
- les observations de MeB..., représentant MM. F...et E..., et celles de Me D..., représentant la commune de Saint-Honoré.
Considérant ce qui suit :
1. M. H...est propriétaire, sur le territoire de la commune de Saint-Honoré (38), d'une parcelle cadastrée section C n° 467 jouxtant un chemin rural, longeant lui-même la voie communale n° 6. Début 2013, il a obtenu une décision de non-opposition après sa déclaration préalable à une division de cette parcelle en vue d'y construire une seconde maison d'habitation. Il a alors demandé à la commune l'autorisation d'engager des travaux sur le chemin rural pour créer une voie d'accès reliant les lots à bâtir à la voie communale n° 6, devant traverser le chemin rural. Cette autorisation lui a été accordée le 28 janvier 2014 et les travaux ont été réalisés entre le 30 mars et le 7 avril 2014. Le 22 avril suivant, M. H...a obtenu un certificat d'urbanisme relatif à la construction d'une maison individuelle sur la parcelle nouvellement créée et cadastrée section C n° 532. Le jour suivant, M. F...et M. E... ont demandé au maire de la commune de faire usage de ses pouvoirs de police et de remédier, aux frais de M. H..., aux atteintes portées au chemin rural par les travaux entrepris par ce dernier. MM. F... et E...relèvent appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de leur demande, née le 24 juin 2014.
2. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative que si cette dernière a été prise pour son application ou s'il en constitue la base légale. En l'espèce, la décision implicite résultant du silence gardé par le maire de la commune de Saint-Honoré sur la demande de MM. F...et E...tendant à ce que soient prises les mesures nécessaires à la remise en état du chemin rural en litige, aux frais de M. H...n'a pas été prise pour l'application de la décision de non opposition du 28 janvier 2014, qui ne constitue pas davantage la base légale de la décision implicite contestée. Par suite, MM. F... et E...ne peuvent utilement, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre la décision implicite de rejet de leur demande, exciper de l'illégalité de la décision du 28 janvier 2014 en ce qu'elle ne comporterait pas les mentions permettant d'identifier leur auteur et qu'elle aurait été prise par une autorité incompétente. C'est donc à bon droit, et sans entacher leur jugement d'une irrégularité, que les premiers juges ont écarté ce moyen.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux. ". L'article D. 161-11 de ce code précise que " Lorsqu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire y remédie d'urgence. / Les mesures provisoires de conservation du chemin exigées par les circonstances sont prises, sur simple sommation administrative, aux frais et risques de l'auteur de l'infraction et sans préjudice des poursuites qui peuvent être exercées contre lui. ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il constate qu'un obstacle s'oppose à la circulation sur un chemin rural, le maire est tenu de prendre les mesures appropriées pour y remédier.
4. MM. F...et E...se bornent à soutenir, sans d'ailleurs l'établir, que les travaux engagés par M. H... ont modifié l'emprise du chemin rural et provoqué la destruction de nombreux arbustes sur son emprise. Toutefois, ils n'établissent pas ni même n'allèguent que ces travaux auraient été de nature à constituer un obstacle s'opposant à la circulation sur le chemin rural, seule circonstance de nature à imposer au maire de faire usage des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article D. 161-11 précitées. Par ailleurs, s'ils soutiennent que le remblai réalisé par M. H...fait obstacle à la circulation piétonne du fait d'une forte déclivité aux abords de l'ouvrage, il ressort au contraire du procès-verbal de constat d'huissier établi le 15 janvier 2015, lequel n'est pas sérieusement contesté, que les travaux de remblai ont facilité à cet endroit la traversée du chemin rural par les piétons et les vélos tout terrain. Enfin, les appelants ne peuvent utilement soutenir que le maire devait faire usage des pouvoirs de police qu'il tient des dispositions de l'article D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime pour protéger la voie communale n° 6, qui appartient au domaine public de la commune.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : / 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) ". L'existence du pouvoir de police spéciale attribuée au maire par les articles L. 161-5 et D. 161-11 du code rural et de la pêche maritime ne fait pas obstacle à ce que le maire use des pouvoirs de police générale qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales en vue d'assurer la sûreté et la commodité du passage sur les voies publiques dont font partie les chemins ruraux dès lors que les dispositions précitées ne distinguent pas selon l'appartenance des voies concernées au domaine public routier de la commune ou à son domaine privé. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit au point 2, les appelants ne peuvent utilement soutenir que M. H... n'avait pas reçu d'autorisation régulière pour entreprendre les travaux de remblaiement en litige. Par ailleurs, et ainsi qu'il a été dit au point 4, ils n'établissent pas l'impossibilité, notamment pour les personnes âgées et les personnes à mobilité réduite, d'emprunter ou traverser le chemin rural à raison de ces mêmes travaux.
6. En dernier lieu, MM. F...et E...ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales selon lesquelles le maire est chargé d'exécuter les décisions du conseil municipal, pour soutenir que celui-ci devait faire usage de son pouvoir de police, qui constitue un pouvoir propre du maire qu'il exerce sous le contrôle administratif du représentant de l'État dans le département, ainsi que le prévoit l'article L. 2212-1 du même code.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M.H..., que MM. F...et E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par conséquent, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. En revanche, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. F... et de M. E... la somme de 750 euros chacun à verser à la commune de Saint-Honoré, ainsi que la somme de 750 euros chacun à verser à M. H...au titre des frais d'instance non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F...et de M. E...est rejetée.
Article 2 : M. F...et M. E...verseront chacun la somme de 750 euros à la commune de Saint-Honoré et chacun la même somme à M.H..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...F..., à M. C...E..., à la commune de Saint-Honoré et à M. I...H....
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
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N° 17LY00320