Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 octobre 2015 et 5 février 2016, M. C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 septembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale susmentionnée pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le rejet du moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision préfectorale est insuffisamment motivé ;
- le premier juge a manqué à son office en se bornant à écarter le moyen tiré de l'incompétence sans rechercher si la délégation dont bénéficiait le signataire remplissait les conditions légales de validité, et en particulier si son bénéficiaire avait compétence pour la recevoir et si elle comportait une précision suffisante, alors que le moyen tiré de l'incompétence est un moyen d'ordre public ;
- c'est à tort que le premier juge s'est borné à prendre en compte le fait qu'il avait fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement et présenté des demandes de titre de séjour pour écarter le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration, alors qu'il s'agit de mesures différentes, que la décision a été prise d'office contre lui, sans moyen de présenter des observations, ignorant l'imminence de la mesure et sans l'interprète nécessaire ;
- sa situation personnelle et familiale contre-indique son placement en rétention, au regard de la directive retour ; le premier juge ne pouvait sans dénaturation et violation des dispositions de l'article 372 et suivantes du code civil affirmer qu'il ne démontre pas subvenir effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, alors qu'il a une communauté de vie avec son épouse et ses enfants et qu'il s'en est toujours occupé ; son état de santé s'oppose à son placement en rétention et à son éloignement, en application de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il justifie d'un avis favorable du médecin de l'agence régionale de santé du 12 octobre 2015.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 décembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.
1. Considérant que M.C..., ressortissant arménien, relève appel du jugement du 29 septembre 2015 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2015 par laquelle le préfet de l'Ain a ordonné son placement en rétention administrative ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, d'une part, que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence, le premier juge a relevé que M.B..., chef du service de l'immigration, signataire de la décision litigieuse, bénéficiait d'une délégation de signature consentie par arrêté du préfet de l'Ain en date du 14 septembre 2015, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs ; qu'au regard de la teneur du recours dont M. C...avait saisi le tribunal, qui se bornait à faire état de la nécessité pour le préfet de justifier d'une délégation de signature, et en absence de tout élément laissant à penser que ce moyen aurait été développé au cours de l'audience, le premier juge a suffisamment motivé sa décision sur ce point ;
3. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., attaché principal, chef du service de l'immigration à la préfecture de l'Ain, avait reçu délégation pour signer, notamment, les décisions de placement en rétention dans l'ensemble des centres de rétention administratifs de France, en vertu des dispositions combinées des articles 1er et 4 de l'arrêté du préfet de l'Ain du 14 septembre 2015 ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que cette délégation, qui vise spécifiquement les décisions de placement en rétention, est insuffisamment précise ; que le moyen tiré de ce que M. B...n'aurait pas eu compétence pour recevoir délégation n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que l'arrêté de délégation a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient dû relever d'office l'incompétence du signataire de la décision préfectorale litigieuse ;
Sur la légalité de la décision préfectorale :
4. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient M.C..., le moyen tiré de la violation du principe de bonne administration n'a pas été écarté par le premier juge, devant lequel il n'est d'ailleurs pas établi qu'il aurait été invoqué ; qu'à supposer que le requérant entende invoquer, pour la première fois en appel, le moyen tiré de la violation du principe général du droit de l'Union européenne consacrant le droit à être entendu avant l'adoption d'une décision de retour, ce droit n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en l'espèce, M. C... a été entendu le 8 septembre 2015 par la police qui lui a demandé s'il avait des observations à formuler au sujet d'une mesure d'éloignement, par l'intermédiaire d'une interprète en langue arménienne ; qu'alors même qu'il n'a pas été informé de l'imminence de la mise à exécution d'une telle mesure, le moyen ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que le requérant, qui n'excipe pas de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut utilement se prévaloir, directement à l'encontre de la décision portant placement en rétention administrative, des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qui ne sont pas applicables à de telles mesures ; que, s'il souffre de pathologies cardiaques et hépatiques, justifie d'un suivi médical et a fait l'objet d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé concluant à une nécessité de prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et à l'absence d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé, à la date de la décision préfectorale litigieuse, était de nature à faire obstacle à son placement en centre de rétention ; que la perspective de rendez-vous médicaux n'est par ailleurs pas suffisante pour justifier l'annulation de la décision en cause ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / La décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l'autorité administrative pour une durée de cinq jours. / La prolongation de la mesure par le juge des libertés et de la détention s'effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre " ;
7. Considérant que l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, par dérogation aux cas dans lesquels un ressortissant étranger est susceptible d'être placé en rétention, la faculté de prendre une mesure d'assignation à résidence lorsque l'étranger présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français ; qu'en vertu des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code, ce risque doit être notamment regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas où l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 de ce code, et conformément aux objectifs de l'article 17 de la directive 2008/115/CE, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;
8. Considérant que le requérant fait valoir qu'il a trois enfants mineurs nés en France, dont deux sont scolarisés, qu'il s'en est toujours occupé et qu'il entretient une communauté de vie avec son épouse ;
9. Considérant cependant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant contribue effectivement à l'entretien de ses enfants ; qu'il ne justifie notamment pas, par des documents suffisamment probants, vivre avec ses enfants à la date de la décision préfectorale litigieuse, ayant indiqué à la police le 8 septembre 2015 qu'il résidait chez un ami alors que ses enfants vivaient avec leur mère ; que, dans ces conditions, sa qualité de parent d'enfants mineurs ne suffisait pas à faire légalement obstacle à son placement en rétention ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées, par voie de conséquence ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 18 février 2016, où siégeaient :
- Mme Verley-Cheynel, président
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 mars 2016.
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N° 14LY00768
N° 15LY03335 2